Pizza avec extra hémoglobine - Haytham & Angel

Aoutch ...
It's hurt a little bit bro.

Gino's pizza - 23h45

Haytham avait racheté la fameuse pizzeria de Gino. Il faut dire que cet endroit était mythique et je me doutais que le vieil italien avait eu beaucoup de plaisir à transmettre tout son savoir à mon frère. J'étais passé quelques fois depuis l'acquisition et je n'avais pas manqué de lui dire que les pizzas avaient gardé tout le charme de l'établissement d'antan. C'était un endroit que j'aimais pour son ambiance et visiblement, les affaires roulaient. Une bonne chose à mon sens. J'étais allé en mission en Guadeloupe pour notre cher gouvernement. Je m'étais bien fait chier là-bas en fait. J'avais fait ce que j'avais à faire durant de longues semaines avant de rentrer à la maison. Tam et Haytham ayant veillés sur ma maison et mes choses comme toujours. J'étais tranquille ce soir et j'avais envie d'aller faire un tour pour voir mon frère. J'avais envie de le voir et non de lui écrire ou de l'appeler. Je regardais l'heure en sachant que le restaurant fermait à 23h00. J'étais bien capable d'aller rejoindre me mon petit trésor pour la fermeture et le déranger pendant qu'il faisait son ramassage.

J'avais donc décidé de prendre ma moto et je me stationnais pas trop loin. Il y avait pas mal de monde dans les rues et je marchais tranquillement avant de me décider à aller m'acheter des clopes. Détour pour ma part et je m'éloignais du restaurant. J'étais dans ma petite bulle et j'entrais dans le dépanneur. Je me prenais un sac de chips petit format avant d'aller au comptoir.

- John Player, mélange spécial, king size s'il vous plaît.

Je décidais aussi de prendre une sucette à la fraise pour ma nièce. Haytham pourrait la lui donner avec les compliments d'oncle Angel. Je sortais un billet de vingt dollars lorsque je sentais une présence hostile. Merci à mes pouvoirs. Je me retournais pour voir un putain de type avec des lunettes et un autre à côté. À peine le temps de réagir que les armes sortaient et me visait. Je sautais derrière le comptoir. Brûlure dans le flanc et je grognais. Je sortais mon arme avant de viser, la caméra de surveillance. Bam dans cette dernière. La pauvre employée était terrorisée. Je lui faisais signe de partir, mais elle appuyait sur le putain de bouton pour appeler les flics. MERDE! Je me redressais alors qu'il rechargeait et je tirais sur le premier qui s'effondrait. Le second maintenant. J'oubliais ma blessure et je venais lui sauter dessus après être sortie de ma cachette avec subtilité. Je lui faisais perdre conscience et je respirais rapidement. Les putains de flics. J'entendais les sirènes. Je tendais le bras pour prendre mes clopes et je sortais par l'arrière. Je me mettais à courir en passant la clôture pour me retrouver de l'autre côté. Me rendre au restaurant. Je devais aller voir mon frère. Une main sur ma blessure, je passais par les ruelles pour me rendre là-bas. J'arrivais par l'arrière du restaurant et je tentais d'ouvrir la porte. Je tapais la main à plat. Putain c'était verrouillé. Normal, j'étais en retard comme une star avec cette merde et tout mes putains de détour.

- Haytham ! Ouvre !

Aoutch ...
It's hurt a little bit bro.

Gino's pizza -

Bien des choses c’étaient passées depuis l’arrivée à New York, à commencer par le doux espoir de se construire une nouvelle vie. Tout étant permis, Haytham s’était lancé dans la cuisine avec l’indéfectible soutien de ses proches. Malheureusement pour lui, son manque criant d’expérience professionnelle avait à de nombreuses reprises joué en sa défaveur lors des différents entretiens auxquels il s’était présenté. Tamara, de son côté, semblait mieux s’en sortir que son époux qui, pendant longtemps, avait donné au change pour ne rien laisser paraître de ses échecs à répétition. Bien au-delà de la fierté mal placée, le demi-dieu avait à cœur de réussir et se rapprocher un peu plus de son désir de normalité. Ainsi, il s’était encore accroché jusqu’à ce que le Destin lui envoie un signe qu’il ne pouvait ignorer.

