A drachma for your thoughts ?

A drachma for your thoughts ?

A drachma for your thoughts ?

“Porté disparu”. Ce furent les deux seuls mots que je retins de la conversation que je venais d’avoir à l’instant avec Haytham. Je raccrochais mon téléphone avec la sensation que mon monde s’écroulait littéralement.
Je m’assis sur mon canapé afin de prendre conscience de la réalité et de la situation. Angel, mon Angel, mon marsien que je croyais invincible, avait disparu de la surface de la terre. En tout cas, il avait disparu des radars de son employeur. Pourquoi ? Comment ? A cause de quoi ou de qui ?

Tellement de questions se bousculaient dans ma tête. Tellement de colère était en train de grandir en moi, tellement de tristesse également. J’avais fini par m’attacher à un homme qui me le rendait bien. J’avais fini par baisser ma garde, me voilà de nouveau vulnérable.
Pourquoi le Destin s’acharnait autant contre moi, ça ne lui suffisait pas de m’avoir enlevé ma mère, il avait fallu que Keyleen fut sortie de ma vie brutalement et maintenant c’était au tour d’Angel de disparaître. Mais pourquoi ?

Je commençais à avoir les battements de mon cœur qui s’accéléraient, j’avais de plus en plus de mal à respirer. Je regardais autour de moi à la recherche d’une aide, de quelque chose, de n’importe quoi en fait qui pourrait me permettre de me calmer.
Je ne trouvais rien. J’attrapai mon sac à main et mes clefs, je sortis de mon appartement le plus vite possible. J’avais besoin d’air, je sentais que si je restais quelques minutes de plus chez moi j’allais m’effondrer complètement. Je ne voulais pas revivre cette situation.

A peine les portes de mon immeubles franchies, de grosses larmes se mirent à rouler sur mes joues. Je ne fis aucun effort pour stopper ce flot d’eau salée. Qu’importe le regard des passants, je fonçai en direction de mon premier refuge : le jardin botanique.
Sur le banc où tout avait commencé, le lieu où j’avais découvert pour la première fois mon pouvoir de demi-dieu, je me laissai aller entièrement à mon chagrin. Je savais que j’étais protégé du regard des passants et que personne ne viendrait me déranger.

Je pleurai ainsi pendant des minutes, des heures. Je perdis complètement la notion du temps. Seule l’ombre grandissante du chêne au pied duquel je me trouvai me fit comprendre que la journée était bien avancée.
Je me levai en me demandant où j’allais pouvoir aller maintenant. Chez moi ? Hors de question, j’allais beaucoup trop penser à Angel et à tous les moments passés ensemble là-bas. A la Novum Olympum ? Je n’étais pas sûre de la capacité de Chiron à comprendre les émotions humaines.

A l’hôpital ? Mauvaise idée également, je venais d’enchaîner deux gardes de 24h en quatre jours et si je remettais les pieds dans le service avant deux jours, mon chef allait me passer un sermon dont il avait le secret.
Sans m’en rendre compte, j’avais quitté le parc botanique et avais repris ma déambulation dans les rues de Manhattan. Mes pieds et mon subconscient m’avaient amené à proximité du Tir nà nÒg. Le bar préféré des Demi-Dieux de tout New York.

J’entrai dans l’établissement et me rendis directement au comptoir. Beaucoup de monde, pas de place assise disponible autour des tables installées dans la salle, je m’installai sur un des tabourets près du bar.  
Une fois ma commande passée et servie, je ne me concentrai sur rien d’autres que sur la bouteille de bière que je tenais entre mes mains. Je mis un certain temps avant de comprendre que quelqu’un, un homme, se tenait à côté de moi. Il me salua d'un signe de tête que je lui rendis.

“Bonsoir. Carwyn, je crois ? Je vous préviens, je ne suis pas la personne la plus joyeuse de la soirée et je risque de ne pas être de très bonne compagnie. Mais si vous tenez quand même à vous assoir ici, faites comme il vous plait, vous êtes chez vous après tout.”

Je repris une gorgée dans ma bouteille.

A drachma for your thoughts ?

A drachma for your thoughts ?

