Que s'est-il vraiment passé là-bas ? (ft Darren White, Licinia Alis)

La réaction inflammatoire s’atténuait peu à peu, de même que le gonflement autour de la plaie. Je m’approchais du miroir pour observer de plus près les séquelles laissées sur mon torse. Des marques imposantes parcouraient ma peau, créant une toile de cicatrices qui racontait une histoire dont je n’avais aucun souvenir. Mes doigts parcouraient avec précaution les contours de ces stigmates, et je légèrement grimacé à cause de leur sensibilité. Chaque contact révélait la douleur résiduelle, comme si les griffes acérées qui avaient causé ces blessures persistaient encore dans l’ombre.

Malgré cette épreuve, je devais admettre ma chance de ne pas avoir subi d’infection ou de complication grave qui m’aurait contraint à un séjour prolongé à l’hôpital. Pourtant, l’amnésie qui avait frappé tant de personnes, moi y compris, restait un mystère. Les témoignages laissés en commentaires sur l’article évoquant le tremblement de terre étaient nombreux, laissant présager une curieuse amnésie collective. Mais Licina semblait être l’une des « chanceuses » qui gardaient en mémoire les événements de cette journée infernale.

En me racontant les mésaventures de chacun lors de l’affrontement absurde qui eut lieu au marché de Noël, Licinia transportait mon esprit dans ce lieu autrefois joyeux et animé, désormais souillé par le chaos. Des créatures de glace animées semblaient avoir émergé des recoins les plus obscurs de l’hiver pour semer le trouble. Leurs mouvements graciles, mais puissants évoquaient une danse glaciale, où chaque geste était imprévisible et empreint de magie. Elles croisèrent le fer avec des demi-dieux, leurs différences d’apparence et d’origine donnèrent lieu à des combats spectaculaires que j’imaginais trop bien.

Pourquoi ces créatures et demi-dieux s’étaient-elles affronté ainsi ? Leur présence dérangeante dans un lieu si festif et réconfortant demeurait un mystère insoluble. « — Avaient-ils seulement besoin d’un sens pour tout détruire ? », murmurai-je, presque comme un écho à la question sans réponse qui résonnait dans mon esprit.

Je détournai finalement les yeux du miroir, laissant derrière moi les souvenirs imprécis de cette journée extraordinaire. Ma main tremblante saisit avec précaution un coton imbibé de solution saline pour désinfecter ma blessure. La sensation du liquide froid sur ma peau, associée à la douleur persistante, créait un contraste saisissant. J’espérais que le temps et les soins apaiseraient ces marques, tout comme j’espérais que le voile se lèverait un jour. En attendant, je devais apprendre à me résigner.

Après avoir désinfecté la plaie, je m’efforçai de poser un nouveau bandage, non sans difficulté. Me contorsionnant dans tous les sens, j’y parvins enfin, créant ainsi un pansement qui tiendrait pendant quelques heures au moins. Puis, je terminai de me rhabiller, quittant la salle de bains avec cette horrible impression d’inachevé qui m’accompagnait toujours. C’est alors, bien malgré moi, que je me rendis compte que mon portable était complètement déchargé, m’empêchant de l’allumer à présent.

Mon premier réflexe fut donc de me ruer sur le chargeur et d’enfoncer la prise à l’endroit adéquat. Aussitôt, l’écran se déverrouilla et sortit le cellulaire de sa léthargie numérique. Une fois le code PIN entré, une multitude de notifications ébranla l’appareil qui se mit à vibrer de toutes parts. Chaque notification était comme une petite secousse électronique me rappelant que, même dans l’ombre de l’amnésie, la vie moderne continuait de battre son plein.

Les notifications s’amoncelaient, tout comme les SMS et les appels en absence. Mais de tous, c’est bien celui de Callie qui attira mon attention, et pour cause, elle m’avait laissé un message sur ma boîte vocale. Résistant que très mal à la tentation de l’entendre ; et parce que j’étais impatient de nature, je plaçais presque aussitôt l’oreille sur l’émetteur pour entendre ce que ma nouvelle recrue avait à me dire.

Observant ma montre, je fus saisi par une légère hésitation que je demeurais incapable d’interpréter. De toute évidence, la mémoire de Callie était aussi en vrac que la mienne. Et en plus, elle était à l’hôpital. La culpabilité prit alors le relais, m’incitant à penser que j’aurais dû prendre des nouvelles plutôt.