« Chez Gino », une institution dans le cœur de certains new-yorkais avait fermé ses portes il y a de cela cinq ans. Haytham l’avait appris bien par hasard, on se baladant dans le quartier en compagnie de la petite Eileen qui prenait grand plaisir à découvrir les lieux. Quel ne fut pas le choc du Marsien en se retrouvant face à la devanture cernée de diverses affiches témoignant d’un abandon certain. La peinture sur la façade s’écaillait, laissant à peine deviner le prénom de l’ancien propriétaire des lieux. Haytham avait de bons souvenirs et il les partageaient avec Angel, qui à cette époque difficile lui avait permis de sortir la tête de l’eau et de s’ouvrir à d’autres perspectives que celle de s’enfoncer dans son deuil. Et puis ici, avec son demi-frère, l’espace d’un instant aussi infime soit-il, il se sentait presque normal, assez pour oublier les dangers et cette vie sur le fil qui les attendaient. Ce lieu représentait donc quelque chose pour le Marsien, assez pour sentir son cœur se serrer en voyant l’état de délabrement du bâtiment.

Richard Lond, le père de Tamara, n’était pas encore parvenu à obtenir le pardon de sa fille, toutefois il était prêt à tout pour lui faire plaisir et ça, Hay le savait. Solliciter l’aide de son beau-père, sans éveiller les soupçons de la fille, ne fut pas simple ; rien ne l’est jamais avec Tam. L’homme d’affaires était resté silencieux ; dans un premier temps et avait acquis le bâtiment pour une somme maudite, mettant à disposition tout ce qu’il fallait à son gendre pour qu’il s’installe. Hay avait encore quelques connaissances dans le coin, dont quelques demi-dieux. Les travaux furent rapides tout autant que l’installation du Marsien. Le restaurant avait une nouvelle décoration, une autre identité visuelle, mais le nom demeurait inchangé et les pizzas avaient une place à part. Hay y tenait, c’était une tradition et en de telles circonstances, l’on ne pouvait y dérogeait. Le fils de Mars s’octroya quelques semaines pour se former à la maitrise de la pizza et aussi pour ne pas offusquer les quelques Italiens pur sang qui erraient dans le coin. Rien ne devait être laissé au hasard. Quelques semaines s’écoulèrent donc, des semaines prospères à la grande joie d’Haytham qui, fort de la popularité de son premier restaurant, se sentait pousser des ailes ; assez pour se dire que finalement, il avait enfin trouvé sa voie. Tout était parfait, mais il manquait une personne avec qui partager cette folle aventure.

22 h 50. Le demi-dieu en était rendu à fixer le cadran de l’horloge. Il y avait eu du monde ce soir, c’est le moins que l’on puisse dire, mais un peu moins que la semaine passée. Muni de son calepin, Hay profitait du calme apparent pour griffonner quelques notes. « Repenser le système de livraison » venait-il d’écrire en lettres capitales avant d’être interrompu par l’une des jeunes serveuses qu’il avait d’embaucher quelques jours auparavant. — Tu peux rentrer chez toi. Il ne reste plus grand-chose à faire de toute façon. N’oublie pas de prendre tes pourboires.  Il esquissa un sourire avant de reprendre là où il s’était arrêté dans sa rédaction. Quelques minutes s’écoulèrent, les derniers clients encore attablés, virent régler la note et tandis que le demi-dieu s’apprêtait à les encaisser. Il les affubla ensuite des politesses de rigueur.

— Seul ! laissa-t-il entendre dans un soupire tout en débarrassant la dernière table. Il souleva ensuite sans difficulté les chaises et banquettes, pour passer un coup de balai. Lorsqu’enfin le sol fut propre, Hay redressa une à une les tables. Il passa ensuite par les cuisines pour tout verrouiller et revint dans la salle pour venir faire sa caisse comme il avait pris l’habitude de le faire chaque soir. Lunette sur le bout du nez, il commença ses calculs avant de sentir un léger frisson assaillir sa nuque. Un cœur battait à s’en rompre à proximité, l’odeur du sang revint également aux narines du fils de Mars. Quelqu’un se mit alors à tambouriner contre la porte arrière. Sans réfléchir et parce qu’il était à peu près sûr de connaitre son interlocuteur ; le demi-dieu se précipita à nouveau dans les cuisines pour déverrouiller la porte et quelle ne fut pas sa surprise en tombant sur un Angel en bien piètre état.

