Une journée de repos ordinaire.

C’est ridicule à dire, mais je me sentais un peu jalouse de ma petite sœur. Cette dernière avait la chance de grandir avec ses deux parents, ce qui lui donnait un certain équilibre. Équilibre que je n’avais pas eu la chance d’avoir. D’ailleurs, j’avais vraiment mis beaucoup de temps à pardonner à ma mère. Mais avec le temps, j’avais fini par y arriver. Je la voyais une fois par mois car avec mon travail, je ne pouvais pas le faire une fois par semaine. Et puis, je préférais passer le plus de temps que je pouvais avec mon père et sa famille.

J’adorais passer du temps avec Tamara que j’admirais beaucoup. Je souriais sur ce qu’elle me disait. « Oui je sais. C’est pour cette raison que j’essaie d’aller y travailler le plus souvent que je peux afin de passer un maximum de temps avec lui. » Je remettais une mèche de cheveux derrière mon oreille. « Je sais bien, mais au moins, ça me permet d’avoir un coup d’avance en cas de catastrophe. Oui, je suis entièrement d’accord avec toi, quand il a une idée en tête, il ne l’a pas ailleurs. Je sais de qui je tiens ce trait de caractère en tout cas. »

J’éclatais de rire sur son commentaire en rapport avec le dessin d’Eileen. Les enfants sont des artistes à leur manière. « Roh tu es dur, c’est une enfant. Elle ne peut pas dessiner parfaitement un cheval. C’est juste sa manière de s’exprimer.» Je réfléchissais à une idée. Je savais que Tamara n’aimait pas du tout faire les magasins. « On pourrait aller au SPA? En ce qui me concerne, ça fait un petit moment que je n’y suis pas allée. Sinon on peut aller faire un tour de moto ou on pourrait aussi aller au stand de tir? »

Je faisais mon maximum pour trouver des trucs qui seraient susceptible de lui plaire. Car je me doutais, la connaissant, qu’elle n’aurait pas spécialement envie de rester enfermée dans son appartement à regarder des films et encore moins à se faire des masques ou à se poser du vernis à ongles. Les occupations de filles, ce n’était vraiment pas son truc. Je me souvenais à quel point j’avais été obligée de feinter pour qu’elle porte sa robe de mariée. Elle pouvait dire absolument tout ce qu’elle voulait, elle était vraiment magnifique cette fameuse journée.

J'étais heureuse qu'Haytham ait pu retrouver sa première fille. Il n'avait pas eu connaissance de son existence avant son âge adulte et il en avait beaucoup culpabilisé, alors que finalement ce n'était pas de sa faute. Aujourd'hui, ils avaient une relation forte, tous les deux, et j'en étais ravie pour eux.

Maisie semblait contente de son dessin réalisé par les petites mains potelées de ma fille. Ma belle-fille me jugeait dure avec ma critique artistique de cette oeuvre, mais semblait oublier que je me gardais de faire ce genre de remarque devant l'artiste elle-même, ou pire, devant son père fier comme Artaban devant les prouesses de sa fille depuis sa naissance. Pour ma part, je trouvais qu'il valait mieux valoriser quelque chose de réellement bien réalisé pour éviter que l'enfant ne se croit un peu trop tout-puissant et omnipotent.

- Si tu l'aimes, c'est le principal, je le lui dirai ce soir, elle sera contente.

Puis, tout en savourant notre petit déjeuner, nous cherchions quoi faire pour passer notre journée ensemble. Maisie proposa quelques idées et mon regard s'illumina lorsqu'elle évoqua le stand de tir.

- Je vote pour les deux dernières propositions. On peut aller au stand de tir en moto.

Le tir était ma grande passion et surtout ma meilleure capacité. Dans l'armée, avant d'être recrutée par le B.E.M, j'étais sniper et même sans ma lunette, j'étais capable d'atteindre une cible à plus de cent mètres. J'adorais la précision. Je pouvais aussi tirer plusieurs balles dans le même trou.

- Là c'est sûr que tu vas prendre une dérouillée ma grande ! lâchai-je avec un sourire en coin.

De toute façon, c'était utile dans le métier que nous exercions, il fallait que l'on reste alertes. Je savais qu'en vieillissant, ma vue allait baisser alors plus je m'entraînais et mieux c'était. Et le faire en dehors des locaux du B.E.M était bien aussi, car l'on pouvait éviter de croiser des gens que j'avais envie d'étriper sur place. J'étais sure qu'il en était de même pour Maisie.

« Oui, dis-le-lui, je suis certaine qu’elle sera fière de savoir que sa sœur va accrocher son œuvre. » Je prenais une gorgée de café. Bon sang, après un tel entraînement, un bon petit déjeuner passait vraiment bien. En plus, j’adorai être en compagnie de Tamara. Au vu de la tête que cette dernière venait de faire, mes deux propositions lui plaisait. Mais moi, j’avais une sainte horreur de ces armes à feux. Moins je les utilisais et mieux je me portais. Le seul problème, c’est que nous avions des tirs obligatoires dans notre profession et je n’avais pas le choix que de faire comme tout le monde.

« Parfait, alors faisons comme ça. Oh, je ne serai pas surprise sur le fait que tu me mettes une branlée. Tu sais à quel point je suis fan des armes à feux… Si ça ne tenait qu’à moi, je me contenterais de te regarder et c’est tout… Mais comme je suis obligée de rester au niveau ben je n’ai pas le choix… » Je terminais mon café et je débarrassais mon assiette. Je la rinçais ainsi que ma tasse et je mettais le tout dans le lave-vaisselle. Je retournais ensuite m’assoir en attendant que ma belle-mère termine à son tour.

J’adorais la moto et j’étais contente de savoir qu’elle aussi. J’avais toujours eu un faible pour la vitesse et je possédais ma propre moto depuis quelques années. Mais j’avais envie de changer de modèle. Le tir faisait plaisir à Tamara alors je pouvais bien faire cet effort. Je savais que ce n’était pas la grande joie avec mon père et cette dernière n’était pas vraiment du genre à avoir des copines et à se faire des sorties entres filles. J’avais déjà dû feinter pour lui faire porter une robe à son mariage.