« — Bien sûr que j’ai raison et j’apprécie que tu ne laisses pas entendre le contraire pour une fois. » Il porta un regard doux et protecteur sur leur petit ange que ne boudait pas son plaisir d’être au centre de toutes les attentions. « — Eileen passera toujours avant le reste et plus encore avant les quelques rancœurs envers ton père. »

Le sujet qui de prime abord était innocent dévia bien rapidement vers des jeux d’adultes loin des considérations d’Eileen (heureusement.) Et de toute évidence, Haytham ne semblait pas le seul à émettre des théories. « — Hum, vais-je devoir boucher les oreilles de notre fille ? Je crois qu’elle est encore trop jeune pour entendre ça. On en reparlera donc tout à l’heure si tu veux bien chère humaine, qui aux dernières nouvelles, apprécie le pourcentage. Je me trompe ? »

La piscine ne resta pas longtemps au centre des débats et fort heureusement, les deux parents parvinrent à se mettre d’accord sur l’emplacement du cadeau « empoissonné » avant d’enfin passer à table pour combler quelques estomacs en perdition. Ces petits moments, bien que quotidiens, avaient la faveur d’Haytham qui n’hésita pas à jouer de sa complicité avec le petit monstre, quitte à mettre à mal la solidarité féminine. « — On dit que la vérité sort de la bouche des enfants, CQFD ! » Et c’est sur ces bonnes paroles que le repas commença. La bonne humeur était de rigueur et toutes les petites contrariétés misent sous le tapis. Et voilà pourquoi le demi-dieu chérissait ces moments plus que tout. Il appréciait la simplicité et la normalité de l’instant. Vint ensuite, le temps des négociations où il ne fallait point se démonter pour avoir gain de cause.

« — C’est noté ! Un massage contre un massage. Pour une fois que c’est équitable, je ne vais pas m’en plaindre. » De corvée de vaisselle, le Marsien laissa le soin à sa chère et tendre d’aller coucher la petite guerrière et de veiller au brossage de temps réglementaire. Notre demi-dieu s’occupa donc de tout ranger après avoir tout nettoyé et regagna à son tour la chambre de la petite qui venait d’avoir le droit à sa petite histoire du soir, mais qui cherchait encore à négocier avec son père cette fois.

« — Serais-tu en train d’essayer de me fourber petit monstre ? C’est une histoire par soir et par parent. Et pas la peine de faire cette tête de chat botté. Demain, si tu es sage, je te raconterai comment avec ta maman, nous nous sommes retrouvés. OK ? » La petite acquiesça avant de faire un câlin à son père puis de reprendre sa place. Le dieu-dieu actionna ensuite la veilleuse et laissa la porte entrebâiller avant de s’en aller retrouver Tam dans leur chambre.

« — Notre fille est une fine négociatrice. Je me demande de qui elle tient. » Il vint aussitôt se placer derrière pour commencer à lui masser les épaules. « — J’ai comme l’impression que c’est moi qui vais commencer. »

Comme bien souvent, Haytham avait réussi à détourner l'attention de Tam loin du problème que représentait pour elle son père. Elle ne voulait pas être pour sa fille le genre de parent qu'il avait été pour elle, totalement absent. Et le voir revenir à présent dans sa vie pour tenter d'amadouer Eileen avec des cadeaux la rendait folle de rage. Mais la perspective d'un bon dîner en famille avait finalement éteint les braises, ça et la promesse d'un massage.

- Comment ça "pour une fois"? Genre c'est jamais équitable ? T'es en train de te plaindre de ton sort là ? Non c'est juste pour être sure...

Elle secoua la tête avant de reprendre une bouchée.
Il fut ensuite temps d'aller coucher la petite princesse piranha qui grandissait bien trop vite au goût de ses parents. Quand elle la regardait, Tamara avait du mal à songer qu'elle avait un jour été assez petite pour tenir dans son ventre.

Puis, les époux regagnèrent leur chambre. La remarque du fils de Mars sur les talents de négociatrice de leur progéniture fit sourire l'ancienne agent de terrain, alors qu'il venait commencer à lui masser les épaules.

- Ça ? C'est de moi, sans aucune hesitation.

Elle s'assit au bord du lit en regardant son mari.

- Alors comme ça, les deals sont jamais équitables ? Puisque c'est comme ça, non tu commences pas, allez désappe-toi. Je te préviens, j'ai jamais fait de massage alors tu te plaindras pas.

Il était vrai que la douceur n'était pas la qualité première de Tamara Lond. Mais elle était capable de faire un effort puisque le Marsien semblait vouloir un massage lui aussi.

- Si j'avais su, j'aurais cherché un tuto YouTube avant...

Elle l'aida à retirer ses vêtements puis le fit s'allonger sur le ventre. Et sans attendre, agenouillée à côté de lui, elle passa ses mains sur son dos, commençant par des mouvements circulaires, remontant jusqu'aux épaules. Là, elle passa sur ses trapèzes qu'elle pétrit doucement.

- ça va ?

Elle espérait que cène serait pas trop désagréable puisque la vocation première d'un massage était de détendre les muscles.

Il resta à l’observer un court instant dans l’entrebâillement de la porte. Dire qu’elle était mignonne était un euphémisme, mais ne pas voir qu’elle grandissait à vue d’œil serait mentir. Le demi-dieu songea alors à Maisie, qu’il n’avait pas eu la chance de voir grandir. Il se refusait à imaginer une telle perspective pour Leen malgré cette légère douleur à chaque fois que la petite prenait un an. En attendant, il fallait négocier, car la petite fille, au fait de ses compétences, tentait à nouveau de rallonger, le temps du coucher en exigeant une autre histoire.

« — N’oublie pas Eileen, si tu es sage, demain tu auras le droit à une super histoire. Nous avons un deal ? » La petite acquiesça et vint taper dans la main imposante de son père qui en profita pour réajuster la couverture de la petite et enclencher la veilleuse avant de quitter la chambre pour retrouver la sienne où déjà Tamara l’attendait pour son massage. Le demi-dieu consentit donc à respecter sa part du marché et vint se placer derrière sa femme pour commencer à lui masser les épaules.