— Tu sais que c’est réservé aux employés de ce côté et que je ne fais pas de traitement de faveur, même aux VIP , tenta-t-il avec humour avant de reprendre son sérieux. — Dans quelle galère tu t’es encore fourré ?  Il le fit entrer aussitôt et verrouilla la porte. — D’ailleurs, on n’était pas censé se voir plutôt  ? Genre avant que je n’ai eu le temps de remonter toute ma salle et de faire ma caisse du soir ? 

Aoutch ...
It's hurt a little bit bro.

La journée où je serais à l’heure pour aller à un endroit n’était clairement pas arrivée. J’aimais les entrées remarquées voilà. Non, en vrai, je me serais complètement passé de celle-ci. J’aurais préféré ne pas arriver en retard comme je l’étais et encore moins avec une blessure que mon frère allait devoir gérer. Pas le choix en fait. Je tapais à plat contre la porte en espérant qu’il ne soit pas parti. Le connaissant, il devait prendre son temps et savourer son moment de solitude. Je m’apuyais sur le cadre de la porte alors qu’il ouvrait et je me mettais à rigoler nerveusement en levant les yeux vers lui.

- Content de te voir aussi.

J’entrais dans le restaurant en m’assurant de ne pas foutre mon hémoglobine sur un plan de travail. Je comprimais au maximum en inspirant profondément. Je restais le plus droit possible, mais la douleur commençait à prendre le dessus. Je le regardais dans les yeux avant de hausser un sourcil.

- Disons que j’étais en avance et j’ai eu la brillante idée d’aller m’acheter des clopes. Ça été un gros détour et je me retrouve avec un plomb … Je crois que c’est du bronze, mais je n’ai aucune certitude. Ça fait un mal de chien.

J’étais simplement content de le revoir. J’aurais certainement pu crever ce soir. Je fermais les yeux durant quelques secondes et je posais ma main sur le mur. Main intacte et propre, je précise. La tête me tournait légèrement et je secouais cette dernière en tentant de garder le dessus. Je savais que je m’en sortirais. Nous avions ce pouvoir bien pratique de guérir rapidement. Je prenais une profonde inspiration.

- Je suis tombée nez à nez au dépanneur avec des gars du B.E.M. J’achetais juste des clopes et une surprise pour ta fille avant de venir te rejoindre. Les flics ont débarqué et j’ai été obligé de faire un putain de détour. Retire-moi ce truc Hay…

Je le suppliais du regard. Au pire, je passerais un petit moment chez lui. Tamara se ferait sans aucun doute un plaisir de me retirer sauvagement le plomb. Elle était sadique la petite dame et j’avais encore sur le coeur le plombage qu’elle m’avait fait sauté. Je poussais un soupir en me concentrant sur ma respiration et non sur la douleur.

- C’était un putain de hasard …

Aoutch ...
It's hurt a little bit bro.

C’était une journée normal, du moins sur le papier. Mais force est de constater pour Haytham qu’à New York rien ne se passe jamais comme prévu. La fin de service n’avait donc plus lieu d’être ni la fermeture au moment même où un dératé, sentant l’hémoglobine à plein nez, s’était mis à tambouriner contre la porte arrière de l’établissement acquit récemment par l’une des progénitures du dieu de la guerre. Conscient qu’il pouvait s’agir d’une attache, Hay frôla du bout du doigt sa chevalière, l’un des rares présents émanant du père et qui l’avait sorti de bien des emmerdes. L’odeur du sang était de plus en plus forte et se mêlait à une senteur musquée familière aux narines du Marsien qui n’hésita pas à ouvrir. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir que de l’autre côté se tenait un Angel en bien piètre état.

— J’aurai été plus content de te voir débarqué en bon état. J’imagine que c’était trop demandé.  Passé outre les premiers reproches, Hay prit soin de vite refermer sur le passage de son demi-frère qui compressait non sans mal sa blessure. Par chance, le bougre tâchait de ne pas mettre du sang partout, ce qui éviterait à Haytham une deuxième session de nettoyage. Ce dernier récupéra un torchon propre dans la remise et s’approcha d’Angel pour mieux observer la blessure.

