Event hivernal

Sa seule priorité pour l’instant était de protéger Eileen, sa précieuse fille. Haytham savait que sa sécurité était essentielle dans ce tumulte ambiant, et il était déterminé à la tenir à l’écart de tout danger avant de retourner en arrière pour régler son compte avec ce foutu bestiaire glacé.

Dans la précipitation, et n’ayant que peu d’options, Haytham s’arrêta devant Darren, un homme qu’il avait déjà rencontré lors d’une soirée chaotique mémorable où un demi-dieu avait semé la destruction. Guidé par un instinct infaillible, Haytham confia sa fille au mortel. Il ne pouvait pas vraiment expliquer pourquoi, mais il avait le sentiment profond qu’il pouvait lui faire confiance.

Animé d’une confiance mêlée d’inquiétude, Haytham poursuivit sa route, sachant qu’il avait fait le meilleur choix possible dans cette situation délicate. Il se précipita alors vers la grande roue, qui avait été fortement endommagée par le gorille. Les câblages semblaient si fragiles pour supporter une telle machinerie. Haytham savait qu’il ne restait que peu de temps avant que la grande roue ne s’effondre, emportant avec elle une dizaine de passagers.

Une petite bande de jeunes tenta tant bien que mal de se rendre utile. Leur aura laissait deviner qu’ils étaient des demi-dieux, une information que le fils de Mars pouvait aisément percevoir.

« — Les jeunes, j’ai besoin de votre aide. Nous devons évacuer rapidement toutes les personnes encore présentes dans la grande roue », lança Haytham avec urgence. Alors que tous s’apprêtaient à se rendre sur les lieux d’un drame imminent, le temps sembla se figer, donnant à Chiron et ses acolytes toute la place nécessaire pour agir et sauver ce qui pouvait l’être. Lorsqu’il reprit ses esprits, Haytham aperçut près d’un semblant de pupitre le cher Chiron, et non loin de lui, les trois jeunes que la déterminée blondinette poursuivait.

« — J’hallucine ! » La colère commençait à envahir le demi-dieu, alors que les mortels autour de lui semblaient complètement désorientés. Les pompiers arrivaient à toute vitesse, mais cela ne convenait pas au goût du fils de Mars qui observait nerveusement son ancien précepteur. Cependant, il n’avait tout simplement pas le temps de tergiverser. Il devait à tout prix sauver les pauvres malheureux encore prisonniers des nacelles. Le demi-dieu se hâta de rejoindre l’endroit le plus fragile, encouragé par sa détermination. « — Allez, tu peux le faire ! » Il se dit à lui-même, puis rassembla son courage et tint l’armature, exhortant les adolescents à se dépêcher de sortir les gens des nacelles. Enfin, lorsque tout le monde fut sain et sauf, le demi-dieu se dirigea vers Chiron, qui était toujours occupé à rassurer les mortels environnants.

« — Un putain de tremblement de terre ! Vraiment ? » Il était évidemment furieux et gêné, ce qui contrariait le centaure qui l’entraîna ailleurs pour discuter en privé. « — C’était quoi ce bordel ? » Il lui montra le collier de Somnus et les trois adolescents qui l’avaient dérobé dans son bureau. « — Vous êtes devenu inconscient en prenant de l’âge ? Et ne me dites pas de me calmer. Si vous aviez été plus vigilant, rien de tout ça ne serait arrivé. Serrez les vis, bon sang ! » Sa colère prenait le dessus sur la raison et il ne rajouta rien d’autre. Le demi-dieu s’éloigna donc, son portable à la main, pour prendre connaissance du message laissé par Tam, puis quitta discrètement les lieux afin de retrouver sa femme et leur fille.

  
"Je me baladais sur une plage en plein été, le soleil chauffait délicieusement ma peau. Le bruit des vagues était doux à mes oreilles. Je poursuivis ma marche le long de l'océan. Une femme arriva en face de moi et quand on finit par se croiser, elle me mit une paire de claques sans que je sus pourquoi."
La douleur de sa main sur ma joue réveilla d'autres douleurs partout dans mon corps. Toutes ces blessures me tirèrent un grognement de douleur. Mes sens me ramenèrent à la dure réalité. Je n'étais pas au bord d'une plage en plein été, j'étais au beau milieu d'un amas de branches dans Central Park, en plein hiver.

Je sentis une présence à côté de moi, sûrement la propriétaire de la main qui m'avait ramené au moment présent. J'essayai d'ouvrir les yeux pour voir où en étaient ces monstrueuses bêtes de glace. Mais la douleur m'en empêcha. Je dus faire confiance à mes autres sens.
Mon odorat me permit de savoir que j'étais bien toujours au milieu des sapins. Mes mains me permirent de découvrir différentes blessures sur mon corps, je saignais ou j'avais saigné à de nombreux endroits. Mon ouïe me fit savoir que le silence et le calme étaient revenus dans les travées du marché, j'entendais même quelques sirènes au loin qui avaient tendance à se rapprocher de ma position.