« — Évidemment qu’elle tient ça de toi. » Mais alors qu’il venait à peine de commencer, la jeune femme se tourna pour lui faire face, provoquant l’incompréhension du Marsien. « — Qu’est-ce que j’ai fait encore ? » Une question qui trouva réponse à son pied lorsque la tornade brune évoqua les deals non équitables préalablement évoqués à table.

« — Wow, c’est si gentiment demandé que je me vois mal refusé. » Sans la quitter du regard, il se délesta de son haut. « — Je te préviens, si c’est de la merde, je ne paierai pas pour un supplément. »

Pas rancunière pour deux sous, elle l’aida à retirer le surplus textile avant de le faire s’allonger sur le ventre ; ce qui n’était clairement pas sa position favorite. « — Les tutos YouTube c’est surfait ! » Il ferma les yeux et prit une grande inspiration lorsqu’enfin, il sentit les mains chaudes de Tamara saisir les muscles de ses épaules avant de se lancer dans quelques mouvements circulaires à peine maitrisés, mais pas désagréables pour autant.

« — C’est pas mal, mais peut mieux faire ! »  Malgré sa remarque, Hay se surprenait à fermer les yeux tant il commençait à se détendre. « — Hum, donc nous en étions à l’épisode du deal pas équitable c’est ça ? » Mais un cri retentit obligeant les deux parents à mettre un terme à la séance de massage. Hay enfila aussitôt son pantalon et se rua dans la chambre de la petite suivie de près par sa femme. Eileen n’était plus là, mais la fenêtre restait ouverte.

« — Putain !  EILEEN ! »

Sans réfléchir, il fit apparaître son arme mythologique et se rua vers l’extérieur pour regagner la plage. « — EILEEN ! »

Une soirée comme les autres se profilait à l'horizon sur leur île des Maldives au nom imprononçable pour les novices. Taquineries mais toujours ponctuées de tendresse et d'amour. Il fut donc question de massages à s'échanger. Tamara accepta de commencer à le lui faire puisque le fils de Mars se plaignait du manque d'équité des deals passés ensemble. Une fois Haytham délesté de ses fringues, l'ancienne agent de terrain s'appliqua du mieux qu'elle pouvait pour prodiguer un massage à peu près correct à son mari, elle qui n'avait jamais fait cela.

- Fais pas ton client chiant, dis-moi juste si ça te va comme ça.

Mais vu qu'il fermait les yeux et qu'elle sentait sous ses mains les muscles du demi-dieu se détendre, elle ne devait pas s'y prendre si mal.
Tout aurait pu continuer sous les meilleurs auspices, si un cri ne s'était pas fait entendre en provenance de la chambre d'Eileen. Telle un suricate, Tam se redressa et lâcha son Penseur pour se précipiter vers la chambre de sa fille. Voyant qu'elle n'y était plus, elle se rua vers le salon et ouvrit en arrachant quasiment la porte, le placard dans lequel elle tenait sous clé ses armes à feu. Elle en sortit une à la vitesse de l'éclair et plusieurs chargeur et courut à l'extérieur, appuyant sur son passage sur l'interrupteur des lumières extérieures.

Haytham était arrivé en même temps qu'elle. Tam eut le temps de mettre le chargeur dans son flingue, et chercha du regard sa fille. Ses angoisses se reveillèrent, le B. E. M les avaient-ils retrouvés ? S'en prenaient-ils cette fois à sa fille tout comme ils l'avaient fait pour sa mère voilà deux ans ?

"- Mamaaaaan, papaaaaa!"

Là, elle vit une créature ailée les survoler.

- Eileen, ça va aller mon trésor ! cria-t-elle à l'attention de sa fille. Bouche-toi les oreilles mon bébé !

Elle mit en joug la créature, visant son aile pour l'obliger à redescendre. Après avoir tiré, elle déchira son t-shirt pour s'en faire des bouchons d'oreilles.

- Hay, on doit l'empêcher de s'éloigner, et bouche ton oreille, si elle crie on va être paralysés.

Le cœur de Tamara battait la chamade comme jamais. La créature blessée cría comme elle l'avait prévu. Elle posa ses mains contre ses oreilles pour ajouter plus d'efficacité au tissu, puis regarda son mari. Une idée lui vint.

- Lance-moi jusqu'à elle ! Je vais attraper Eileen, et toi tu descends cette saloperie.

Elle reposa son regard sur la créature qui avait du mal à maintenir un vol stationnaire à cause de sa blessure à l'aile.

Enfin, il avait eu son petit massage. Quelque temps auparavant, il s’était plaint du manque d’équité dans les tâches ménagères, et surtout du manque de massages. Ainsi, victorieux, il s’installa confortablement sur le lit, laissant à Tam le soin de masser son dos. Cependant, malgré une pointe de moquerie, le fils de Mars devait reconnaître l’expertise de son épouse dans les mouvements de massage.

« — Je ne suis pas un client difficile, tu sais. Je te fais juste une critique constructive. » Cependant, il aimait taquiner Tam pour l’encourager à se surpasser et à rendre le massage inoubliable, si possible. Et il l’était, à en juger par le ton de sa voix, ses paupières lourdes, ainsi que la détente de chacun de ses muscles sous les mains expertes de sa quinquagénaire de femme. Malheureusement pour eux, leur moment de quiétude fut de courte durée. Un cri retentit depuis la chambre d’Eileen, leur fille. Tamara se précipita vers le placard pour récupérer son arme, tandis qu’Haytham se rua dans la chambre de sa fille, qui n’était plus dans son lit. Armé à son tour, il rejoignit la plage suivi de près par Tamara et son flingue.

La fillette pleurait à chaudes larmes en appelant ses parents. Furieux, le fils de Mars observa la créature responsable de l’enlèvement de sa fille, tandis que Tam l’identifiait et incitait Eileen à se boucher les oreilles après avoir remarqué les ailes de la créature. Sans réfléchir, Eileen obéit à sa mère et se boucha les oreilles. Tam prit visée sur l’aile gauche de la créature, l’obligeant à redescendre immédiatement, puis elle s’activa pour se boucher les oreilles avec un bout de t-shirt qu’elle venait d’arracher. Haytham observait la créature en essayant de garder son calme pour ne pas effrayer Eileen.