« — Lici ! » Ma décision était prise, mais avant tout, je devais prévenir ma belle brune de mon absence à venir. « — Lici ? » réitérai-je en la cherchant un peu partout avant de rejoindre le salon où elle se trouvait. « — Ma belle, je vais sortir. Je dois passer rendre visite à une de mes collaboratrices. Elle était au marché de Noël et a été blessée. » Je marquai un silence, dans l’attente d’une réponse, et sans trop savoir pourquoi, je lui proposais de m’accompagner.

« — Tu veux venir ? » lui demandai-je.

Était-ce seulement une bonne idée d’amener Lici dans un univers aussi aseptisé ? Trop tard pour émettre le moindre raisonnement, car elle avait accepté de me suivre, et nous voilà donc en route pour l’hôpital. À l’accueil, je pris soin de donner les informations nécessaires, histoire de gagner du temps et de vite retrouver Callie, qui, je le pense, avait peut-être quelques informations à échanger.

Avec précaution, je toquai contre la porte, attendant patiemment d’avoir la permission d’entrer, puis nous y voilà. J’ouvris donc la porte et passai la tête puis le reste du corps avant de laisser Lici entrer à son tour.

« — Salut ! Et bah dis donc, tu as été sacrément amochée. Ah pardon, je manque à mes devoirs. Callie, je te présente Licinia… ma… » L’hésitation m’assaillit au pire moment. Que devais-je dire ? Comment devais-je présenter Lici ? Ne l’avais-je pas déjà fait en amont ? « — Petite amie ! » lâchai-je enfin. « — Mais tu l’as peut-être croisée au marché de Noël, non ? »

Il y avait beaucoup de choses qui m'échappaient, à commencer par pourquoi Darren ne se rappelait pas de ce qui s'était passé lors de notre balade à ce qu'il appelait le marché de Noël. Nous avions marché, oui, mais nous n'avions pas vu Noël. Par contre nous avions été attaqués par toutes sortes de choses qui normalement étaient inanimées. Je n'avais pas aimé être là-bas. Darren m'avait assuré que ce serait amusant, mais à part au début quand j'avais découvert les étoiles suspendues en sortes de branches molles, le reste n'était pas drôle. Les attaques, les gens qui criaient, tous ces eotirs repas que je n'avais pas le droit de manger... Je m'étais fait mal et Darren aussi, attaqués par des créatures de glace que les dieux avaient fait s'acharner sur les lieux.

Darren ne se rappelait pas alors j'avais tenté de lui expliquer mais j'étais un peu traumatisée, alors mes mots sortaient dans tous les sens. J'espérais qu'il comprendrait et se rappellerait, mais il semblait que non. Cela faisait deux jours. J'avais beaucoup dormi et pleuré aussi. Je me sentais mal à cause de ce qui était arrivé, cela m'avait ramenée bien des années auparavant quand j'avais vu mourir ma horde.

Ce jour-là, j'étais lovée dans le canapé à regarder vaguement le ciel, me demandant si un jour je pourrais voler de nouveau, quand soudain la voix de Darren retentit. Il m'appelait. Je redressa ma tête quand il expliqua qu'il sortait. Mon cœur se serra, voulait-il encore me laisser seule ?

- Oui je veux venir !

Je ne voulais plus être seule, ni loin de lui. Cela m'angoissait trop. Je m'étais levée du canapé et avait mis les prisons pour pieds qui tiennent chaud mais qui font mal, et le gros tissus pour se protéger du froid, et nous voilà partis dans son chat métallique qui fait du bruit.

Je découvris un autre lieu des Mortels, un hôpital. Ça sentait fort, il y avait beaucoup de gens, des Mortels et des créatures aussi que Darren ne pouvait pas identifier. Je sentais des odeurs de sang de demi-dieu et cela me rendait folle. Je voulais en boire mais je devais rester avec Darren. Finalement nous arrivâmes dans une chambre où la Mortelle nommée Callie était allongée. Il le la presenta mais il me semblait que je l'avais vue au marché. Je m'étonnais de ce que Darren disait de moi.

- Je suis pas si petite...

