Mars 2018
Je venais de passer une semaine assez compliquée à l’hôpital. Sans que nous sachions pourquoi, plusieurs de nos patients étaient décédés au bloc ou en post-opératoire. Le chef de service avait décrété l’arrêt de toute opération non vitale jusqu'à nouvel ordre.
Les rumeurs faisaient état d’une enquête interne afin de comprendre ce qu'il s'était passé, définir les responsabilités des uns et des autres si besoin était et pour pouvoir mettre en place de nouvelles normes ou de nouveaux points de surveillance.
J’avais été choisie pour faire partie de cette commission. Je n’aimais vraiment pas passer derrière un collègue et encore moins devoir juger son travail. Comme la plupart de mes opérations avaient été reportées à une date inconnue, je passais beaucoup de temps à la morgue et dans la salle de réunion.
La morgue, afin d’assister à l’autopsie des patients concernés par l’enquête. La salle de réunion, afin de lire et relire encore et encore leurs dossiers médicaux. Chaque fois que je croisais un de mes collègues dans les couloirs, je pouvais voir de la colère, de l’incompréhension ou de la peur dans leurs yeux.
J'aurais ressenti la même chose qu'eux si je n'avais pas une mission à accomplir. Je regardais la pendule, il était temps pour moi de faire une pause. Mon cerveau et mon estomac me faisaient comprendre qu’ils avaient besoin de carburant.
Je partis donc en direction de la cafétéria de l’hôpital, je n’y allais pas souvent mais je n’avais pas l’envie ni l’esprit à me préparer à manger le soir en ce moment. Pas tant que la réunion Mortalité et Morbidité ne serait pas passée...
Je faisais tranquillement la queue quand j’entendis un peu plus loin derrière moi une voix que je connaissais mais que je n’avais plus entendu depuis longtemps. Je me retournai et reconnus la propriétaire de la voix.
Un sourire se pointa sur mon visage, Emilia était à quelques mètres de moi avec toute sa joie de vivre et toutes ses questions qui sortaient en rafale comme à son habitude. Les gens autour de nous se mirent doucement à rire et les joues de mon amie virèrent au rouge.
“Emilia ! Je suis si contente de te voir, moi aussi ! Ecoute, on prend nos plateaux, on va s’installer sur une table et je te raconte tout ce que tu veux savoir.” J’attrapai mon plateau et attendis gentiment que ma “petite sœur" de cœur eut le sien. Une fois un peu à l’écart des autres, car j’avais besoin de silence, je me mis à sourire plus franchement et répondis à toutes les interrogations d’Emilia.
“ Donc, oui, je travaille ici depuis maintenant 2 ans. Je suis dans le service de chirurgie orthopédique et j’interviens aussi aux urgences. Et toi ? Tu es en stage ici ? Raconte moi un peu ce que tu deviens !”