« — Je vais la neutraliser ! » déclara-t-il en plaçant sa main sur son oreille valide. Cependant, l’agent de terrain suggéra à son mari demi-dieu de projeter Tam vers la créature ailée afin qu’elle puisse récupérer leur fille. « — D’accord ! » Sans réfléchir davantage, Hay suivit la suggestion et projeta Tam vers le monstre mythologique qui n’était plus capable de maintenir un vol stationnaire en raison de sa blessure à l’aile. Pour l’instant, le Marsien devait attendre que l’agent de terrain récupère la petite Eileen et la mette en lieu sûr. La créature continuait à se mouvoir avec difficulté, mais demeurait capable d’utiliser ses puissantes cordes vocales pour se défendre, obligeant Hay à appuyer un peu plus fort sa main contre son oreille valide.

Tam parvint à récupérer leur fille avec soulagement, laissant à son compagnon tout le temps nécessaire pour abréger la vie de leur ennemi. De sa main libre, le demi-dieu fit tournoyer son arme semi-divine et la lança avec force dans l’autre aile de la créature. Incapable de voler, cette dernière s’écrasa lourdement sur le sable. La main libre levée, Hay rappela son arme à lui. En effet, la lance se redressa presque immédiatement pour retrouver la main de son maître.

Ainsi, le demi-dieu s’approcha de la créature qui le regarda avec méfiance et douleur. Le Marsien ressentit une pointe de pitié pour l’être mythologique avant de finalement penser à ce qui aurait pu se passer s’ils n’étaient pas intervenus avec Tamara. Il leva alors son arme et la planta fermement dans le cœur de la créature. Il sentit la résistance de la chair, puis la lance s’enfonça avec un bruit sourd dans la poitrine de la bête. La créature poussa un dernier cri avant de s’effondrer sur le sable, morte. Haytham retira lentement son arme du corps de la créature puis se tourna vers Tamara et Eileen.

« — Tout va bien, c’est terminé ! »

Dire que la soirée aurait pu si bien se poursuivre... Non, il fallait que même ici, sur leur île isolée de tout et de tous, ils soient importunés. Et par une saloperie mytholgique qui essayait d'enlever leur fille. Tamara avait le seumomètre au mximum. Son esprit bouillonnait et ses idées fusaient de toutes parts pour récupérer Eileen et détruire la créature. Elle proposa à son mari une idée à laquelle il sembla adhérer immédiatement. De toute façon, ils n'avaient pas le temps de voir un autre plan. Elle laissa le fils de Mars la propulser jusqu'à la créature. Aussitôt, Tam lui flanqua un coup de coude dans le visage avant d'attraper Eileen dans ses bras et retomber lourdement sur le sable, protégeant la fillette de la chute en prenant elle-même le choc sur son dos.
Pendant ce temps, Haytham s'occupait d'achever la créature. Tamara s'assura que leur fille ne voit pas cela en lui cachant les yeux. Puis, elle se redressa, faisant fi des douleurs causés par le choc de la chute. Elle remit sur ses pieds la petite fille qui retira seulement les mains de ses oreilles. Elle la mit sur ses petits pieds et l'époussetta doucement.

- Tu vas bien ma chérie ?

Eileen se mit à applaudir en riant.

"Encore !"

Soulagée, Tamara poussa un soupir avant de la prendre dans ses bras, la serrant contre elle quelques instant avant de se relever, marchant vers le fils de Mars.

- Elle a eu l'air de penser que c'était un jeu, murmura-t-elle en direction de son mari. Je vais la recoucher, toi brûle cette saloperie. On barricade sa fenêtre dès ce soir.

L'esprit de l'ancienne agent de terrain turbinait non-stop. Comment faire pour sécuriser au maximum la chambre de sa fille pour éviter les attaques nocturnes d'éventuels prédateurs mythologiques ? Fatiguée, la petite bâillait déjà. Tamara attendit qu'elle s'endorme avant de la remettre dans son lit.

Le regard de la créature blessée avait laissé une empreinte indélébile dans l’esprit du demi-dieu. Il ressentait profondément la douleur qu’elle avait exprimée et savait que ses actions avaient engendré cette souffrance. Bien que la culpabilité le rongeait, il avait agi selon son devoir de protection en éliminant la menace qui pesait sur sa famille. Cela n’était pas la première fois qu’il avait tué des ennemis, et il était prêt à accepter les conséquences de ses actes.

Cependant, une autre émotion avait étreint le demi-dieu lorsqu’il avait croisé le regard de Tamara. Il avait lu sur son visage l’inquiétude palpable, signe qu’elle avait compris les enjeux de leur situation actuelle. Désormais, la sécurité de sa famille était menacée, et il devait être vigilant. Pour protéger l’innocence de la petite Eileen, il avait caché ses propres émotions, mais il ne pouvait nier cette sensation désagréable qui le faisait se demander si leur île paradisiaque était toujours un lieu sûr.

Le rythme effréné de son cœur témoignait de l’adrénaline encore présente dans son corps. Le demi-dieu était conscient que la situation était critique et que leur sécurité était peut-être compromise. Il devait trouver une solution pour protéger sa famille et assurer leur survie. Mais malgré l’urgence de la situation, la vue de la petite Eileen qui jouait joyeusement dans les bras de Tamara lui offrait un moment de répit. Sa légèreté et son innocence semblaient momentanément éloigner les inquiétudes qui pesaient sur lui. Il était reconnaissant de voir qu’elle pouvait profiter de l’instant présent sans se soucier du danger qui les entourait.

Tamara s’approcha de Hay, sortant provisoirement le demi-dieu de ses pensées. Il sourit à sa fille joyeuse, mais remarqua rapidement l’inquiétude sur le visage de sa femme. Hay savait que la petite Eileen était capable d’entendre les murmures. « — Le jeu est terminé, mademoiselle », déclara-t-il en souriant à sa fille. « — Allez-y, je vais nettoyer maintenant. Je vous laisse rentrer à la maison. Et je compte sur toi, Leen, pour aller dormir sans négociation », ajouta-t-il avec une pointe de fermeté. La petite fille protesta un peu, mais Hay resta inflexible. Il se tourna ensuite vers Tamara et lui assura qu’il allait tout gérer. Puis, elle fit demi-tour pour rentrer à l’intérieur de leur domicile.