La fille avait des bandages un peu partout. Apparemment les Mortels logeaient dans l'hôpital quand ils étaient trop blessés pour retourner dans leur grotte. Ils ne cicatrisaient pas aussi vite que nous, je l'avais remarqué avec Darren et ses plaies. Les miennes étaient déjà refermées. Je m'avançai et observai avec attention un sorte de petit arbre métallique qui soutenait une poché avec un liquide dedans qui allait vers la Mortelle via une sorte de serpent tout fin.

- Ce serpent te mord, tu n'as pas vu ?

Je voulais l'aider et l'arracher mais je voyais pas la tête, c'était bizarre.

Le froid glacial des couloirs carrelés semblait s’insinuer profondément dans mes os, comme des griffes de glace s’enfonçant implacablement. Le bruit ininterrompu des machines médicales ajoutait une couche de tension à l’atmosphère, chaque bip et biper électrique résonnant comme des notes discordantes dans une symphonie angoissante. Je scrutais les déplacements du personnel hospitalier, chacun s’affairant avec une urgence pressante, leurs blouses immaculées et leurs pas précipités contrastant avec l’environnement stérile.

Malgré tout, je me rendais compte que j’étais en bonne compagnie. Un simple regard vers Licinia suffisait à me convaincre, même si la demoiselle semblait happée par l’assortiment d’odeurs, dont celle du sang qui planait dans l’air. Il y avait sûrement des demi-dieux rôdant dans les parages, voire pire. Dès lors, je préférais bannir ces pensées de mon esprit, cherchant refuge dans la chambre où résidait l’intrépide Callie Highpics, que j’avais engagé quelques semaines plutôt tôt pour venir grossir les rangs de « Lys investigation. »

Après avoir frappé doucement à la porte, j’ai fait glisser ma tête à l’intérieur, notant au passage que la blondinette était tellement plongée dans ses pensées qu’elle n’avait pas remarqué notre entrée, si bien qu’elle sursauta lorsque je m’adressai à elle, comme un papillon délicat dérangé en plein vol.

« — À ce que je vois, je n’arrive pas au meilleur des moments ! » lâchai-je en désignant la bassine d’une part et le carnet dans lequel elle semblait avoir griffonné quelques notes. Cependant, ma curiosité grandissante sur le contenu du carnet et de son appareil photo ne l’emporta pas sur la politesse, et je pris le temps de présenter Lici, bien que j’eusse opté pour le mauvais terme, ce qui fit doucement sourire Callie, mais je ne m’en formalisais pas.

« — Effectivement, tu n’es pas petite » répondis-je, observant avec amusement la naïveté de Licinia qui la guida aussitôt vers la perfusion de ma photographe de terrain. J’ai dû me rapprocher pour empêcher la belle stryge de défaire Callie de sa perfusion, comme un gardien veillant sur un trésor fragile.

« — Ce n’est pas un serpent… » commençai-je avant que la jeune alitée ne prenne le relais avec une patience exemplaire, déployant une certaine pédagogie à l’encontre de la belle Italienne qui partageait ma vie.

« — Tout ça pour dire qu’il ne faut pas y toucher, car Callie en a besoin pour aller mieux, » expliquais-je avec une douce fermeté. Et effectivement, au vu des quelques grimaces qui prenaient vie sur son visage, elle avait vraiment besoin du contenu de sa perfusion pour amoindrir la douleur.

Je la vis ensuite saisir son appareil et son carnet sur lequel je pouvais à présent très clairement discerné les mots : collier, Somnus, mythologie, séisme hyper localisé, statues de glace, 3 adolescents. Me voilà rendu à froncer les sourcils pour essayer de mettre de l’ordre, mais rien ne venait à mon grand désarroi.

« — Écoute, je vais être honnête avec toi, je n’ai que peu de souvenirs de ce qui s’est passé, » avouai-je, une pointe de frustration teintant ma voix. Mon regard s’attarda furtivement sur Lici, qui, contrairement à nous, n’avait pas une mémoire défaillante et m’avait en partie narré les quelques événements survenus lors du marché de Noël.