La musique était douce et l'ambiance calme pour le moment. Les larmes continuaient de vouloir couler sur mes joues encore bien humides de mes pleurs de l'après-midi. J'attrapai une serviette dans le distributeur posé sur le bar et épongeai discrètement le coin de mes yeux, je ne voulais pas me montrer vulnérable en public.
Le dénommé Carwyn confirma son identité et s'installa à mes côtés et commanda à son tour une boisson auprès de son barman. Il prit la parole. Sa voix était grave et réconfortante à mon oreille. Il savait mettre les gens en confiance, je ressentais grâce à lui un peu de chaleur humaine dans cette journée des plus froides pour mon coeur et pour mon esprit.

Je l'écoutai me dire qu'il percevait ma tristesse. Moi qui avais toujours l'habitude de cacher mes sentiments à un inconnu, même à un Demi-Dieu, il pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert. Il fallait croire que ma détresse était plus grande que je ne le pensais et je n'avais pas réussi à donner le change.
Si Keyleen me voyait en ce moment, elle me passerait un de ces savons dont elle avait le secret. Je me concentrai à nouveau sur ma bouteille de bière et sur ce que continuait de me dire le maître des lieux. Il ne voulait pas être indiscret ni intrusif mais se portait volontaire si je souhaitais son aide.

Je ne savais pas trop ce qu'il fallait que je fisse. J'avais envie de crier à la Terre entière qu'Angel avait disparu, je voulais que chaque être vivant m'aidât d'une façon ou d'une autre à le retrouver. D'un autre côté, je n'aimais pas importuner les gens avec mes soucis. J'avais toujours été celle qui écoutait les gens se plaindre et me raconter leurs malheurs.
J'avais toujours évité jusque-là d'être de l'autre côté de la barrière. Un combat intense était en train de se jouer dans mon esprit. J'avais envie de parler mais en même temps j'hésitais encore. Je finis par prendre une décision. Je ne voulais pas paraître impolie.

"Restez si cela vous convient. Je ne vais pas vous chasser, vous êtes chez vous après tout." Je repris une gorgée dans ma bouteille de bière. "Effectivement, vous l'avez bien deviné, je suis très triste ce soir, c'est pour cela que je vous ai prévenu du fait que je ne serai pas de très bonne compagnie. Vous m'avez demandé la raison de mon état, je vais vous le dire. Mon amie, ma meilleure amie me manque énormément et je me demande où elle se trouve actuellement. J'aimerais tellement qu'elle soit là avec moi ce soir surtout après une journée comme celle que je viens de passer... Oh oui, je voudrais tellement qu'elle soit là. "

Avais-je été suffisamment convaincante dans ma réponse ? J'en doutais énormément moi-même. Parler d'Angel là, maintenant, tout de suite, m'aurait fait pleurer encore et encore. Rien que de penser à mon Marsien, mes yeux se remirent à briller de larmes prêtes à être à nouveau verser.

A drachma for your thoughts ?

Mon pouvoir avait longtemps été plus une malédiction qu’un don et j’apprenais petit à petit à l’apprivoiser. Il pouvait me permettre d’aider les gens, de les apaiser un peu, de leur donner de la force, mais je me refusais de l’utiliser sans permission. Les émotions n’étaient pas à prendre à la légère, surtout la tristesse. Je ne savais que trop bien ce qu’une tristesse mal gérée pouvait créer et je ne souhaitais cela à personne.

Je laissai la jeune femme parler de ses problèmes, un sourire amical aux lèvres et buvant de temps à autre une gorgée de mon verre. Sa meilleure amie lui manquait donc tant que cela ?

« - Je vois. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé, comme on dit. Vous avez des raisons de vous inquiétez pour elle ou vous avez besoin de quelqu’un sur l’épaule de qui vous épancher sur votre journée ? Si cette question n’est pas indiscrète, bien sûr ! »

Ma sœur me manquait. Tous les jours depuis quinze ans. Elle me manquait terriblement et parfois, ce manque était aussi lancinant qu’une plaie ouverte. Je comprenais donc très bien ce que l’absence d’une personne pouvait faire ressentir à ses proches. Si je pouvais aider cette jeune femme à se sentir mieux, je ferais tout mon possible pour le faire.

« - Dites-moi si je peux vous aider de quelque manière que ce soit, d’accord ? Si c’est dans mes cordes, je le ferai. » lui répétai-je d’une voix douce et bienveillante avec un sourire avenant.

Je jetai un coup d’œil vers la salle pour m’assurer que tout allait bien. Les gens semblaient heureux, ou contents tout du moins, dansant, draguant, riant et s’amusant pour oublier leurs problèmes, leur vie banale ou juste pour se détendre après une longue journée de travail.