Hay jeta un dernier regard à la créature qu’il avait éliminée. Il savait qu’il devait faire disparaître le corps pour éviter d’attirer l’attention de ses congénères. Il prit une profonde inspiration et serra les poings. Il se mit immédiatement au travail pour faire disparaître le corps de la créature. Il savait qu’il avait peu de temps avant que d’autres membres de son espèce ne détectent la mort de leur congénère. Il ramassa le corps et le transporta loin de leur domicile, cherchant un endroit sûr pour se débarrasser du corps sans attirer l’attention.

Il retourna sur ses pas et récupéra de quoi faire flamber la créature. Il rassembla des branches sèches et des feuilles mortes autour du cadavre de la créature qu’il avait éliminée. Il les empila soigneusement avant d’y mettre le feu, veillant à ce que les flammes soient assez hautes pour brûler le corps entier. Il resta là un moment, regardant les flammes crépiter et dévorer la carcasse de la créature, pensant à ce qu’il venait de vivre.

Une fois qu’il eut fini de brûler le corps de la créature, Hay retourna à la maison en tâchant de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller Eileen. Il se rua dans la cuisine et entreprit de se laver les mains. Pendant qu’il se lavait les mains, Hay essayait de calmer son esprit agité. Il avait réussi à protéger sa famille, mais il ne pouvait s’empêcher de penser que cela ne suffisait peut-être pas. Il se demandait s’il y avait d’autres créatures comme celle qu’il avait éliminée sur leur île paradisiaque. Cette pensée le fit frissonner et il secoua la tête pour chasser ces idées sombres.

Puis il prit la direction de la chambre d’Eileen, tâchant de faire le moins de bruit possible, pour ne pas la réveiller.

Comment une telle chose avait pu arriver ? Tamara était furieuse, mais tant qu'elle avait Eileen dans ses bras, elle ne disait rien. Arrivées dans la chambre de la petite, la brunette garda sa fille contre elle, et sûrement que les forts battements frénétiques de son coeur tambourinant dans la cage thoracique sur laquelle l'oreille de la petite était appuyée l'avaient aidée à s'endormir. Après quelques minutes d'écoute d'une profonde respiration marquant le sommeil de plomb de sa princesse, Tamara la déposa délicatement dans son lit avant de chercher de quoi bloquer la fenêtre. Elle parvint à une protection sommaire mais suffisante pour cette nuit, et elle se promit que dès le lendemain, elle irait se procurer de quoi faire un volet supplémentaire relié à une alarme qu'elle pourrait avoir sur elle.

Après une bonne heure de travail acharné, elle sortit de la chambre et aperçut son mari qui se dirigeait vers elle. Il venait de se laver les mains visiblement. Elle vint à sa rencontre.

- Elle dort, essaie de ne pas la réveiller.

Tam savait que si Haytham avait décidé d'entrer, il le ferait, et avec la frayeur qu'il avait dû avoir aussi, elle n'avait pas le coeur de le lui interdire. Elle se rendit tout simplement dans leur chambre à eux, attendant le retour du fils de Mars. Les quelques minutes qu'il mit à, à son tour, entrer dans la pièce, lui parurent suffisamment longues pour cogiter à mille et un scenarii. L'ancienne agent de terrain n'avait pas eu le temps de bien voir la créature ni de l'identifier, il y avait plusieurs possibilités. Beaucoup de créatures avaient des attribus semblables, ainsi les ailes et griffes étaient communes à plusieurs. Mais il faisait nuit, comment être sûre ?
Lorsque le fils de Mars parut dans leur chambre, Tam se leva du coin de lit sur lequel elle était jusqu'alors assise le regrad dans le vague, et elle vint se blottir contre lui. Un geste laissant paraître une certaine vulnérabilité, d'où la rareté de celui-ci. Elle avait eu si peur pour sa fille. Elle fondit alors en sanglots, incapable de se retenir davantage. Elle qui ne pleurait jamais, ce soir, c'était un florilège de raretés.

Le lavage des mains, habituellement si rapide, était maintenant la meilleure excuse pour se perdre dans ses pensées, laissant la culpabilité envahir le demi-dieu. Chaque goutte d’eau qui coulait sur sa peau était un rappel de sa négligence. Pourquoi n’avait-il pas été plus attentif ? Comment avait-il pu ne rien pressentir ? Le danger était à présent à leur porte, malgré toutes les précautions prises pour ne pas être suivies jusqu’ici.

Il ferma le robinet d’un geste presque automatique, puis prit un torchon pour sécher ses mains humides. Un soupir long et lourd s’échappa de ses lèvres, témoignant de son impuissance momentanée. L’odeur de brûlé lui parvint, pénétrant ses narines et ravivant le souvenir de la créature odieuse qui avait attaqué Eileen quelques instants auparavant. Désormais, plus rien ne serait pareil dans ces lieux autrefois synonymes de paradis. Il savait aussi qu’il devait avoir une conversation avec Tamara. Mais pour l’instant, tout ce qu’il désirait ardemment, c’était savoir sa fille en sécurité. Il se dirigea donc vers le vaste couloir qui menait aux chambres. En chemin, il croisa Tam, qui lui fit savoir d’un ton neutre que la petite dormait et qu’il valait mieux ne pas la réveiller.

« — Je ferai attention », répondit-il d’un ton tout aussi neutre avant de pénétrer avec précaution dans la chambre. La pièce était plongée dans une relative pénombre, seulement éclairée par la douce lueur de la veilleuse qui projetait des ombres enchantées sur les murs et le plafond. Hay avança silencieusement vers le lit d’Eileen, veillant à éviter tout mouvement brusque qui pourrait la réveiller. Il se tint là, figé, captivé par sa présence. Elle semblait si paisible, comme si tout ce qui venait de se passer n’avait eu aucun impact sur elle. Sa douce respiration rythmée était une mélodie apaisante dans l’obscurité de la chambre. Une lueur de soulagement illumina le visage du demi-dieu, son expression se détendit, sachant qu’elle était en sécurité, du moins pour le moment. En cet instant précieux, il se sentit rempli d’un amour protecteur, promettant silencieusement de tout faire pour préserver l’innocence qui émanait d’elle dans ces circonstances troublantes.