« — Tu as réussi à tirer quelques clichés ? » commençai-je, curieux, avant de reporter mon attention sur son carnet. « — Somnus, comme le penchant romain d’Hypnos ? Le dieu du sommeil, si je ne m’abuse. Et c’est quoi cette histoire de collier ? » Mes questions s’enchaînèrent, laissant libre cours à ma curiosité insatiable. Cependant, j’espérais que Lici ne cherche pas à répondre à toutes nos interrogations en mettant en avant l’existence du surnaturel, dont Callie n’avait probablement aucune connaissance. Je craignais que la révélation de ce mystère ne la perturbe davantage dans son état déjà précaire.

Je n'aimais pas vraiment ce lieu, déjà parce qu'il y avait du sang de demi-dieu et que je ne pouvais pas aller en boire, il y avait aussi des nourrissons que je ne pouvais pas manger, et en plus il y avait des Mortels vêtu de blouses blanches qui me rappelaient les méchants Mortels du B.E.M. Pourquoi l'amie de Darren était-elle ici, la pauvre ? Avait-elle fait quelque chose de mal ?

Nous arrivâmes bien vite dans sa mini-grotte, bien plus calme que le reste du lieu. Je m'étais d'abord étonnée que Darren lui dise que j'étais petite, puis je fus surprise par le serpent qui mordait le bras de Callie. Mais elle et Darren m'empêchèrent de le lui enlever, en expliquant qu'elle en avait besoin. Peut-être que ce serpent avait un venin magique qui aidait à guérir ? Esculape avait encore bien des secrets, et je n'étais pas la plus érudite en matière de dieux. Pour tout dire, ils m'avaient toujours fait peur. Je me contentai de hocher la tête en écoutant les explication de la jeune mortelle avant de reculer un peu tandis qu'elle posait des questions à Darren. Je compris qu'elle non plus, tout comme mon gentil mortel, ne se rappelait pas de ce qui s'était passé lors de cet horrible marché de Nowel. Je haussai les sourcils.

- C'est bizarre que vous ne vous souveniez plus tous les deux. Pourtant, c'est difficile d'oublier les créatures de glace qui ont attaqué et tout détruit. Vous savez, je pense que les dieux n'aiment pas beaucoup vos pratiques de Nowel et que leur colère s'est abattue sur nous l'autre soir...

Je ne voyais pas d'autre explication. Darren et Callie évoquèrent Somnus. Darren n'avait pas bien l'air de savoir qui c'était. Je me tournai vers lui, étonnée.

- Oui, Somnus est le dieu du sommeil. Il veille sur le monde la nuit quand tout le monde dort.

Tout le monde sauf les stryges. Nous aimions beaucoup Somnus car grâce à lui, nous pouvions chasser.

- Mais ce n'est pas son genre de réveiller des créatures géantes en glace. Sa colère ne se manifeste pas comme ça. L'homme-cheval qui a rétabli le calme semblait avoir récupéré son collier volé par trois autres individus.

Pour moi, un autre dieu avait demandé à ces jeunes de voler le collier pour lui. Je ne voyais pas pourquoi des demi-dieux voleraient le collier d'un dieu, sauf s'ils étaient fous et suicidaires.

J’étais anxieux pour plusieurs raisons, principalement à cause de ma réticence envers les hôpitaux, un sentiment que je partageais avec beaucoup. Mais au-delà de cette peur médicale, c’était l’attitude de Lici qui alimentait mon stress. Malgré mes profonds sentiments pour elle, sa capacité à surprendre, voire à choquer, restait intacte. J’étais presque certain que Callie, avec son pragmatisme typique, trouverait Lici plus qu’étrange, et le charme exotique de mon aimée italienne ne suffirait pas à excuser son excentricité.

Alors que le sujet du serpent de perfusion était écarté, je me concentrais sur l’appareil photo de Callie et les photos qu’elle avait pu prendre lors des désastreuses festivités qui avaient conduit à son hospitalisation. Étrangement, elle et moi avions peu de souvenirs de cet événement, contrairement à Licinia et à certains demi-dieux présents. Je décidais de ne pas souligner ce détail pour l’instant, préférant me focaliser sur le précieux appareil photo.

« — Non, non, chaque cliché a son intérêt. Parfois, un petit détail peut révéler beaucoup sur une situation, » dis-je, m’appuyant sur mon expérience d’enquêteur et les nombreux clichés que j’avais pris lors de filatures.

Callie cherchait alors les photos montrant les adolescents avec l’antique collier. J’étais sceptique quant à l’idée que ces trois jeunes puissent être à l’origine de ce chaos, mais je restais ouvert à toutes hypothèses. Jetant un regard rassurant à Lici, je pris l’appareil que Callie me tendait, examinant avec précaution la photo à l’écran.

