Etonnement de l'arrivée et du retour.

Voilà des semaines que nous bossions, avec l’équipe sur la disparition d’une jeune adolescente. Les autorités en présence ne s’étaient pas foulé le ciboulot – petit aparté, il ne faudra pas s’étonner de découvrir des expressions inconnues au bataillon. Je suis un adepte assumé du néologisme – cela étant dit, je pouvais reporter mon attention sur ce que j’avais en ma possession. La plupart des informations étaient punaisées sur un tableau en liège, à l’ancienne, tandis que le « Bohemian Rhapsody » de Queen résonnait dans le bureau sans que je ne me soucie de faire chier mon monde. Certains me trouveront excessif, d'autres complètement taré, mes collègues – qui me supportaient depuis un moment – savaient que je venais d’enclencher l’étape finale de ma préparation à grands coups d’envolée lyrique et de quelques riffs de guitare.

« Darren, loin de moi l’idée d’être pessimiste, mais on n’a pas grand-chose. Je ne comprends pas pourquoi tu insistes pour te rendre dans les bâtiments de cette entreprise. »

« - Joli cœur ! Règle numéro, ne jamais sous-estimer tes sources, même si ça tangue côté théoricien du complot. Oncle Sam… »

« C’est son blaze ? »

« - On n’a l’inspiration qu’on a. Toujours est-il que ce type est sûr d’avoir vu des types molester des jeunes avant de les faire entrer de forces à l’intérieur du bâtiment. Oui, je sais ce que tu vas me dire. Mais je ne cours pas après le Pulitzer et Edward Snowden peut dormir sur ses deux oreilles. Donc, très chère hackeuse de mon cœur. Qu’est-ce que tu m’as dégoté pour me fondre dans le décor ? »

Je connaissais assez M pour savoir que la flagornerie ne mènerait à rien, mais je m'y risquais quand même plus par habitude qu'autre chose. Elle était douée de toute façon, assez pour ne pas avoir besoin de moi pour le lui faire savoir. Et elle possédait accessoirement tout un réseau de contacts sur lequel je fondais beaucoup d’espoir. À ce moment précis, j’avais la confiance et j’étais loin de me douter que le « Tu vas moyennement apprécier » n’était pas un euphémisme.

Quelques jours plus tard.

Nous étions loin de l’exaltation des grands jours. Badge autour du cou j’allais vers l’accueil, pas sûr d’avoir envie de m’engager sur cette voie. J’observais les lieux malgré tout, histoire de savoir où je m’apprêtais à mettre les pieds tandis que dans mon oreille M m’indiquait la marche à suivre. Je devais donc présenter mon badge à l’accueil pour ensuite être redirigé vers le service adéquat. Ce que je fis sans attendre en marmonnant dans ma barbe. « - Tu aurais pu trouver mieux. Je ne suis pas venu jusqu’ici pour récupérer des chiottes et… » Je dus me taire, car un type s’approcha de moi. Jeune, il avait le sourire facile et ne semblait pas difficile à berner. Je n’avais qu’à consentir à jouer les sous-doués et lui laissais tout un boulevard de confiance pour mieux m’écraser. Car après tout je n’étais qu’un membre du petit personnel, insignifiant et invisible. Mais oui bien sûr, loin de l’envie de se foutre de ma gueule, M m’avait dégoté ce poste pour me permettre de mieux me fondre.

« Les agents d’entretien ont des créneaux horaires précis à respecter. Vous comprenez ? » J’acquiesçais une première fois. Nous venions de rejoindre l’accueil où tous les regards étaient braqués sur un binôme de deux gonzesses ma foi pas désagréables à reluquer surtout pour un type qui aime les jolies brunes.  Etrangement mon guide d’un jour semblait légèrement mal à l’aise lorsque l’une des deux gonzesses posa son regard sur nous. « - C’est quoi le problème ? » J’entendis un léger grésillement dans mon oreille gauche et la voix de M me suppliant de ne pas faire d’esclandres. « - Elles n’ont jamais vu quelqu’un de l’entretien ? » ne puis-je m’empêcher de faire entendre un peu plus fort au grand dam de mon guide et de M qui poussa un long soupir.