Il quitta la chambre à pas feutrés, veillant à ne pas perturber le sommeil paisible d’Eileen. En refermant doucement la porte derrière lui, il se retrouva à nouveau dans le couloir silencieux. La lueur tamisée des lampes murales projetait des ombres douces et dansantes sur les murs, créant une atmosphère mystérieuse. Hay s’éloigna du confort douillet de la chambre, ses pensées se tournant vers Tamara. Il avait besoin de partager avec elle ce qu’il avait vécu, de comprendre comment une telle menace avait pu se faufiler si près de leur refuge. Les doutes et les inquiétudes tournoyaient dans son esprit, mais il savait qu’ils devaient rester unis pour faire face à cette nouvelle réalité.

Il marcha d’un pas déterminé vers leur chambre, où il espérait trouver Tamara. Les tapis moelleux, d’un bleu profond, amortissaient ses pas, ajoutant une certaine quiétude à son avancée. Lorsqu’il entra dans la chambre, éclairée par une faible lueur provenant d’une petite lampe de chevet. Tamara venait de quitter le lit sur lequel elle était assise jusqu’alors. Ses cheveux bruns, encore légèrement ébouriffés par leur précédente mésaventure, encadraient son visage peu serein.

« — Elle dort, je ne l’ai pas réveillée, ne t’en fais pas », tenta-t-il de faire entendre d’une voix apaisante, autant qu’il pouvait l’être malgré la situation et le fait qu’il se posait mille et une questions. Les éclats dorés de ses yeux exprimaient à la fois l’amour et l’inquiétude face à son épouse. « — Tam ? » Elle avait le regard dans le vague, perdu dans ses pensées, et semblait complètement ailleurs avant de finalement combler les derniers mètres qui les séparaient pour venir se blottir tout contre lui. C’était inhabituel, car elle n’était pas du genre démonstratif, préférant souvent masquer ses émotions par une façade forte. Mais dans cet instant, Haytham comprit que sa peur et ses inquiétudes avaient atteint un niveau si intense que même Tamara se sentait vulnérable.

Il resta silencieux, comprenant que les mots n’étaient pas nécessaires en cet instant. Au lieu de cela, il passa simplement ses bras autour de sa femme, la tenant doucement contre lui. Il pouvait sentir son cœur battre rapidement contre sa poitrine, révélant toute l’angoisse qu’elle contenait. Puis la raison reprit le dessus quelques minutes plus tard, mettant un terme à cette étreinte aussi surprenante qu’agréable malgré les circonstances.

« — Il faut qu’on parle, je crois. »

Le temps que son mari mit à revenir dans leur chambre après être allé voir leur fille parut extrêmement long à Tamara, suffisamment pour que ses pensées aillent dans tous les sens, échaffaudant toutes sortes de théories fumeuses sur les raisons de cet incident qui avait mis à mal la quiétude de sa famille. Était-ce possible que le B. E. M soit responsable ? Ou était-ce simplement le hasard qui avait mal fait les choses ? Que serait-il advenu d'Eileen si ses parents n'avaient pas entendu ce qui s'était passé ? Sans doute le pire, et cette simple pensée rendait Tam folle de rage, elle qui ne supportait pas l'injustice. Elle ruminait sa colère face à tout ceci, allant même jusqu'à en vouloir à Mars de ne pas avoir protégé sa petite fille.

Haytham reparu finalement, précisant qu'il n'avait pas réveillé la petite princesse endormie. Mais l'ancienne agent de terrain s'en doutait bien, et finalement, que sa fille se réveille était le cadet de ses soucis. Elle s'était livrée en venant se blottir contre le demi-dieu, éclatant en sanglots tant son angoisse était invivable. Elle resta ainsi dans ses bras de longues minutes le temps de se calmer, les bras du fils de Mars autour d'elle, protecteur. Puis, il rompit le silence en disant qu'ils devaient parler. Elle recula d'un pas sans regarder Haytham et s'assit sur le lit en essuyant ses yeux d'un revers de manche.

- Tu veux dire quoi ?

Le gorge était nouée, rendant sa voix plus rauque. Elle ne savait pas vraiment où Haytham voulait en venir. Le "Penseur" avait toujours quelque chose à dire, quel que soit le sujet. Mais Tamara n'était pas du genre bavarde, surtout depuis ce qui leur était arrivé et qui les avait séparés. Elle avait plutôt tendance à garder les choses pour elle, jusqu'à ce qu'un jour, tout explose.
Pour le coup, elle se sentait extrêmement coupable de ce qui était arrivé, ou plutôt avait failli arriver à sa fille. Elle avait toujours pensé qu'elle n'était pas à la hauteur en tant que mère, malgré les encouragements et compliments de son mari qui, lui, semblait taillé pour le rôle de père. Et ce soir, elle ne pouvait s'empêcher de se dire que tout était de sa faute. C'était elle qui avait choisi cette île pour leur cavale, et si ce lieux plaisait énormément à l'Irlandais, elle s'ennuyait ferme, mais pensait au moins ses deux amours en sécurité. Finalement, le seraient-ils un jour ? Peu importe le lieu, il y avait des dangers partout, en plus du Bureau d'Eradication de la Mythologie. Mais elle ne pouvait pas abandonner. Déjà, Tamara Lond n'abandonnait jamais, et puis elle n'en avait pas le droit, puisque, qu'elle le veuille ou non, elle avait la responsabilité de sa fille et de son mari.

- Je t'écoute, ajouta-t-elle, le regard braqué sur le mur d'en face.

Cet incident avait profondément bouleversé tout le monde, créant une onde de choc au sein de la famille. Haytham et Tamara, en tant que parents protecteurs, étaient particulièrement secoués. Ils avaient toujours cru être les gardiens les plus fiables pour leur enfant, pensant pouvoir prévenir tout danger. Mais cette confiance avait été brisée en un instant, réduite à néant. Pourtant, une simple inattention avait été suffisante pour permettre à une créature ailée odieuse de s’introduire dans la chambre de leur petite fille, essayant de l’emporter avec elle. Heureusement, le pire n’était pas arrivé. Alertés à temps, les deux parents avaient réussi à reprendre possession d’Eileen, qui, bien que secouée, affichait un sourire courageux, témoignant de sa résilience face au danger qui l’avait frôlée.

