Une journée de repos ordinaire.

J'étais tellement heureuse que Maisie et moi ayons le même point de vue sur le BEM. Cela aurait été dramatique qu'elle soit de leur côté. Au moins, nous étions une famille soudée. J'étais cependant très inquiète qu'un jour, le Bureau ne découvre qu'elle avait du sang de demi-dieu dans les veines. J'avais ce qu'ils faisaient, je l'avais même subí et cela donnait froid dans le dos. Y penser me donnait encore plus envie de leur éclater la tronche un par un, et quelque part je gardai ce moteur pour l'entraînement.

Les propos de ma belle-fille au sujet de ce son père lui aurait dit me surprirent à tel point que je haussai un sourcil.

- T'es en train de me dire que ton cromagnon de père a prétendu que si tu nous ramènes quelqu'un, il ne jouerait pas les mâles alpha ?

J'eus même un petit rire tant cela me surprenait. Mais peu importait.

- On dirait qu'Eileen a une bonne influence sur lui.

Puis, sans tarder, l'entraînement commença. Les coups s'échangeaient et se paraient. Finalement je parvins à attraper Maisie pour tenter une prise afin de la mettre au sol, mais malgré que ce fut bien parti, elle finit par avoir le dessus et je me retrouvai propulsée un peu plus loin. Je restai concentrée et me relevai aussitôt sous le regard d'un passant qui promenait son chien.

- Tu perds rien pour attendre...

Je me rapprochai d'elle prudemment, mes poings devant moi, attendant de voir ce qu'elle ferait. Je tentai d'autres coups avant d'essayer de lui faire une sorte de croche-patte.

Je réalisai que Maisie et moi avions une vision et même un discours de la part de son père totalement différents. Cela me fit sourire et je ne pus que lui répondre avec franchise.

- Pourquoi ? Eh bien parce que ce n'est pas être avec quelqu'un qui rend heureux. Ton père veut ce qu'il y a de mieux pour toi, mais ce qu'il y a de mieux pour toi n'est pas une personne. C'est un état d'esprit : le tien. Y que toi qui peux bâtir ton bonheur et ta vie, ma grande, pas un homme ou qui que ce soit dans ta vie. C'est toi, et toi seule.

Je ne comprenais pas comment une jeune femme aussi forte et indépendante que Maisie pouvait à ce point être en demande d'un boulet accroché à sa cheville.

Fort heureusement, le moment que j'attendais arriva : celui de l'entraînement au corps à corps. J'étais meilleure au tir, avec mon oeil de lynx, mais je me défendais pas mal au combat, même si j'aimais moins. Cependant, il fallait que je demeure en forme pour mon travail et surtout protéger ma famille, dont cette demi-portion de Maisie faisait partie. Elle m'avait jetée plus loin, je m'étais réceptionnée pour éviter de me blesser mais mon amour-propre en avait pris un coup. Je savais qu'elle avait plus de force physique que moi et je devais donc trouver comment l'utiliser contre elle. Elle avait osé m'appeler "belle-maman" avec son petit sourire insupportable. Ah ces jeunes et la provocation ! Ça les perdrait, et elle la première. Je revins donc à la charge, une petite lutte s'engageant entre nous avant que je ne parvienne à la faire tomber avec une prise de judo s'apparentant à un croche-patte. Plutôt satisfaite de l'avoir faite chuter, je ne m'aperçus que trop tard qu'elle tentait de me faire la même prise. Heureusement, je parvins à me dégager, laissant ma chère belle-fille au sol.

- Eh ben alors, demi-portion, qu'est-ce que tu fais parterre ?

Moi aussi je savais provoquer, j'avais même inventé la provocation. Je la voyais se tenir prête avec ses poings devant son visage. Je reculais pour la laisser se relever avant de revenir à la charge avec des attaques de karaté. Je n'en avais plus utilisé depuis longtemps et je ne savais pas l'efficacité que cela aurait sur une quart-déesse.

Je regardai Maisie comme si elle venait de comprendre une évidence, et c'était le cas.

- Oui, voilà, tu as tout compris : mieux vaut être seule que mal accompagnée ! Tu verras ce que je te dis.

Le combat avait commencé, et ni l'une ni l'autre ne laissait sa chance à l'adversaire, nous étions féroces, et il le fallait puisqu'en situation réelle, aucune créature ne nous laisserait une occasion de nous en sortir. Nous avions chacune réussi à jeter l'autre au sol, puis après que ma belle-fille se soit relevée, je l'attaquai, mais soit j'étais rouillée, soit prévisible, soit les deux, mais la quart-déesse parvenait à parer tous mes coups. Le combat n'était pas ma spécialité mais je devais rester entraînée car on ne savait jamais ce que l'on pouvait avoir comme mission, et comme le B.E.M m'avait dans le collimateur, je préférais me tenir prête. Qui mieux que Maisie pour garder le niveau ?