Je n’étais pas à l’aise, mais rien ne devait transparaître sinon quoi ma couverture risquée de sauter dès le premier jour. J’avais conscience des enjeux, mais il n’en demeurait pas moins difficile de rester de marbre face à la brune hautaine, qui je crois, cherchait à marquer son territoire. De nombreux regards continuaient à se poser sur elle. Et si je décelais de la fierté chez certaines personnes, d’autres ne cachaient pas leur hostilité à l’égard de la brune incendiaire. « Reste à l’écart » m’intima M dans l’oreillette. De toute évidence, la brune suivit de près par son chien de garde, n’avait rien à faire ici. Tout comme moi dans une moindre mesure. Sauf que moi, j’avançais « masqué. »

L’échange entre mon guide – dont je découvrais le nom par la même occasion – et la brune était tout sauf cordial ce qui m’amena à penser à nouveau, que la fille hautaine n’avait rien à faire ici. « - Sinon accessoirement monsieur John, pourrions-nous reprendre la visite ? » Mon intervention agaça M qui m’intima une fois encore de ne pas faire de vagues. Je fis mine de me gratter la tempe gauche avant de reporter mon attention sur la « charmante » jeune femme. « - Service d’entretien ! » lançais-je en lui tendant une main, qui sans surprise, resta dans le vide. C’était couru d’avance, mais au moins j’avais essayé. Mon regard se posa ensuite sur la jeune femme qui accompagnait et qui semblait rester légèrement en retrait. « Allons-y ! » De toute évidence le débat était clos tout comme l’échange avec celle qui, je crois, fut agent par le passé. « Agent ? » Avais-je bien entendu ? Putain, mais dans quoi ai-je mis les pieds ?

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L’hostilité était de mise face à celle que bon nombre des agents du BEM, considéraient encore comme une traîtresse ayant fricoté avec l’ennemi. Tamara avait beau s’être préparée, elle ne pouvait ignorer qu’un long processus de réhabilitation l’attendait. Les quatre agents en présence furent accueillis comme il se doit par Maisie à la langue acérée. « Nous avons des ordres. » se contenta de répondre l’un des agents là où un autre se montra un peu plus acerbe ne manquant pas de remuer un peu plus le couteau dans la plaie. Mais tous regagnèrent sans attendre l’ascenseur destination les bureaux de la direction où Tamara Lond était attendue comme il se doit tandis que Warren White, accompagné par John Dickinson, s’enfonçait dans les méandres des souterrains.

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« - Ah oui la sécurité, je comprends, mieux vaut être prudent par les temps qui court. » Bon déjà un tel niveau de sécurité n’est jamais bon signe et si en plus on te cause « cloisonnement » là on peut dire que ça put. « - Je tâcherai de ne jamais perdre ce précieux sésame que vous venez de me confier. » M me reprit à nouveau, car selon elle, j’en faisais des caisses. « - Donc contrôle de sécu quotidienne à l’accueil ? C’est noté. » Trop de sécurité tue la sécurité. Ou alors peut-être que l’on cherchait à se préserver du commun des mortels et des regards inquisiteurs. – Note pour moi-même. N’oublie pas cette tournure de phrase. Elle fera son petit effet dans un article à venir. – Puis nous voilà enfin arrivés à destination. Le fameux niveau 3, l’étage consacré à la recherche et qui accessoirement, devenait mon nouveau domaine.

« - Eh bah dis-donc, c’est sacrément blanc et aseptisé par ici. Dites, j’ai cru lire que j’avais des horaires très spécifique. Le petit encadré en rouge, mentionnait le fait qu’il faille respecter scrupuleusement ces horaires. » Il se contenta d’acquiescer sans rien ajouter. Une fois la visite terminée, je ressortais barder d’explications. « Vous pouvez aller vous restaurer si le cœur vous en dit. » Et il me lâcha prestement. Retour à la case départ. « - Je peux aller bouffer ? » demandais-je à M en me tapotant légèrement l’oreille. « - La cafétéria, c’est indubitablement le meilleur endroit pour glaner quelques informations. Ne t’en fais pas M, je gère. »

Un retour sur les chapeaux de roue. Contrairement à ce qu’elle laissait paraître, Tamara était loin d’être aussi sure d’elle qu’elle l’avait prétendu devant Maisie tout le long du trajet en voiture. Mais sa haine envers ses anciens employeurs à cause de ce qu’ils avaient fait à sa famille et son désir de vengeance étaient plus forts que tout. Après avoir été rembarrer Dickinson dont elle ignorait la promotion, Tam s’était vue « gentiment » escortée par quatre anciens collègues et rivaux sur certaines missions. Elle lança discrètement un regard à Maisie pour qu’elle se taise, il ne fallait pas montrer qu’elles étaient trop proches, sans quoi la fille d’Haytham risquait d’être soupçonnée de quelque chose.

- Ouais vous avez des ordres, on sait tous que vous obéissez quand ça vous arrange, pas vrai ? Moi aussi j’ai du dossier sur vous, les mecs, alors jouez pas trop les gros durs. Sauf toi, j’te connais pas et je m’en fous, ajouta-t-elle à celui qui avait voulu la prendre par le bras.