Je pris le temps de respirer calmement afin de m'aider à reprendre le contrôle de mon corps. Au fur et mesure, je réussis à ouvrir mes yeux et à les maintenir ouverts assez longtemps pour voir ce qu'il se passait autour de moi. Le joli marché de Noël était devenu plus que ruine et fumée, les personnes passant devant moi avaient l'air de sortir d'un rude combat ou d'une bataille.
Un homme au loin prit la parole d'une voix douce, grave et rassurante. Il expliqua qu'on venait de subir un tremblement de terre. Bizarrement, ces mots sonnaient faux à mon oreille, je n'avais jamais entendu la possibilité d'un séisme pour la région de New-York. En Californie, oui, ils s'attendaient bien à tout moment à subir The Big One, mais pas de ce côté du pays.

Avec mon bras valide, j'essayais d'attraper mon téléphone et mon appareil photo. Je me souvenais d'avoir pris des clichés de cette journée. Peut-être aurais-je d'autres réponses plus convaincantes ? Je fus donc très surprise car ma dernière série de clichés montrait trois jeunes garçons se disputant avec un collier au milieu d'eux. Ils n'avaient pas l'air d'être inquiets de la situation autour d'eux comme s'ils en étaient les responsables.
Impossible pour le moment de remettre toutes mes idées en ordre, mon coup à la tête était en train de me déclencher la plus grosse des migraines que j'avais pu vivre jusque là.

Pas le temps de me poser plus de questions, les secours arrivèrent dans ma direction. Je voulais les repousser et retrouver Darren afin de voir avec lui ses impressions sur les événements. Mais mon épaule luxée et ma bosse derrière la tête déjouèrent mes plans. Je laissai donc les pompiers prendre soin de moi.
Une fois sur le brancard, je sentis mon téléphone vibrait. Le numéro de mon nouveau patron apparut sur l'écran. Je décrochai.

"Allo ? Salut Darren... Je voulais te dire que je crois que je ne vais pas pouvoir venir bosser demain..."

  
La joie d'avoir retrouvé mon amie et de toucher de nouveau la terre ferme fut de courte durée et le sort de la petite puce qui était sous ma responsabilité prit le dessus. On ne me referait pas, la vie de mes patients passait et passeraient souvent avant la mienne.
Mes blessures étaient superficielles et je savais pertinemment que pour des côtes cassées, il n'y avait pas grand-chose à faire.

Je serrai les dents, une de mes mains sur la zone douloureuse afin de limiter le mouvement de mon thorax et l'autre fermement accrochée à l'une de Mia. Je me dirigeai en zig-zaguant entre les quelques passants encore présents dans les ruines du marché de Noël.
Je n'avais qu'une idée en tête, atteindre le plus vite possible ce satané local technique avant qu'un nouveau malheur ne vint nous frapper encore.

Une fois la porte dans mon champ de vision, je lâchai Emilia afin de me précipiter pour voir si la nièce d'Angel était à l'intérieur. Je priai dans ma tête que ce fut le cas, je ne voulais pas imaginer le pire. Mais le Destin avait décidé que cela allait se passer bien différemment.
Le local était vide. Je regardai dans tous les coins et les recoins, l'appelant mais sans succès. La peur grandit en moi, comment allait se débrouiller une petite fille de même pas 5 ans dans un champ de bataille comme l'était devenu ce coin de Central Park ?

"Elle n'est pas là ! ELLE N'EST PAS LA ! Eileen ! Eileen ! Où te caches-tu ? EILEEN ?!" criai-je à peine sortie du local.

En regardant tout autour de moi, je n'apercevais rien pour le moment qui ressemblait de près comme de loin à la silhouette d'une petite fille. Ce fut quand mes yeux se portèrent sur la grande roue que je vis Haytham.
Je me mis à observer plus attentivement l'attraction et je compris pourquoi il était à proximité. La structure complète menaçait de lâcher à tout moment, le demi-dieu essayait d'évacuer le plus de personnes possible avant.

Je voulus me diriger vers lui pour l'aider quand tout à coup le temps avait ralenti. Je vis passer devant moi plusieurs demi-dieux que je reconnaissais comme travaillant à l'Académie. Que signifiait leur présence ici ? A quel individu ou artéfact magique devions-nous tout ce ramdam ?
Le temps reprit son cours normal et j'entendis dans mon dos une voix plus que familière qui annonçait que la ville de New-York venait de subir un tremblement de terre.

"Moyennement convaincant votre explication monsieur Chiron" me dis-je à moi-même. "Mais ça devrait suffire pour la plupart des mortels présents aujourd'hui."

Dans ma précipitation, j'avais perdu mon amie et je ne la vis pas à proximité. Elle était sûrement repartie aider qui elle pouvait telle que je la connaissais. En parlant de se rendre utile, je vis arriver les pompiers. Je me dirigeai vers l'un de leurs camions.
Après m'être présentée, je leur piquai un rouleau de strap afin de me maintenir les côtes et avoir mes deux mains de disponible pour faire un triage des divers blessés qu'il fallait encore déplorer sur les lieux.