Maintenant que l’ennemi avait été écarté, un sentiment de soulagement mêlé d’épuisement enveloppait Haytham. Il pouvait enfin se consacrer à sa chère fille. La chambre avait été réorganisée avec soin, retrouvant son atmosphère rassurante de petit cocon. Eileen dormait paisiblement, déjà remise de ses émotions, prête à affronter de nouvelles péripéties sans se douter de l’ombre menaçante qui avait plané sur elle. Cette pensée fit frissonner Haytham, un mélange de gratitude et d’inquiétude parcourant son être. Il quitta à pas feutrés la chambre, son regard caressant une dernière fois le visage paisible de sa fille avant de se diriger vers leur chambre, où Tamara l’attendait, probablement partageant un mélange de soulagement et d’inquiétude similaire au sien.

Dans l’obscurité enveloppante, les senteurs nocturnes se mêlaient à la brise légère. Pourtant, malgré cette atmosphère apaisante, une tension palpable flottait dans l’air lorsque le fils de Mars rejoignit sa femme. Elle était au bord des larmes, prête à se jeter dans ses bras pour trouver un réconfort salvateur. Cette image était inhabituelle pour elle, une femme forte et indépendante, habituellement imperturbable. En tant qu’agente de terrain accomplie, elle ne craignait rien ni personne, pas même les créatures divines.

Le Marsien enlaça tendrement Tamara, sentant la tension qui la submergeait. D’abord silencieux, il caressa doucement ses cheveux, trouvant dans ce geste un moyen d’exprimer son amour et son soutien inconditionnels. Il était là pour elle, prêt à partager son fardeau et à lui offrir une épaule sur laquelle se reposer. Dans cet instant de vulnérabilité, ils se tenaient l’un contre l’autre, renforçant leur connexion en tant que couple et en tant que parents. Leurs cœurs battaient à l’unisson, témoignant de leur lien indéfectible.

Ils restèrent ainsi, enlacés, pendant de longues minutes qui semblaient suspendre le temps. La chaleur de leurs corps entrelacés apaisait les soucis et les peurs qui les tourmentaient. Dans ce silence réconfortant, les mots étaient superflus. Leur présence suffisait à communiquer l’amour et le soutien mutuel dont ils avaient tant besoin.

Finalement, Haytham brisa le silence, ce qui suscita l’étonnement de Tamara, qui ne manqua pas de le lui faire savoir d’une voix légèrement rauque, altérée par l’émotion. Elle s’écarta doucement de l’étreinte réconfortante d’Haytham, incitant ainsi celui-ci à aller au bout de ses propos. Avait-il au moins réfléchi à ce qu’il allait dire ? Non, comme toujours. Mais il devait dire quelque chose, ouvrir la conversation et ne pas juste rester silencieux après tout ce qui venait de se passer.

Tamara, avec ses yeux encore embués de larmes, ne le regardait pas dans les yeux, concentrée sur l’essuyage de ses joues. Cela offrait un léger répit à Haytham pour exprimer ce qu’il avait besoin de dire à cet instant précis.

Haytham prit une profonde inspiration en entendant les paroles de Tamara. Son cœur se serra à l’idée de quitter cette île qui avait été leur havre de paix, un endroit où ils avaient trouvé la quiétude. Pourtant, il comprenait les inquiétudes de sa femme et les craintes pour la sécurité de leur fille bien-aimée. Ainsi, il s’approcha de Tam, vint s’asseoir à ses côtés avant de poser doucement sa main sur la sienne. Son regard se fit sérieux, empreint de détermination mêlée de tristesse.

« — Cette île est un véritable paradis où nous avons construit notre foyer. Mais après ce qui s’est passé, je suis obligé d’admettre que notre sécurité pourrait être compromise, en particulier celle d’Eileen. Nous devons penser à son bien-être avant tout. » Il laissa un instant de silence, laissant ses paroles résonner dans la pièce. Il observa attentivement le visage de Tamara, cherchant à y lire ses pensées et ses émotions.

« — Nous devrions prendre le temps de réfléchir, d’évaluer toutes les options. Mais au fond de moi, je ressens l’urgence de partir, de quitter cette île merveilleuse pour retrouver le continent. Il y aura certainement des défis à relever, des sacrifices à faire, mais notre priorité doit être la sécurité de notre famille. Qu’est-ce que tu en dis ? » Il resserra sa prise sur la main de Tamara, lui transmettant à travers ce geste tout la force et l’amour qu’il avait pour elle et leur fille. Il savait que cette décision était cruciale, mais il voulait qu’ils la prennent ensemble, en tant qu’équipe unie.

Cette étreinte dans les bras de son mari fut salutaire à Tamara pour reprendre ses esprits. Quelques minutes à être vulnérable, n'être qu'une maman terrorisée pour la sécurité de son enfant, ayant besoin d'être rassurée par les bras puissants d'un Haytham plus touchant que jamais, sans le même état qu'elle, avant que Tamara ne reprenne la casquette du Colonel Badass. Le capitaine beau gosse avait eu peur lui aussi, elle le sentait, ils étaient sur la même longueur d'onde. Puis, la belle brune se reprit et alla s'asseoir au bord du lit, le regard fixe et dur, prête à entendre que le demi-dieu avait à dire. Elle écouta attentivement et il oui sembla que les rôles s'inversaient. Elle qui rêvait plus que tout de quitter cette vie de Robinson Crusoë, alors qu'Haytham, lui, semblait vivre sa meilleure vie aux Maldives, elle se trouva bien étonnée de l'entendre dire qu'il voulait partir. Elle souffla longuement avant que ce ne soit son tour de parler.

- Tu sais combien je rêve de foutre le camp d'ici Hay... Mais c'est trop tôt. Eileen n'a que deux ans. Ce ne serait pas prudent d'aller sur le continent. Les dangers sont bien plus nombreux... Déjà on risque la même chose qu'ici avec des créatures à la con, et en plus, il y a le Bureau. Non, pour ma part, je pense que se casser maintenant serait une erreur. Ici, maintenant on connaît, on est aptes à gérer. C'est notre territoire. Marvin est en mesure de nous dire si le B. E. M s'approche, c'est la planque parfaite.