Soudain, l'occasion se présenta pour la fille d'Haytham de tenter une clé de bras sur moi. J'étais persuadée que j'allais être facilement maîtrisée par mon adversaire car elle avait une force bien supérieure à la mienne, mais pour une raison que je ne comprenais pas, j'étais parvenue à me dégager et à la toucher avec un coup de poing. J'en étais la première surprise en écarquillant les yeux, tout en me remettant en garde.

- Ça va ? On dirait que t'es plus du tout concentrée. Tu veux arrêter ?

Après tout, nous avions déjà pas mal bossé et si elle voulait faire une pause ou arrêter pour aujourd'hui, ce serait tout-à-fait légitime. Je commençais à ressentir l'envie d'un bon café noir, aussi, alors si Maisie me disait qu'elle voulait arrêter pour aujourd'hui, cela ne me dérangerait pas forcément. Je restai en alerte à l'observerm attendant son verdict. Je ne savais pas si je lui avais fait mal avec mon dernier coup, je n'y étais pas allée de main morte car je pensais qu'elle allait réussir à le parer, comme tous les autres.

Envoyer valser Maisie Cooper, ça c'était une première. Personne au B.E.M, parmi ceux ou celles qui avaient pris le risque de s'entraîner avec elle, n'avait réussi, et pour ma part, je savais exactement pourquoi. Cela dit, aujourd'hui, nous étions entre nous et loin des regards indiscrets des agents du Bureau. Je songeai l'espace d'un instant qu'elle m'avait laissée gagner pour que nous terminions plus vite. Je lui tendis une main pour l'aider à se relever avant qu'elle n'aille chercher ses affaires avant de revenir et me tendre une serviette et une bouteille.

- Oh merci, tu penses toujours à tout pour deux ?

Après tout, notre rencontre était des plus fortuites. Je ne pus m'empêcher de rire à sa proposition.

- Tu lis dans mes pensées, petite botteuse de culs. Allez viens, on va chez moi prendre une douche et ensuite on se fait un méga petit dej de championnes, ça te va ?

Par tous les dieux du putain d'Olympe, je lui parlais comme à sa petite soeur de cinq ans... À croire qu'être mère m'avait rendue dingo... Bref, après avoir vidé la petite bouteille d'eau et épongé notre sueur, nous voilà en route pour l'appartement. Une bonne quinzaine de minutes de marches plutôt que le métro, cela nous permis de finir d'étirer nos muscles, et finalement nous y voilà. Maisie avait sa chambre avec sa salle de bain pour les fois où elle venait, donc elle pouvait faire comme chez elle.

- Ton père est au boulot et Eileen à l'école, on est rien qu'entre nous.

Une bonne douche et des vêtements propres plus tard, nous voilà dans la cuisine. Le café coulait et j'avais sorti du frigo une assiette de pancakes qu'Haytham avait préparé ce matin. Il en avait laissé pour moi, mais sachant que je ne déjeunais qu'après l'entraînement, il avait gentiment tout rangé. Je sortis le sirop d'érable et quelques fruits pour accompagner le tout.

- Comme d'hab, fais comme chez toi.

Mine de rien, j'étais contente de l'avoir un peu avec moi.

- Tais-toi ! avais-je répondu, faussement sèche, quand Maisie m'avait fait remarquer que je lui parlais comme à Eileen.

Nous arrivâmes à la maison et une fois lavées et changées, nous pûmes attaquer ce fameux "petit dej de championnes" dont l'appellation m'avait valu la légère moquerie de ma belle-fille et collègue.

- C'est ton père qu'il faut remercier, c'est lui le cordon-bleu. Si c'était juste moi, on aurait des céréales au petit déj.

Une fois installées et servies, nous pûmes commencer à manger, et surtout boire du café pour moi.

- Pour répondre à ta question, pour l'instant ça va à l'école pour Eileen. Elle est étrangement très sociable, à tel point que je me demande si elle sort bien de mon bide. Elle doit tenir ça d'Haytham.

Parce qu'effectivement, ce n'était plus un secret pour personne, je n'étais pas du genre sociable.

- Ah pendant que j'y pense, y a un dessin pour toi sur le frigo.

Eileen faisait souvent des dessins à l'école ou à la maison, et, dans sa grande générosité, elle pensait à sa grande soeur Maisie. Nous lui avions même appris à écrit un beau M majuscule pour différencier les dessins pour son aînée de ceux qu'elle voulait garder à la maison. La dernière oeuvre en date pour Maisie avait beaucoup de couleurs, des fleurs, des soleils et toutes sortes de personnes que je n'étais pas apte à décrypter.