Ils prirent donc l’ascenseur pour atteindre le plus haut étage, celui des bureaux de direction. Les choses n’avaient pas trop changé, chacun avait un badge en rapport avec son niveau d’habilitation et ce badge permettait l’accès à plus ou moins de zones et d’étages. Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et ils avancèrent vers l’une des salles de conférence où le directeur et le sous-directeur section terrain attendaient. Les quatre agents furent remerciés.

« - Entrez donc. Agent Cooper, toutes mes félicitations. »

- Je vous arrête tout de suite, sauf votre respect, monsieur, et le tien, demi-portion, elle ne m’a pas attrapée, c’est moi qui l’ai contactée pour venir me rendre.

Le directeur dodelina de la tête.

« - Voyez-vous ça ? Agent Cooper, allez donc vous prendre un café, nous vous biperons en cas de besoin. »


***

John Dickinson avait donc emmené Darren White au troisième sous-sol, l’étage consacré à l’aile scientifique. Cet étage était vaste et comportait diverses salles de laboratoire et de recherches ainsi que des cellules pour les « expériences ».

« - Votre badge vous donne uniquement accès à cet étage et à la cafétéria. »

Le sous-directeur esquissa un sourire amusé face à la remarque de Darren sur la blancheur des lieux.

« - Il s’agit d’une section scientifique de recherche, voilà pourquoi c’est si clair, et voilà pourquoi nous avons besoin d’employés rigoureux sur la propreté. »

Il hocha la tête sur les horaires.

« - Tout-à-fait, les scientifiques ont besoin de pouvoir commencer à une heure précise afin de ne pas être dérangés dans leurs projets, voilà pourquoi vous devez commencer à 7h ici et avoir impérativement fini à 8h30. Une fois cette heure atteinte, peu importe ce que vous faisiez, vous devez plier et passer à cette zone. »

Il lui montra donc les différentes zones auxquelles le nouvel agent d’entretien serait voué à accomplir ses tâches. Puis après un tour complet, il l’invita à rejoindre seul la cafétéria où un collègue de l’entretien viendrait le trouver pour lui expliquer plus concrètement le travail. Dickinson lui serra la main avec poigne avant de vaquer à ses occupations.

Le directeur m’ordonna ensuite d’aller me prendre un café et je savais très bien pourquoi. Il ne l’avait pas fait par politesse non, il voulait s’entretenir seul avec Tamara et je devais bien avouer que je n’aimais pas ça du tout… Je sortais alors de la pièce et je me redirigeais vers l’ascenseur afin de le reprendre pour me rendre à la cafétéria. Une fois à l’intérieur de celui-ci, je posais ma tête contre la paroi et je fermais les yeux. J’espérais vraiment que Tamara allait s’en sortir et que tout allait se dérouler selon son plan.

Une fois arrivée à mon étage, je sortais et je me dirigeais vers la cafétéria. Je ne pouvais pas m’empêcher de faire les cents pas sans rien boire. Est-ce que tout allait bien se passer ? Est-ce que je devais prévenir mon père ? J’étais tellement perdue dans mes pensées, que je ne faisais même pas attention si je me trouvais seule dans la pièce ou non. Je commençais vraiment à me dire que tout ceci n’était pas du tout une bonne idée. Mais maintenant que la machine était lancée, on ne pouvait plus faire marche arrière.

On ne peut pas dire que mon guide d’un jour eut été passionnant. Mais il s’était prêté de bonne grâce au jeu de la visite tandis que de mon côté, j’offrais, je pense, une performance digne d’un oscar ou peut-être d’un Bafta. Non, c’est trop prétentieux. Un Emmy award alors ? Trop populaire et loin de ma juridiction de métier. La petite musique résonnait encore dans l’ascenseur, ou peut-être était-ce dans ma tête. Ok, le temps des révélations est venu. Il était indéniable que je me faisais chier, tellement que j'en étais arrivé à m'inventer une petite musique d'ascenseur pour combler les blancs. Ça et tout un tas de scénarios dignes d'un roman d'espionnage avant de finalement émerger à nouveau dans cette morne réalité qui venait de me conduire jusqu'à la cafétéria sous l’égide auditive de M qui n’avait rien perdu de mon échange avec balai dans le derche aka le type qui m’avait pris en charge pour me faire visiter ma zone de travail.

