Plus loin qu'un verre feat. Maisie Cooper

La journée avait été longue. interrogatoire, terrain et ensuite bureau. Je ne me souvenais plus lorsque j'avais réellement pris le temps de souffler. Je retirais mes lunettes et je me frottais les yeux. 23h00. Bordel déjà ? Impossible... Ma femme m'aurait étranglé de son vivant si j'étais rentré aussi tard. Paix à son âme. Elle me manquait chaque jour qui passait et j'étais incapable de ne pas penser à elle. Son rire, son regard et son sourire me manquait. Est-ce que j'étais un homme fondamentalement mauvais ? Pas à mon sens. J'avais des convictions qui étaient les miennes tout simplement. Je décidais que pour ce soir, je rentrais chez moi. J'avais envie de voir les murs de ma maison en prenant un verre tranquille. Je ne me souvenais plus trop c'était quand la dernière fois que j'y étais allé.

Je fermais mon ordinateur en me passant une main dans les cheveux avant de me lever. Je prenais mon manteau de cuir brun foncé ainsi que les clefs de ma voiture de service que j'utilisais tout le temps. Pas de lunettes ce soir, pas de boulot. J'avais envie d'être simplement un homme parmi la masse et non le directeur du B.E.M. Je prenais l'ascenseur en réflichissant. Je recevais déjà une tonne de courriel qui me faisait lever les yeux au ciel. Demain matin bordel. Je me rendais compte que j'avais besoin de souffler et pas qu'un peu. Pourquoi pas aller prendre un verre dans un petit bar sans la moindre prétention ? Je pourrais manger des nachos ou un truc du genre. Mon dernier repas était un peu loin et je mettais légèrement en doute le contenu de mon réfrigérateur. Il ne devait contenir que des condiments de toute façon. Je prenais ma voiture et je roulais un peu avant de trouver un petit bar sans prétention. Pas de musique techno ou de minettes de quinze ans à moitié à poil avec de fausses cartes d'identité. Du bois, une musique plus calme et une ambiance chaleureuse. J'entrais et j'allais m'installer au bar. Je faisais un signe de tête au barman et je commandais un verre de whisky double sur glace.

Je payais lorsque le verre arrivait et je prenais une gorgée avant de tourner le verre en me plongeant dans mes pensées. Je ne voulais pas penser au travail alors, je me tournais vers ma défunte épouse. Est-ce que j'avais un air triste et nostalgique ? Peut-être mais je ne pouvais me regarder. J'étais dans ma petite bulle la plus totale. Je sortais un paquet de cigarettes de ma veste en cuir et je m'allumais en tirant le cendrier vers moi. Ma femme avait horreur de cette habitude, mais j'étais incapable de m'en défaire.

J’étais totalement ailleurs et surtout épuisé par ma journée de travail. Je profitais donc de ce moment pour prendre un verre et fumer une clope tranquille. Je repensais à ma Vivianne et sa manie de me retirer la cigarette des mains pour la jeter ou encore en m’obligeant à aller dehors pour fumer. Elle me manquait beaucoup à vrai dire et il était loin le temps où j’étais jeune. J’étais donc dans ma petite bulle lorsque l’agent Cooper venait se placer devant moi. Je levais les yeux vers elle avec un petit sourire en coin.

- On croirait entendre ma Vivianne. Ici, je ne suis pas votre directeur Cooper à moins que vous ne vouliez parler travail. Dans ce cas, je vous suggère fortement de m’envoyer un message si c’est urgent ou de contacter ma secrétaire.

Je continuais de lui sourire en lui faisant un clin d’oeil. C’était une jolie femme mais un peu trop jeune pour moi. Je ne comprenais pas cette manie qu’avait les gens de venir vers moi en mode : monsieur le directeur. J’étais bien d’autre chose que simplement le grand patron du B.E.M. Je faisais signe à Maisie de s’asseoir.

- La place est libre si vous désirez vous asseoir Maisie. C’est bien ça votre prénom non? Maisie Cooper?

J’avais une excellente mémoire pour les noms. C’était une bonne chose lorsque je devais appeler un agent. J’avais horreur de me tromper en plus alors je tâchais d’être le plus polie possible. Le barman venait nous voir et demandait à la brune ce qu’elle désirait. Je donnais un billet de vingt dollars directement en lui mentionnant de garder la monnaie. Autant payer un verre à la demoiselle par politesse non? Je commandais aussi un plat de nachos. Je regardais la jeune femme dans les yeux en continuant de fumer.