A drachma for your thoughts ?

Carwyn me proposait à nouveau son aide. J'avais une folle envie de tout lui raconter. Ce n'était vraiment pas dans ma nature de m'épandre sur mes sentiments mais là, je sentais que ma tristesse et ma colère devenaient un vrai poison qu'il fallait extraire de mon corps.  
Par où commencer ? Pouvait-il faire revenir une personne disparue ? Pouvait-il faire disparaître les sentiments que je ressentais actuellement ? En plus de ma tristesse et ma colère, il y avait mon amour pour Angel qui me faisait souffrir depuis l'annonce de la nouvelle, la solitude que je voyais poindre maintenant qu'il n'était plus là.

Je ne lui avais pas menti sur un point, Keyleen me manquait énormément. Bien sûr, j'avais retrouvé ma petite Mia mais notre relation n'était pas la même. On ne racontait pas ses histoires de cœur à sa petite sœur mais plutôt à sa meilleure amie. Enfin, jusqu'à ce qu'elle aussi décida de sortir de ma vie sans que je ne m'y attendais.  
Ma tristesse reprit le dessus et les larmes revinrent se pointer aux bords de mes yeux. Je les essayai à nouveau discrètement. Je me reconcentrai sur ce qu’il se passait autour de moi. La musique dans le club était toujours aussi douce et chaleureuse, l’ambiance était sereine. Tout ce dont j’avais besoin actuellement.

Même si je le connaissais peu, Carwyn était un hôte de qualité dont l'écoute pouvait être mise tout en haut sur la liste de ses qualités. Il ne m'avait pas interrompu une seule fois ni ne regarda ailleurs pendant que je ne lui disais qu'une partie de la vérité concernant mon mal-être.  
J'avais un peu honte maintenant de ne pas lui dire le véritable responsable de mon état. Mais je n'arrivais toujours pas à prononcer son nom à voix haute. Le dire à quelqu'un extérieur à la famille et à voix haute rendrait l'information beaucoup trop réelle, je n'étais pas encore psychologiquement prête à en assumer les conséquences sur mon esprit et mon cœur.  

“Vous avez sûrement plus important à faire que d’écouter une fille pleurer une personne qui a disparu de sa vie brutalement... Cette personne vient de me briser le cœur et je ne me sens pas encore le courage de tout vous raconter sans me mettre à pleurer.”

Et pourtant, la comparaison avec le poison que je me faisais tout à l’heure dans ma tête me revint comme une vague géante. Il fallait parler, même si ce n'était pas dans mes habitudes de raconter ma vie et mes tourments à un inconnu, même s'il fut un demi-dieu comme mon interlocuteur du soir.
Je pris mon courage à deux mains, une gorgée de ma bière et une grande inspiration. Il voulait m’aider, il me l’avait proposé à deux reprises, j’étais enfin décider de l’accepter. Peut-être l’alcool me donnait le courage nécessaire pour le faire.

“Je vous ai parlé de mon amie Keyleen. Sachez que je ne vous ai pas dit toute la vérité. Oui, elle a disparu de ma vie mais cela fait maintenant quelques mois. En fait, ce matin, j’ai reçu une mauvaise nouvelle qui m’a bouleversé. L’homme que j’aime a disparu dans le cadre de son travail. Et mon amie me manque car elle aurait sûrement trouvé les bons mots pour me remonter le moral. Je me sens tellement seule aujourd’hui...”

Je voulus reprendre une gorgée dans ma bouteille de bière mais je m’aperçus qu’elle était vide. Un rien qui fit lâcher les vannes. Je laissai cette fois-ci mes larmes se remettre à couler le long de mes joues.

A drachma for your thoughts ?

A drachma for your thoughts ?

Les larmes ne voulaient pas s'arrêter de couler le long de mes joues. Je pensais que la source s'était tarie depuis le matin mais il fallait croire que je m'étais trompée sur ce point.
Sur quoi d'autre aurais-je pu me tromper ? Ma colère et ma tristesse étant bien réelle, je n'avais sûrement pas inventé les sentiments que je pouvais ressentir pour mon Marsien qui n'allait plus être dans ma vie depuis le coup de téléphone de ce matin.