« Tu vois quoi ? » entendis-je dans mon oreille gauche tout en observant les lieux. « - Des gens. Heureusement d’ailleurs, parce que sinon ce lieu n’aurait tout bonnement aucune utilité. » J’essayais de parler discrètement, la main devant ma bouche, me grattant le menton légèrement rugueux puisqu’une fois n’est pas coutume, je ne m’étais pas vraiment rasé ce matin. Et n’étant pas du genre « métrosexuel » j’avais omis la petite lotion exfoliante. La voix de M résonna encore dans mon oreille alors que déjà, toute mon attention se portait ailleurs. En l’occurrence sur la demoiselle que j’avais croisé tout à l’heure et qui était en compagnie de celle que j’avais décidé d’appeler la grognasse, puisque de toute évidence cette appellation lui allait à merveille. « - Hey salut ! » tentais-je en m’approchant de la jeune femme. Peut-être allais-je glaner quelques informations avec elle. « - Je suis le nouvel agent d’entretien. »

Être face à Sheppard me faisait bizarre, mais je m’y étais préparée. A vrai dire, pendant ces années d’exil sur l’île privée des Maldives que j’avais achetée sous un faux nom après qu’Haytham était été blessé en ramenant ma mère enlevée par le B.E.M sans doute sous l’ordre de cette grosse crevure, je m’étais demandé si je préférais revenir et apprendre qu’il était mort, remplacé par un autre, ou si je préférais la minuscule notion de certitude que m’apportait le fait de connaître mon ennemi ? Il était vrai que l’envie de lui cracher à la gueule était difficile à réprimer. Mais j’avais répété mon rôle pendant toutes ces années, j’avais continué à m’entraîner et j’étais parée à tout, même à une tentative de reconditionnement ou à parler sous détecteur de mensonge. La fausse Tamara que je m’étais inventée était à présent face au directeur Sheppard qui venait de demander à Maisie de sortir.

- Directeur Sheppard, avant toute chose, je voudrais vous présenter mes excuses. Vous me connaissez, vous savez que j’étais l’une des meilleures, et je comprends que vous ayez pu éprouver de la déception, mais pouvez-vous comprendre que cette saloperie de demi-dieu a usé de ses pouvoirs sur moi ?

Par le putain de Jupiter, j’avais envie de gerber rien qu’à regarder ce trou du cul qui avait ordonné qu’on me torture voilà presque cinq ans, pour que je balance tout ce que je savais sur « le demi-dieu », la proie que représentait Haytham.

- Vous imaginez bien que si j’avais été moi-même, il y a longtemps que je lui aurais botté le cul et ramené ici. Ça m’a pris des années pour me défaire de son emprise et m’échapper.

Je parlais avec conviction, et presque avec émotion. Presque, parce que je n’étais pas du genre sentimentale, j’étais plutôt une dure à cuire et le nombre de cicatrices que j’avais sur le corps en attestait.

- Monsieur, ce que je veux, c’est reprendre ma place.

Il ne pouvait pas nier que j’avais toujours été un atout non négligeable pour le Bureau. Déjà, je voyais à travers la Brume, à cause du traumatisme de ma jeune adolescence quand ce monstre nous avait attaqués. J’avais un œil de lynx et été sniper pendant plusieurs années avant d’être recrutée par le B.E.M, et bon nom des vermines prisonnières des geôles du Bureau étaient mes prises. Sans compter celles que j’avais abattues.

- D’autant que… je veux pas critiquer, mais dans vos nouvelles recrues, on peut mieux faire… Des quatre agents qui sont descendus nous chercher, le seul que je ne connaissais pas a voulu m’attraper le bras, il m’a presque chatouillée.

J’esquissai un sourire. Ce n’était pas facile de trouver de bons agents de terrain, c’était certain. Surtout des agents qui feraient le job sans se faire remarquer ou tuer. J’espérais qu Sheppard sauterait sur l’occasion pour me réembaucher Je me doutais qu’il allait me poser toute une panoplie de questions, qu’il essaierait de m’intimider ou que sais-je encore, il y avait tant de plans tordus dans sa tronche… comme l’idée d’aller assassiner des gamins par exemple.

Je n’avais pas du tout apprécié le fait de mettre fait dégagé du bureau de James comme une mal propre. Non mais sérieusement, je n’étais pas une gamine merde ! Je décidais qu’il serait plus judicieux au vue de mon état, de ne pas prendre de café. J’optais alors pour du Fanta au citron. L’eau, ça fait rouiller. J’étais perdue dans mes pensées lorsqu’une voix que je ne connaissais pas me sortit de ma rêverie. Je me retournais et je me retrouvais face à l’homme que j’avais vu un peu plus tôt en arrivant avec Tamara. Il se présentait à moi.

« Salut je m’appelle Maisie Cooper et je suis un agent de terrain.  Tu as un prénom ?»