« — Effectivement, c’est étrange de voir des jeunes avec une telle relique. » Je tentais un zoom pour mieux voir le collier, même si la faible lumière de la photo rendait l’observation difficile. L’anachronisme était indéniable.

Alors que je réfléchissais, Lici prit la parole, m’amenant à craindre le pire. Elle parla librement de l’univers onirique des dieux, un discours qui, pour le commun des mortels, semblait dénué de sens. J’intervins rapidement pour que Callie ne la prenne pas pour une folle.

« — Lici a une imagination fertile, » répondis-je avec un sourire forcé. « — Ce n’est pas pour rien qu’elle écrit. Et avec ce qui s’est passé au marché de Noël, elle a de quoi alimenter un scénario catastrophe, n’est-ce pas ? » Je ne croyais pas un mot de ce que je disais, mais je devais détourner l’attention de Lici et ses récits mythologiques. « — Elle s’y connait en mythologie romaine, étant italienne » ajoutai-je, espérant que cette explication suffirait. À ma grande surprise, Callie semblait s’intéresser davantage au collier.

« — Ok, donc nous avons un objet de grande valeur entre les mains de quelques adolescents. Mais franchement, vous ne pensez pas que ce collier a causé tout ce chaos ? » J’insistais sur cette question, lançant un regard à Lici pour lui signifier de rester silencieuse.

L'amie de Darren avait l'air bien fatiguée, la pauvre, et comme lui, elle avait oublié ce qui s'était passé lors de cette soirée horrible du marché de de Nowel. Je n'aimais pas Nowel du peu que j'en avais vu. C'était dangereux et cela énervait les dieux. Plus plus, la dénommée Callie recevait l'air d'un drôle de serpent qui mordait son bras pour guérir de ses blessures. Décidément, les Mortels avaient de drôles de méthodes. Et je commençais à me dire que si tous les deux étaient amnésiques, c'était peut-être dû à leur condition.

J'essayais d'expliquer ce que je savais du dieu Somnus et d'autres choses mais Darren semblait ne pas aimer que je parle. Il disait que j'avais une imagination fertile. Je le regardai en fronçant les sourcils mais je préférais ne rien ajouter de peur de froisser mon gentil Mortel ou de lui faire honte devant son amie. J'avais encore du mal à comprendre toutes les subtilités de leurs coutumes et parfois je commettais des erreurs.

Callie parlait du collier et j'étais étonnée que des Mortels en sachent autant sur des objets appartenant aux dieux. Elle montra des images sur un appareil à Darren et par curiosité je me penchai pour regarder. C'était de la magie, les gens étaient capturés dans la boîte ! Cela me glaça d'effroi. Puis je me souvins que Darren m'avait expliqué le fonctionnement de ce genre de chose.

- Ils ne sont pas vraiment dans la boîte, c'est juste leur image, dis-je.

Puis Ils échangèrent de nouveau des paroles. Je voulus dire quelque chose, mais Darren me regarda comme pour me dire de ne rien dire. Je croisai les bras d'un air un peu renfrogné. Je n'aimais pas être bridée ainsi, je l'avais trop été toute ma vie. Pourquoi je ne pouvais pas dire que c'était bien le collier qui avait causé tous ces problèmes. Il posait la question, pourquoi je n'avais pas le droit de donner la réponse ? Je regardai alors Callie en trouvant une alternative. Je me penchai vers elle en murmurant.

- Tu peux lui dire que oui.

Je sentais la tension dans l’air, un mélange de curiosité et de mystère. Callie, avec son esprit analytique, cherchait des réponses dans un monde dont elle ignorait la complexité. Et Licinia se tenait à la frontière de deux réalités, l’une humaine, l’autre surnaturelle, une réalité que Callie ne soupçonnait même pas. Je restai donc un instant interdit face à la demande de Callie, me demandant si elle était sérieuse ou si c’était l’effet de la fatigue et des médicaments.

Je tournai mon regard vers Lici, lui offrant un sourire encourageant avant de reporter toute mon attention sur Callie. Je sentais que ma position de scepticisme habituelle s’effritait face à l’insistance de ma nouvelle recrue et à l’étrangeté persistante de la situation. J’étais partagé entre mon désir de protéger Lici des jugements et mon besoin croissant de comprendre ce qui s’était réellement passé.