Cette réponse allait-elle convenir au "Penseur", lui qui aimait tant cette île paradisiaque digne des magazines de vacances ? Tamara pensait stratégie et sécurité, et non pas à son plaisir. Car elle n'en trouvait aucun à rôtir au soleil à longueur d'année. Mais Eileen et Hay passaient avant tout et elle les savait bien plus en sécurité sur l'île que sur n'importe quel continent, tant que la petite serait trop jeune pour s'exprimer correctement. Et surtout maîtriser ses début de dons bien trop précoces pour une quart-déesse. Ce constat hérissait d'ailleurs la Mortelle qui, malgré qu'elle ait changé de camp, avait toujours du mal avec la mythologie.

- Écoute, je pense qu'on s'est pris une trop grosse frayeur pour prendre une décision éclairée ce soir. Laissons passer quelques jours pour nous calmer et on en reparlera. Ça te convient ?

Elle se laissa tomber sur le dos, réceptionnée par le moelleux matelas. Son énervement avait du mal à passer, mais au moins, la chambre de la petite était barricadée. Si quelqu'un tentait de passer par la fenêtre, elle l'entendait et Haytham encore plus. C'était ce qui la rassura.

Hay et Tam venaient de vivre une expérience traumatisante. Sans aucun doute, cet événement allait laisser une marque profonde en eux, nécessitant un temps considérable pour se remettre de cette épreuve éprouvante. Haytham savait déjà qu’il devrait être constamment sur ses gardes, conscient que leur vie paradisiaque, éloignée de tout tumulte, n’était qu’un souvenir destiné à s’évanouir progressivement. Cette réalité inéluctable pesait sur eux, préparant le terrain pour la conversation cruciale qui allait s’engager entre les deux adultes.

Après cette étreinte salvatrice avec sa belle brune, Haytham fut le premier à reprendre la parole. Le Penseur n’eut pas besoin de trop réfléchir cette fois-ci. Il laissa parler son cœur, libérant un fardeau bien trop lourd à porter, même pour lui en ce moment précis.

Ainsi, le monologue du demi-dieu prit fin rapidement, provoquant un long et interminable soupir de la part de Tam. Les mots prononcés par Haytham résonnaient dans l’air, créant un silence chargé d’une tension palpable. Sur le coup, Hay resta silencieux, incapable d’interpréter ce soupir. Dans de telles circonstances, chaque mot revêtait une importance capitale. Cependant, il redoutait la réaction de sa femme, un être des plus imprévisibles qu’il lui ait été donné de rencontrer, même si elle pouvait parfois se montrer plus raisonnable que lui.

Et effectivement, l’agente de terrain, en choisissant de placer la petite Eileen au centre de toutes leurs préoccupations, prouva une fois de plus à quel point elle pouvait faire preuve de raison et ne pas laisser ses émotions la submerger au point de tout abandonner d’un claquement de doigts. Haytham, pris de court, car il connaissait bien le désir de Tam de retrouver la vie urbaine, fut le premier surpris en entendant l’amour de sa vie prétexter qu’il était trop tôt pour quitter cette île. Intrigué, il écouta avec une attention quasi religieuse tous les arguments de Tamara. Et il devait bien lui reconnaître une certaine lucidité qui lui faisait défaut, lui qui parlait encore sous le joug de l’émotion. Haytham se rendait compte qu’il était pris dans les tourbillons de ses propres sentiments, tandis que Tamara semblait plus calme et réfléchie.

« — Je n’avais pas vu les choses sous cet angle », admit Haytham. Il réalisait maintenant que ses émotions à fleur de peau l’avaient empêché de prendre du recul et d’envisager d’autres perspectives et il était le premier à en prendre conscience. « — C’est vrai qu’ici, nous avons le recul nécessaire pour voir arriver le B.E.M. Mais te rends-tu compte que nous devrons toujours être sur le qui-vive désormais ? Si une créature a pu arriver jusqu’à nous, d’autres viendront. Je ne veux pas être l’oiseau de mauvais augure, mais il faut garder cela en tête. » Le fils de Mars exprimait ses inquiétudes quant à la nécessité de rester constamment vigilants. Même si leur cachette était parfaite pour se protéger des attaques du B.E.M., elle n’était peut-être pas aussi sûre contre d’autres créatures mythologiques avides de sang, quelle qu’en soit sa nature.

Tam, qui avait manifestement repris le contrôle de ses émotions, revêtait à nouveau les atours de la raison, ce qui était une agréable surprise pour Haytham. Il se demandait où était passée Tamara l’impulsive, car elle semblait s’être transformée en cet instant.

« — Waouh, je suis impressionné par ton contrôle et je dois bien reconnaître que, parmi nous deux, c’est toi qui es aujourd’hui la plus raisonnable », déclara-t-il. « — Tu as raison, nous devrions nous accorder un peu de temps pour remettre nos idées en place. En ce moment, nous sommes en train de parler à chaud ! Enfin, je parle à chaud, et j’ai peut-être laissé mes émotions prendre le pas sur tout le reste. »

À son tour, il se laissa tomber sur le matelas, fixant le plafond avec un certain intérêt. Une idée germa dans son esprit. « — Peut-être que je devrais lui apprendre à se défendre, n’est-ce pas ? », murmura-t-il, pensif. Cette perspective soulevait à la fois des inquiétudes et une certaine forme de détermination chez Haytham.

Avouer à Haytham qu'elle pensait que ce n'était pas le bon moment, qu'il était trop tôt pour quitter l'île, avait été des plus pénibles pour Tamara. Mais en tant que mère, la sécurité de son enfant passait avant son bien-être à elle, et même si elle détestait vivre sur une île loin de la civilisation, elle préférait en prendre son parti et subir l'isolement et le manque de café Starbucks plutôt que de se risquer à se retrouver nez à nez avec le Bureau d'éradication de la Mythologie avec une enfant de deux ans incapable de se défendre.

L'explication sur ce qu'elle pensait juste de faire fut lancée, et comme elle se le disait intérieurement, ça lui cassait le cul. La réaction du fils de Mars fut d'abord la surprise, et ça, Tam l'avait anticipé. Elle esquissa un sourire ironique.

- Avoue que tu t'attendais à me voir bondir sur le lit avec les valises pour les remplir immédiatement.

Elle secoua la tête.