Je devais être une fille qu'on quittait. Ma mère m'avait quitté il y avait longtemps maintenant, puis Keyleen et maintenant Angel. Pourquoi Carwyn ne fuyait pas ?
En parlant du propriétaire du NIght Club, je le vis faire un geste en direction de son barman qui nous resservit à boire. Je pris une gorgée dans ma nouvelle bouteille et écoutai à nouveau mon interlocuteur.

Il me proposait encore et toujours de m'aider. Il voulait vraiment calmer ma peine, me proposant même un câlin ou m'apaiser si je le souhaitais. Je savais que ses pouvoirs de demi-dieu avaient un rapport avec les émotions mais je ne savais pas vraiment à quoi cela correspondait vraiment.
Sa voix était vraiment douce, calme, sereine. Une impulsion me prit et j'attrapai Carwyn afin de lui faire un câlin. Le contact avec un autre être humain, sa chaleur corporelle, son étreinte, tout cela réussissait à calmer un peu ma peine.

La musique qui passait à ce moment-là dans le club fit le reste pour finir de calmer un peu plus ma douleur et ma tristesse.

"Je vous remercie pour le verre. Pardonnez- moi, je reviens dans un instant."

Je me levai de mon tabouret et me dirigeai vers les toilettes. Je devais avoir une tête affreuse avec toutes ces larmes versées encore et encore tout au long de cette affreuse journée.
Une fois devant le lavabo, l'image que je vis de mon visage dans le miroir me tira une grimace. "Reprends-toi ma fille, tu es plus solide que ça et plus forte aussi." me dis-je.

Je me passai de l'eau sur le visage afin de me rafraîchir avant de retourner au bar et de m'asseoir à nouveau sur le tabouret que j'avais quitté quelques instants auparavant.
Carwyn n'avait pas bougé d'un iota. De ce que je voyais, son visage était des plus sereins. Il avait de la chance, cela me semblait tellement loin les jours où j'étais aussi détendue que lui.

Je pris une gorgée de ma bière et me constituai un sourire de circonstance afin de rendre le reste de la soirée moins triste et moins terne.

"Alors, Carwyn. Parlez-moi un peu de vous, même si nous nous sommes croisés à de nombreuses reprises, finalement je ne sais presque rien de vous. "

A drachma for your thoughts ?

A drachma for your thoughts ?

Comme à mon habitude, je remis le masque que je portais toujours et tous les jours quand j'étais avec mes patients. J'avais suffisamment pleuré comme cela et montré mes émotions à des étrangers.
Il fallait que je me ressaisis et vite. Depuis la découverte de mes dons, j'avais appris à cacher ce que je ressentais surtout à ma famille. Depuis, on m'avait toujours considéré comme une femme forte et il fallait que cela continua.

J'essuyai les dernières larmes qui venaient de rouler hors de mes paupières. Je repris une nouvelle gorgée dans ma bouteille de bière tout en me concentrant sur ce que me racontait Carwyn. Mon attention n'était tournée que vers lui afin de lui montrer tout mon intérêt à ses propos comme lui me l'avait montré un peu plus tôt quand je lui racontai ma peine.
Ce dernier jouait les modestes concernant son ascendance divine et les capacités magiques qui allaient avec. Etre le fils de Cupidon était quand même prestigieux. Et sa forte empathie lui permettait d'aider n'importe qui à se sentir mieux. Finalement, j'avais bien eu raison de venir dans son night-club ce soir après la très mauvaise nouvelle que j'avais reçu ce matin.

Je le vis tripoter un collier en lapis lazuli qu'il avait autour du cou. La couleur de la pierre d'un bleu profond me subjuguait. Plus je la regardais, plus je me sentais apaisée et mes angoisses se calmer. Etait-ce juste un collier d'apparat ou avait-il un rôle plus important à jouer pour son possesseur ?
Je secouais la tête afin de revenir dans le moment présent car l'hôte de la soirée me demanda si j'avais des questions plus spécifiques à lui poser et ensuite de lui parler un peu de moi. Une idée me vint.

"En fait, nous avons deux dons complémentaires. Vous soulagez les douleurs psychiques, quant à moi, j'apaise les douleurs physiques. Ca vous intéresserait d'intervenir dans le service où je travaille à l'hôpital ? Je suis sûre que vous pourriez soulager bons nombres de mes patients et apprendre deux, trois choses au personnel soignant."