- Je ne pensais pas croiser un agent ici ce soir je vous avouerais. Qu’est-ce qui vous amène dans ce bar Maisie?  

La brune avait accepté de s’asseoir avec moi. Je ne pensais pas à Eleonore ce soir. Il faut dire que j’ignorais ce qui se passait entre nous et je n’avais pas envie de me la jouer homme qui ne sait pas où il en est totalement. Je payais le verre à Maisie comme je l’aurais fait avec n’importe quel invité à ma table. Une vieille habitude. Je savais que les femmes aimaient payer leurs choses de nos jours, mais j’étais ainsi. J’étais de la vieille école dans la limite du possible. Je continuais de fumer tranquillement en prenant mon temps. Je n’avais pas envie de me mettre la pression ce soir. J’avais envie de rejoindre mon lit et de manger. Bon, manger en premier serait nettement plus efficace. J’attendais également ce fameux plat de nachos que je pourrais partager avec l’agent en face moi.

- C’est une bonne réponse concernant votre présence ici. On a tous besoin de souffler à un moment ou un autre vous savez. Pas la peine de m’appelez monsieur aussi … James sera parfait. Nous ne sommes pas dans l’exercice de nos fonctions.

Je lui faisais un petit sourire en coin alors qu’elle me remerciait pour le verre. Elle me faisait sourire c’était une bonne chose. Je levais mon verre pour porter un toast avec elle.

- À l’absence de boulot ce soir.

Je prenais une gorgée avant de faire signe au barman de me remplir mon verre tout de suite. Je n’aimais pas voir le fond trop tôt. Après quelques minutes, une assiette de nachos atrocement énorme se posait entre nous et je remerciais la serveuse avec un cul divin. Je faisais signe à Maisie de se servir.

- Vu la quantité de ce truc, il vaut mieux partager je crois. Servez-vous.

Je la regardais et je voyais qu’elle avait des yeux magnifiques et un joli décolleté. Je restais tout de même un homme avant d’être son patron et le directeur du B.E.M. Je continuais de fumer avant de prendre une bouchée de nachos. Ah bordel que ça faisait du bien de manger un truc pareil. Je savourais chaque bouchée. Grand Dieu que j’avais horreur de cuisiner en plus. C’était toujours Vivianne qui supervisait de son vivant. J’étais content que Maisie ne me pose pas de questions à propos de ma défunte épouse. Je n’avais pas envie d’entrer dans ce sujet encore à vif malgré les douze années qui avaient passées.  

On pouvait penser que j’étais un monstre. On pouvait croire que j’étais le genre d’homme à profiter des autres et que j’étais un fin manipulateur. Une partie de cette affirmation était vraie ou peut-être les deux et je n’en avais rien à foutre. J’avais besoin de me détendre comme tous les hommes dans ce monde. j’avais besoin de reprendre mon souffle avant de continuer à me battre contre cette vermine qui me faisait foutrement chier! Là, j’étais avec une agente et je passais un bon moment. Je ne cherchais pas à lui faire du charme. Je ne cherchais pas un coup d’un soir et pourtant, j’allais en profiter plus qu’il ne fallait. Je la laissais me répondre et je souriais en coin. Vivianne m’avait toujours dit que j’avais un sourire hautement charmeur et que c’était ça qui l’avait attiré vers moi dans un premier temps. Elle me manquait cruellement malgré les années et je portais encore mon alliance en signe de nostalgie et habitude.

- Clairement plus d’une Maisie.

Je me mettais à rire en continuant de manger. Un silence commençait à envahir la table. Maisie ne semblait pas à l’aise et je la regardais dans les yeux à cet instant. Je restais méfiant comme à mon habitude et je décidais de briser ce silence malaisant. J’avais vu le regard de la belle sur mon alliance et je décidais de lui parler de cette dernière. Je la pointais directement.

- Vous ne l’avez jamais vu au travail, car je ne la mets jamais lorsque je suis au bureau. J’ai été marié, mais je ne le suis malheureusement plus. Un cancer généralisé à emporté ma femme il y a de nombreuses années. J’ai toujours une pointe de nostalgie et cette vieille habitude. Personne ne m’attend chez moi ce soir. Quelqu’un vous attend à la maison Maisie?

Oui, j’étais le genre d’homme qui était curieux et puis ça pouvait être intéressant. Je prenais d’autres nachos en prenant mon temps et je regardais la belle en descendant mon regard sur son décolleté. Je restais un homme après tout.