- C'est effectivement ce que je viens de dire, d'autres peuvent venir mais au moins, on aura que ça à gérer, et crois-moi, c'est bien plus facile que de gérer le Bureau avec une petite de deux ans.

À ces mots, elle sortit de sous le lit une des nombreuses mallettes comprenant ses armes spécialement conçues pour les êtres mythologiques.

- Avec ça, on risque rien. Je te les défoncerai une par une s'il le faut, je m'en tape.

Elle coinça la mallette entre son côté du lit et la table de nuit avant de se rallonger à côté d'Haytham. Elle était admirative de sa capacité à se remettre en question et admettre qu'il avait parlé trop vite, sous le coup de l'émotion. Sans quitter le plafond des yeux, elle attrapa sa main.

- Ça va aller, d'accord ? On est ensemble, et à nous deux, on est capable de tout.

Elle sourit en l'entendant dire qu'il faudrait entraîner Eileen a se défendre.

- Tu pourrais arrêter de lire dans mes pensées s'il te plaît ?

Elle se tourna vers lui, appuyée sur son coude pour mieux le regarder.

- On va lui apprendre ce qu'on sait. Quand on jugera qu'elle et au moins capable de s'échapper, on se barre d'ici. Elle sera le meilleur combo de nous deux. On lui apprendra à cogner, toi à manier ton cure-dent, moi les flingues, et quand elle sera capable de me foutre au tapis, c'est qu'on pourra se permettre de retourner en ville. Vu qu'à deux ans elle sait déjà écarter les barreaux de son lit...

L'ancienne agent de terrain soupira. Combien de temps cela prendrait ?

La réaction de Tam prit tout le monde par surprise, révélant une facette inattendue de sa personnalité. Il était évident que ce nouveau cadre de vie, aussi enchanteur soit-il, ne correspondait en rien à l’esprit aventureux et audacieux de miss Lond. Elle était une femme assoiffée de découvertes, constamment prête à se lancer dans des quêtes périlleuses et à accomplir des exploits extraordinaires.

Sur cette île paisible, l’idée même d’aventure semblait presque anachronique. Les journées s’écoulaient paisiblement, bercées par les activités routinières de pêche et de livraison de vivres. Cependant, pour miss Lond, ces taches étaient bien plus que de simples corvées quotidiennes. Elle les transformait en véritables expéditions, auxquelles Hay avait eu l’occasion d’assister à quelques reprises. Chaque prise était une victoire, une source de satisfaction pour son esprit aventureux. Mais le demi-dieu n’était pas assez naïf pour ne pas reconnaître à quel point Tamara s’était sacrifiée ces derniers mois, privilégiant la sécurité de sa famille aux dépens de ses propres envies. Cela témoignait de sa noblesse d’esprit, mais la situation était désormais différente, leur sécurité étant maintenant compromise.

En effet, cette créature ailée avait réussi à pénétrer leur refuge, et il s’en était fallu de peu pour qu’elle ne s’empare de la petite Eileen. Rien que d’y penser, Hay frissonnait. Cet incident avait ébranlé leur paisible existence, éveillant les instincts protecteurs de chacun et ravivant chez Hay le désir de revenir à la civilisation urbaine. Cependant, il fut grandement surpris de constater que sa femme ne partageait pas le même point de vue, et il fallait admettre que ses arguments étaient recevables.

« — Eh bien, les valises sont toujours au même endroit », lâcha-t-il avec humour pour détendre l’atmosphère. « — Mais je mentirais si je disais ne pas être surpris par ta réaction. Et je serais malhonnête si je refusais d’entendre tes arguments. » Un sourire ironique se dessina sur son visage, tandis que Hay était déconcerté par cette perspective. Cependant, il ne pouvait s’empêcher d’admirer la sagesse dont faisait preuve Tam.

« — Gérable, gérable, c’est facile à dire. Tant qu’on évite de se retrouver face à une colonie de ces créatures ailées, ça devrait aller. » Mais de toute évidence, à en juger par la mallette que Tam venait de sortir de sous leur lit, l’agente de terrain était prête à accueillir les indésirables avec son propre comité d’accueil.

« — Elles feraient mieux de ne pas se frotter à toi, alors » déclara le demi-dieu tout en observant la belle brune ranger son petit trésor avant qu’elle ne le rejoigne sur le lit. Tous deux fixaient le plafond, et il sentit son esprit troublé s’alléger presque instantanément lorsqu’elle serra sa main dans la sienne.

« — Oui, ensemble, nous pouvons déplacer des montagnes. Eh bien, moi je peux le faire au sens propre comme au figuré ! » Il esquissa à nouveau un sourire, mais reprit rapidement son sérieux. Il suggéra qu’il serait peut-être envisageable d’apprendre quelques bases d’autodéfense à Eileen dans un avenir proche.

« — Quoi ? » questionna-t-il en remarquant un léger sourire se dessiner sur le visage intrépide de Tamara Lond. Il était évident que son idée avait touché la bonne corde. «— On dirait que ce soir, nous sommes sur la même longueur d’onde. » Hay ressentit un soulagement palpable en constatant que sa proposition trouvait un écho favorable chez sa compagne, évitant ainsi de raviver des tensions dont personne n’avait besoin en ce moment propice au calme. Puis, il tourna son regard vers elle, ses yeux se remplissant de soulagement en constatant que l’audacieuse Tamara Lond reprenait du poil de la bête, regorgeant d’idées quant à la suite des évènements.

« — À ce que je constate, tu as déjà élaboré tout un programme. Et pour ta gouverne, sache que je sais manier d’autres armes que mon cure-dent. Et je pense qu’elle te mettra assez vite au tapis, d’autant plus si elle a hérité de ton goût pour la compétition et, accessoirement, de ma force », répliqua-t-il avec une pointe d’espièglerie. Cependant, il remarqua que cette perspective n’enchantait guère la jeune mère, et il l’observa silencieusement pendant un court instant.

« — On prendra le temps qu’il faut pour lui apprendre tout ce qu’il y a à savoir pour se défendre. Et promis, je prendrai les coups à ta place pour t’éviter quelques hématomes. Tu sais à quel point je suis galant, surtout avec les jolies femmes ! » ajouta-t-il avec un clin d’œil léger, espérant ainsi la rassurer d’une quelconque façon.