Avais-je été trop direct ? Ne lui en demandais-je pas trop en lui demandant de venir dans un lieu avec autant de personnes présentes ? Je m'aperçus que je n'avais pas répondu à ses questions. Je lui fis un sourire et repris la parole.

"Veuillez m'excuser, j'ai tendance à vite m'emballer quand cela concerne mes patients. Je suis toujours à la recherche de moyens variés pour les aider à aller mieux. Ca doit venir de mon père, Esculape, dieu de la médecine. Grâce à lui, je suis assez efficace dans mon travail car je peux détecter les maladies d'un simple contact et calmer les douleurs physiques en apposant ma main soit sur le bras de la personne soit sur son visage. Vous avouez que pour un médecin, ça s'avère très utile."

Je ris doucement. J'avais l'impression que cela faisait longtemps que je ne m'avais pas entendu rire. Et après le coup de téléphone d'Haytham de ce matin, je pensais que je ne rigolerais plus jamais de ma vie. En résumé, la terre ne s'était pas arrêtée de tourner et il fallait que je continuai de vivre en ne gardant que les bons souvenirs d'Angel...

"Votre collier est magnifique, un présent de votre père peut-être ?"

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Ma tristesse continuait tranquillement à s'en aller. La colère que j'avais ressentie toute la journée envers Angel s'apaisait également. Je ne pouvais rien faire pour changer la situation.
J'avais bien fait une bonne dizaine de scénarios dans ma tête depuis ce matin. Et si je lui avais dit ceci ? et si j'avais fait cela ? Peut-être que si j'avais plus insisté, il ne serait pas parti.

Il fallait que je me rendisse à l'évidence, rien n'aurait pu faire changer d'avis mon Marsien. Il était dévoué à son travail comme je pouvais l'être au mien. C'était en partie pour ça que je l'aimais, c'était pour ça aussi que je souffrais autant aujourd'hui.
Pour revenir au présent et à la proposition de travail que j'avais faite à Carwyn, bien que l'idée fut intéressante à ses yeux, il la déclina poliment. Il m'expliqua les raisons de ce refus. Je ne pouvais que le comprendre.

"Sachez que ma proposition tient aussi longtemps que je travaillerai dans cet hôpital. Vous pouvez toujours accepter dans un futur plus ou moins proche et selon vos conditions bien entendu. Je ne veux ni vous mettre la pression ni que vous vous sentiez obliger à faire quoi que ce soit."

La conversation se poursuivit par des compliments de la part de mon interlocuteur concernant mon travail auprès des patients. Je ne sus où me mettre. Je sentis même le rouge me monter aux joues.

" Je vous remercie pour ces louanges, j'essaye de faire mon boulot du mieux que je peux. J'ai été tellement marquée par les deux attaques du camp et la souffrance qui en a résulté que je ne veux plus jamais revivre cela..."

Je ne savais pas quelle histoire avait pu vivre Carwyn durant ces deux attaques monstrueuses de la part du BEM, s'il avait été sur place ou non, s'il y avait perdu de la famille ou des amis.
On avait tous soufferts d'une façon ou d'une autre. Aucun demi-dieu n'avait pu rester indifférent face à ces deux événements tragiques. C'était pour mieux me préparer en cas de nouvelle attaque que je retournais régulièrement à l'Académie pour suivre des cours de soin avec Chiron.

Je continuai à écouter le propriétaire du night-club répondre à mes questions. Il venait d'aborder le sujet de son collier. Il s'agissait bien d'un cadeau de la part de son divin père.
Connaissant maintenant les dons de Carwyn, je ne pouvais que mieux appréhender l'importance de ce bijou à ses yeux. C'était comme si on m'enlevait mon stéthoscope, je serais perdue.

"Je comprends mieux pourquoi vous y tenez. En tout cas, il est vraiment très beau et apaisant pour celui qui le regarde."

Je m'aperçus que je venais de finir ma bouteille de bière. Un coup d'oeil sur ma montre me fit comprendre qu'il était temps pour moi de rentrer chez moi car la journée de travail du lendemain risquerait d'être compliquée sans une bonne nuit de sommeil.
Je remerciai Carwyn pour son temps et son attention ainsi que pour le verre qu'il m'avait offert. Je lui fis une accolade et pris mes affaires afin de quitter l'établissement.

Le chemin du retour me parut plus léger que le trajet aller. Finalement, j'avais pris la bonne décision de sortir de chez moi après le coup de fil d'Haytham. La vie continuait après tout.

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