J’étais encore plongé dans mes réflexions lorsque Lici, avec son enthousiasme habituel, commença à dépeindre sa vision des événements, un mélange de mythologie, de rêves et de réalité. Bien que je fusse habitué à ses récits fantastiques, je ne pus m’empêcher de ressentir une pointe d’inquiétude. Que révèlerait-elle ? Et comment Callie réagirait-elle ?

« — Callie, tu as raison, il est temps d’explorer toutes les pistes possibles, » dis-je, choisissant mes mots avec précaution pour ne pas révéler trop rapidement la véritable nature de ma belle stryge. « — Licinia possède une compréhension… disons, unique, de certaines choses qui peuvent sembler étranges ou inexplicables. C’est une vision que ni toi ni moi n’avons, et elle pourrait nous aider à voir ce mystère sous un autre angle. »

Je regardai la belle brune à mes côtés, espérant qu’elle saisirait mon regard comme un signe pour partager sa connaissance sans trop en dire sur sa véritable nature. « — Peux-tu nous dire ce que tu sais du collier de Somnus ? Tes… intuitions pourraient être précieuses ici. »

Je me tournai ensuite vers Callie, essayant de la rassurer. « — Et toi, avec tes talents d’enquêteuse et ta connaissance de la mythologie, tu pourrais nous aider à interpréter ce que Licinia va partager. Nous devons garder l’esprit ouvert, car j’ai l’impression que cette affaire semble déborder les limites de notre compréhension habituelle. »

Je savais que Darren voulait me protéger à sa façon, mais je ne voyais pas en quoi expliquer à sa semblable ce qui s'était réellement passé pouvait me mettre en danger. Oui, c'était une Mortelle, mais c'était l'une de ses amies, et je l'imaginais difficilement me faire du mal. Elle était frêle et même si elle n'était pas souffrante dans ce lieu puant, j'aurais le dessus en un rien de temps.

J'observai leur échange et finalement, mon namoureux sembla d'accord pour que je dise ce qui s'était réellement passé, en donnant davantage d'explication sur l'objet qui avait causé tout ce désastre. Je soupirai intérieurement. Les Mortels d'aujourd'hui ne savaient pas grand chose sur les Dieux et leur entourage. Ils avaient désormais de faux dieux qui se prétendaient uniques, mais malgré cela, ils n'avaient pas de respects, ni pour les autres créatures ni pour leurs semblables. C'était affligeant. Je songeai à tout ce que m'avait expliqué ma mère quand j'étais plus jeune. Stella et moi, nous étions plus ou moins attentives, ne pensant qu'à une chose, aller voler ensemble au-dessus de l'île. Mais je me souvenais d'une chose : il ne fallait jamais se révéler aux Mortels, nous étions protégée par une voile magique produit par je ne savais plus quel dieu, parce que je n'écoutais pas, et visuellement, ils nous prenaient pour les leurs, aussi ne fallait-il pas leur dire qui nous étions réellement, sans quoi ils pourraient nous tuer. Il faudrait donc que je fasse attention. J'avais dit la vérité à Darren dans un élan de naïveté, je réalisai que j'avais pu faire confiance à quelqu'un pour la première fois depuis l'autre moitié de ma vie, et cela m'avait poussé à désobéir à ma mère.

- Somnus est le dieu du sommeil, mais pas seulement. Il possède toutes sortes d'objets célestes avec des capacités liées à ses pouvoirs. Certains ont été dérobés au fil du temps, et il semble que son collier l'ait été. L'autre soir, trois garçons l'avaient en leur possession, trois demi-dieux, car un Mortel n'aurait sans doute pas réussi à le faire fonctionner. C'est à cause de ce collier que les choses sont devenues vivantes et dangereuses. À la fin, celui qui vous a dit qu'il y avait eu un tremblement de terre, c'est leur chef, un centaure. Il a réussi à récupérer le collier et rétablir les choses.

J'essayais d'expliquer au mieux avec mes mots, malgré mon accent italien qui, je l'espérais, ne nuirait pas à la compréhension.

- Il ne fait jamais toucher aux affaires des dieux, ajoutai-je d'une voix grave.