J’allais de surprise en surprise ce soir. Je devais avouer que je n’avais pas passé la soirée avec quelqu’un depuis très longtemps. Je passais le plus clair de mon temps au travail ou alors dans cet endroit si vide qui me servait de lieu de vie. L’argent ne m’aurait jamais ramené ma Vivanne. Je commençais à voir cette autre femme sans vraiment savoir ce qui allait se passer. Je ne cherchais pas à avoir une relation à tout prix. Je désirais simplement être bien. J’étais donc assis avec mon employée à manger des nachos et prendre un verre. Un pur hasard, car je n’aurais jamais pensé croiser une personne de ma connaissance dans ce pub. Je remarquais le regard de Cooper sur mon alliance. Elle devait penser que j’étais un mari bien horrible pour passer tout mon temps au travail et dans un bar.

- Étonnant. J’aurais cru qu’une belle femme comme vous aurait eu quelqu’un qui l’attendait à la maison avec le sourire.

Elle était belle femme, je n’allais pas me voiler la face en ce sens. Elle avait un beau décolleté sans le vouloir et c’était la première fois que je la remarquais sous cet angle. C’était étrange, mais ce soir, je n’étais pas le directeur, mais seulement James Sheppard. Un homme comme un autre dans un bar. J’avais répondu naturellement concernant ma défunte épouse. Elle ne pouvait pas savoir et puis, personne ne s’imaginait que j’avais une vie en dehors du B.E.M. Pourtant, j’avais grandement apprécié assister aux concerts de ma femme. J’avais aimé l’entendre jouer du violoncelle durant des heures. Elle emplissait notre maison de musique et d’amour. Aucun enfant n’avait vu le jour de cette union et c’était un choix que nous avions fait.

- Je vous ai mise mal à l’aise en parlant de ma défunte épouse. Ne vous en faites pas. Elle est morte il y a de nombreuses années. Mon deuil est fait depuis longtemps. Vous le savez que je suis un bourreau de travail, mais cela ne m’empêche pas de manger des nachos avec une belle femme croisée dans un bar un soir.

Je lui faisais un sourire en coin et un clin d’oeil. Je commandais encore deux verres. J’avais horreur de manquer de consommation et la demoiselle semblait avoir une bonne descente en plus d’un estomac conséquent.  

«Notre profession ne me le permet pas vraiment.» Foutaise. J’avais réussi à camoufler mon travail durant des années à ma défunte épouse. Je lui avais révélé la vérité sur son lit de mort alors qu’elle agonisait comme jamais et qu’elle souffrait. Le soulagement de lui dévoiler la vérité alors qu’elle rendait son dernier souffle. Elle m’avait demandé de lui raconter une histoire et je lui avais dévoilé la mienne sans la moindre limite. Je me mettais à rire aux propos de Cooper.

- Notre profession nous permet de le faire bien au contraire. Vous devez simplement apprendre à faire la part des choses. Une coupure entre les deux et trouvez un partenaire qui saura vous comprendre. Qui saura comprendre que vous êtes absent, car il le sera tout autant que vous l’êtes. Moins une personne en sait et mieux elle se porte croyez-moi. Je sais de quoi je parle.

Je prenais une gorgée de mon verre avant de manger un morceau de nachos. J’avais fait le choix de rester seul après le décès de Vivianne, mais c’était mon choix le plus strict. J’avais profondément aimé cette femme. Cette violoncelliste magnifique qui jouait divinement. Elle ne connaissait rien de la mythologie en dehors de ce qu’on lui avait appris à l’école. C’était notre monde parfait. Elle me détendait avec sa musique et moi, j’étais présent pour elle dès qu’elle le réclamait. Mon deuil avait été relativement long à faire. C’était surtout l’absence de ma femme dans ma demeure qui me faisait du mal. Je souffrais en silence de ne pas entendre le son de sa musique. Son instrument étant resté à sa place depuis tout ce temps. Je n’avais jamais pu me débarrasser de ce dernier.

- J’y dors parfois lorsque nous avons de grosses opérations en cours. Il faut dire que je vais également sur le terrain bien que vous ne me voyez pas souvent sur ce dernier. Nous n’avons pas eu la chance de collaborer ensemble à ce niveau vous et moi. On m’a dit que vous étiez un bon agent.

Je me foutais du montant de l’addition. C’était le genre de chose qui n’avait pas la moindre importance à mes yeux. Elle était une femme et je l’avais invitée à ma table. J’assumais tout simplement sa consommation d’alcool et ce qu’elle désirait. Elle me demandait à quoi nous trinquions. Je la regardais dans les yeux en lui répondant.

- Au fait d’être bien vivant et de profiter de la vie ce soir Maisie. Rien de plus et rien de moins.