- Qu'est-ce que tu avais prévu pour aujourd'hui ?

L'idée de passer un peu plus de temps avec Maisie ne me déplaisait pas, et comme elle l'avait souligné un peu plus tôt, cela faisait une éternité que nous n'avions rien fait juste toutes les deux, hormis les entraînements. La dernière fois, c'était pour ma robe de mariée... Un grand moment...

Je ne pouvais m’empêcher de rire lorsque Tamara me somma de me taire. Quand on arrivait à la préparation du petit déjeuner, elle me disait que c’était mon père qu’il fallait remercier. Je savais qu’elle n’était pas hyper douée pour la cuisine et qu’elle cherchait bien souvent la facilité. Je ne pouvais pas lui en vouloir, il m’arrivait aussi d’avoir la flemme parfois. Mais je prenais quand même le temps de me cuisiner des plats équilibrés. Au moins, Tamara et mon père était le genre de couple qui se complétaient bien. Ils avaient créé leur équilibre. Je lui faisais un sourire.

« Ce n’est pas moi qui vais te dire le contraire. Mon père a du talent pour ça. Si je m’écoutais j’irais manger tous les jours au restaurant. »

On abordait ensuite le sujet de ma petite sœur que j’aimais plus que tout au monde. J’étais vraiment ravie de savoir qu’elle était sociable et qu’il n’y avait pas le moindre problème avec elle. J’éclatais de rire à ce que me disait Tamara. « Je l’ai pensé tellement fort. En tout cas, je suis vraiment rassurée de savoir que tout va bien pour elle. J’espère que ça va continuer comme ça et qu’elle se fera des amis. »

Je m’avançais vers le frigo et je décrochais doucement le dessin. Un sourire se dessina sur mon visage. « Mais elle est vraiment douée! » Franchement, j’adorais le dessin qu’elle avait fait. Ce dernier voulait dire quelque chose. La plupart des enfants faisaient des gribouillages dont seul eux avaient le secret mais pas ma petite sœur. « Je l’adore en tout cas. Je vais l’encadrer et le mettre dans ma chambre. » Je le posais loin de la nourriture et je buvais une gorgée de café tout en haussant les épaules à sa question.

« Absolument rien. Pourquoi cette question? Tu as une idée derrière la tête? Je suis à ton entière disposition et si tu veux que je passe la journée avec toi, ça me ferait vraiment plaisir. »

Maisie était vraiment une jeune femme extraordinaire et j'espérais intérieurement que ma fille lui ressemblerait plus tard. Elles avaient le même père, alors j'avais espoir.

J'avais éhontément avoué que le succulent petit déjeuner qui nous attendait n'était dû à personne d'autre que ce cher Haytham, et sa fille déclara que si elle s'écoutait, elle irait tous les jours au restaurant de son père.

- C'est pas lui qui s'en plaindrait, ma grande. Il trouve que vous ne vous voyez pas assez. Et tout-à-fait entre nous, il s'inquiète beaucoup pour toi. Ça le rassure pas de te savoir travaillant pour eux. J'ai beau lui expliquer qu'on peut pas se barrer comme on veut, tu connais cette tête de mule qui croit avoir réponse à tout. Ne le laisse pas te retourner le cerveau.

En effet, tenter de démissionner serait bien plus risqué que tout.

Maisie semblait rassurée quant à la condition scolaire et sociale de sa petite soeur, ce qui me fit sourire. Je la trouvais très concernée, c'était vraiment gentil de sa part. Puis, cela me fit penser à son dessin, qu'elle prit en s'extasiant. Je haussai un sourcil.

- Bon ben au moins, je sais que j'ai pas besoin de me ruiner et t'offrir un Picasso, Eileen suffit.

Je n'étais pas le genre de daronne à s'extasier devant le moindre gribouillis de son enfant. Les dessins de gamins étaient dégueulasses, fallait le reconnaître. Bon, celui-ci ressemblait à peu près à quelque chose, c'était vrai, mais quand même.

Puis, j'évoquais le reste de la journée. Je n'avais plus l'habitude d'avoir du temps pour moi, quatre ans sur une île privée et déserte avait eu raison de toutes mes idées. Je comptais donc sur ma belle-fille pour m'inspirer, et celle-ci semblait motivée à rester avec moi.

- J'en demandais pas tant, mais si tu es motivée à te farcir ma présence, ça me va. Je savais pas trop quoi faire hormis boire deux litres de café... Tu as des idées ? Et méfie-toi si tu me traînes en virée shopping ça va barder pour ton matricule !