Non parce que je suis le nouvel agent d’entretient, en vue de sa tenue, ce n’était pas très compliqué à deviné quand on y pensait. J’avais un peu de mal à me concentrer car je ne pouvais pas m’empêcher de me demander ce qui pouvait bien se passer entre Tamara et le directeur. S’il décidait de l’arrêter, mon père allait clairement m’arracher la tête.

Pense bête : À l’avenir pense à mettre en pratique ton code déontologique du journaliste de terrain. Ce qui m’amène à la règle numéro 1 : Ne pas trop s’exposer. Un code qui n’existait que dans ma tête évidemment, mais que j’avais mis en place il y a trois ans, peu après mon agression. Je m’étais alors promis de ne plus prendre autant de risques. Promesse faite à Sebastian, avec évidemment des doigts croisés. Bon, oui, j’avoue, c’est moche. Toujours est-il que je ne pensais pas revivre ce que j’avais subi il y a trois ans. À savoir m’en prendre à ce que je définissais comme étant « des puissances au pouvoir » sans tomber dans le complotisme évidemment. J’avais donc choisi de m’exposer « légèrement » au prétexte de la collecte d’informations. Une initiative qui déplaisait à M, une collaboratrice. Un terme qui lui déplaisait et dont j’abusais presque éhontément pour la présenter à nos hypothétiques clients.

Je venais donc d’accoster l’une des deux jeunes femmes (la plus sympathique) croisées tout à l’heure dans l’ascenseur au grand dam de M, qui me fit quelques reproches dans l’oreillette m’obligeant à tenir ma langue pour ne pas faire fuir la charmante demoiselle que je venais de saluer en me présentant tout naturellement comme étant le nouvel agent d’entretien. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque la brune se présenta comme étant une agent de terrain tout en me tutoyant. - On est à l’aise ici à ce que je vois ! tentais-je avec légèreté alors que M, dans l’oreillette, se demandait quel type d’agent était celle qui se prénommait Maisie Cooper.

- Moi, c’est Steve. dis-je avec aplomb preuve que j’étais dans mon personnage. « - Enchanté de faire ta connaissance Maisie. Ça fait longtemps que tu bosses ici ? »

Sheppard semblait se foutre ouvertement de ma gueule, mais je me devais de rester stoïque, je connaissais le spécimen, c’était un original, et il fallait que je récupère ma place. Je m’étais entraînée, toutes ces années.

- Sauf votre respect, monsieur, je ne suis pas en train de ramper, faudrait peut-être pas déconner, rétorquai-je en dodelinant de la tête.

J’avais toujours eu un franc-parlé assez fracassant et il le savait.

- On ne vous l’a jamais fait parce que personne n’a été confronté à cette situation assez longtemps pour y survivre, peut-être. Ecoutez, je comprends que votre confiance en moi se soit étiolée, mais n’ai-je pas été un agent exemplaire, pour ne pas dire la meilleure, pendant treize années ? N’ai-je pas participé à toutes les missions de groupe, moi qui déteste travailler en équipe ? N’ai-je pas dégommé ou ramené toutes sortes de créatures sous vos ordres ? Personne n’est parfait, monsieur, et j’ai sans doute manqué de vigilance pendant une seconde il y a quatre ans, et ça m’a valu un lavage de cerveau.

Je croisais les bras à mon tour en le regardant dans les yeux également.

- Sincèrement, Mr Sheppard, vous pensez que je suis assez conne pour venir vous monter un bobard pareil, en sachant pertinemment que vous ne me croiriez pas ? Je n’ai pas d’autre choix que de vous dire la vérité, et c’est ce que c’est. Je veux mon boulot.

Voilà qu’il parlait de faire une activité. Pourvu que ce soit du tir, pour que je ridiculise avec mon œil de lynx qui me permettait de tirer sur le même point une dizaine de balles avec une précision unique. Il annula ses rendez-vous et finalement je lui emboîtai le pas jusqu’à l’ascenseur après avoir fait un signe de tête à la secrétaire et au sous-directeur.

- Je suis impatiente de voir ça, répondis-je quant aux détails qui avaient changé.

Il avait demandé de faire venir un sujet. S’il fallait péter la gueule à un demi-dieux où une affreuse créature pleine de tentacules, ma foi je m’y collerais. Je ne devais pas griller ma couverture. J’avançai en le suivant, observant ces couloirs que j’avais si souvent foulés.
Je ne pus m'empêcher de me demander si tout allait bien pour Maisie, même si je savais que ma belle-fille était du genre coriace et qu'aucun trou du cul ici ne pouvait l'emmerder sans se faire botter le train.