Je terminais mon verre avant de continuer à lui faire la conversation le plus naturellement du monde.

- Alors, qu’est-ce que vous faites comme passe-temps en dehors de venir rejoindre des hommes à leur table dans des bars ?  

Vivianne avait été une femme extraordinaire. Je la revoyais dans sa robe jouant sur scène avec son instrument à se laisser emporter par la musique. Elle était douceur et amour. Pourtant, la vie avait décidé que la sienne devait se terminer prématurément. C’était étrange à quel point l’on pouvait perdre la vie aussi rapidement. J’avais trouvé le cancer plus violent et perturbant. J’aurais préféré qu’elle ne souffre pas. J’aurais aimé ne pas la voir agoniser dans son lit d’hôpital. Je m’étais promis que si je devais mourir d’un cancer de cette façon, je me tirerais une balle dans la tête. Hors de question de souffrir durant des mois en attendant la mort. Chacun ses choix comme on dit.

- Oh je suis certain que vous apprendrez énormément à mes côtés. Vous savez, je vais plus souvent sur le terrain que vous ne pouvez le croire, c’est simplement que vous avez un don pour ne pas être dans les opérations où je vais.

Enfin, elle semblait éviter toute confrontation. Elle avait de l’expérience et j’étais certain qu’elle pouvait devenir une agente de haut niveau. C’était son choix et non le mien. Je ne comptais pas lui rendre la vie difficile. On ne pouvait pas tous être ambitieux dans la vie de toute façon. Je trinquais donc avec elle à la vie. Ce n’était pas si étrange que ça à mes yeux de boire avec Maisie. J’oserais même dire qu’elle était une belle femme et qu’elle était attirante. Pas le genre de femme avec qui j’aurais une liaison sur le long terme cependant. Elle était trop jeune et pas suffisamment docile et calme à mon goût.

- Vous êtes une femme d’actions. Vous n’aviez pas besoin de me le dire pour que je le devine. Votre corps montre que vous faites du sport et que vous êtes active. Vous faites sans aucun doute attention à votre ligne un minimum et vous gardez vos ongles relativement courts à cause de la gâchette de votre arme de service. Vos vêtements sont en bon état sans être neuf ce qui indiquait déjà que vous n’étiez pas une grande admiratrice de la mode. J’ai l’oeil aiguisé avec les années pour ce genre de chose.

Je terminais mon verre avant de prendre une bouchée de nachos. Nous avions littéralement dévoré le plat.

- Vous savez Maisie, j’ai une excellente bouteille de whisky chez moi qui ne demande qu’un peu attention. Vous désirez m’accompagner ?

Je lui faisais un petit sourire en coin.  

C’était avec un certain étonnement que la charmante agente du B.E.M. acceptait de m’accompagner à mon domicile pour continuer ce petit moment de partage en privé. Je me passais une main sur la barbe en souriant en coin sans arrêter. Je me sentais de bonne humeur finalement.

- Non, je ne vous laisserai pas faire. Par ailleurs, c’est déjà sur mon compte ici. Nous pouvons partir.

C’était vrai. Ma carte était déjà enregistrée dans le système alors que je faisais un signe de tête au barman avant de me diriger vers la porte. J’attendais que Maisie me rejoigne et je laissais cette dernière ouverte pour la jeune femme avant de me rendre près de ma voiture sport. Je la déverrouillais en faisant signe à Maisie de monter dans cette dernière. Oui, je me déplaçais avec ma McLaren neuve sans la moindre gêne. Elle comportait tout ce qu’il fallait pour un agent de mon niveau. J’attendais que la dame soit installée et je me mettais rapidement en route pour mon appartement. Je n’allais pas l’amener à mon domicile privé. Je l’amenais dans un endroit où j’allais moins. Je ne voulais pas que l’on sache mon adresse personnelle.

- Alors, vous vivez dans quel quartier, mademoiselle Cooper ?

Je continuais de rouler en augmentant la vitesse. Le moteur rugissait comme jamais et personne ne m’arrêtait. L’avantage de mon statut dans un certain sens. Je continuais de rouler tout en lui faisant la conversation.

- Vous devez penser que je suis le genre d’homme qui entretient une femme et qui est macho ? Il y a peut-être un peu de ça dans un certain sens, mais j’ai toujours été comme ça. Je ne changerai pas aujourd’hui. Sachez que je sais que vous êtes parfaitement capable de vous occuper de vous-même sinon vous ne seriez pas une agente du B.E.M. célibataire et sans enfant.

Petite pique à la Sheppard. C’était inclus avec la voiture en fait.