— Les arrivées traditionnelles ce n’est pas ton fort hein ? Laisse-moi voir ça de plus près.  Il prit quelques secondes malgré la douleur, pour observer en détail la blessure. Ce cher Angel n’avait pas fière allure et si Hay ne doutait point du fait qu’il allait s’en sortir, il n’avait pas prévu de tergiverser trop longtemps dans son observation.  — Tu as sûrement perdu pas mal de sang, ce qui m’amène à penser que c’est très certainement du bronze.  Il se saisit presque aussitôt d’une chaise pour le faire s’asseoir et s’éloigna récupérer quelques ustensiles et de quoi les désinfecter.

— Là tu as la preuve que fumer t’apporte des emmerdes ! Je serais toi j’y verrais un signe.  Redoubler de légèreté en de telles circonstances était salvateur, Hay le savait bien autant qu’il savait qu’il pouvait se le permettre avec Angel. Mais la légèreté s’éclipsa aussitôt qu’il fut question du B.E.M. Par réflexe, Hay mit de la distance et se précipita vers l’entrée pour observer discrètement la rue et ses alentours. Tout semblait calme de prime abord, mais cela n’enlevait rien à l’appréhension du Marsien qui prit soin de bien tout fermer avant de revenir sur ses pas.

 — Est-ce qu’ils t’ont vu ?  demandait-il avant que son frère ne laisse entendre que tout cela était dû au hasard. Hay poussa un léger soupire ; si tel était le cas, il ne pouvait lui en vouloir.  — Ça risque de piquer un peu…  Il lui tendit donc le torchon propre qu’il tenait avant de prendre la direction du bar et de récupérer de l’alcool fort. Puis il s’activa sans perdre de temps. La balle fut rapidement extraite, par chance le Marsien était plus adroit que par le passé. Il s’occupa du reste et fit au mieux pour soulager Angel. — Il y a de quoi dormir à l’étage. Je ne veux prendre aucun risque, surtout si quelqu’un t’a suivi. J’aurais quand même préféré des retrouvailles moins grandiloquentes, ceci dit. Bon, je vais te préparer un truc à bouffer, tu dois avoir la dalle. Les sutures sont provisoires donc fais attention. On fera mieux demain, j’ai ce qu’il faut dans mon carnet d’adresses. Tu n’en loupes pas une toi !

J’essayais de prendre la chose à la légère, mais je savais que quelque chose clochait avec ma blessure. Je restais et je fanfaronnais, mais cette histoire de descente dans une dépanneur ne me disait rien qui vaille. Je grognais à sa remarque concernant le fait que ça aurait été plus agréable de me voir arriver en un seul morceau. J’aurais aimé moi aussi. Je voulais juste mes clopes et un truc pour la petite. Je rigolais encore à la mention de mes arrivées traditionnelles en me rappelant notre rencontre. Qui aurait cru que Patato et Piñata deviendraient inséparables à ce point hein ?

- Je me doutais que tu allais que c’était probablement du bronze. Il faut absolument que tu me retires ce plomb du bide Hay !

Je grognais un peu, mais c’était la douleur et non une remarque contre mon frère. Il avait les compétences pour le faire et même si mes points de suture ne serait pas parfait, je m’en foutais complètement. Je m’installais sur la chaise docilement avant de retirer ma chemise en grimaçant. Elle était foutue et je l’aimais cette chemise moi ! Je le regardais sévèrement dans les yeux à la mention de mon addiction à la nicotine. Qu’il tente de me retirer mes clopes pour voir.

- Je serais entrer simplement pour acheter une petite surprise à ma princesse espiègle que j’aurais eu le même résultat. Tu sais parfaitement que je ne passerai pas de la nicotine. Tu veux me tuer ? C’est mon petit plaisir entre deux partie de jambes en l’air.

Je voyais Haytham s’éloigner pour aller vérifier autour. Non, les imbéciles du B.EM. ne m’avait pas choisi. Ils étaient des mauvais pisteurs pour la plupart. Il n’y avait que les vieux de la vieille qui savait comment nous suivre sur des centaines de kilomètres. Mon frère me mentionnait le fait que ça risquait de piquer un petit peu et je faisais une moue satisfaite. «No pain, no gain» comme on dit.

- Tu oublies que je suis entraîné pour disparaître, mais je tente toujours de rester méMOOO AH PUTAIN !

Et hop de l’alcool sur la blessure avant de me faire des soins. Je respirais rapidement en prenant sur moi au maximum. J’avais le front en sueur. Jamais une partie de plaisir de se faire retirer une balle. Je fixais le plafond en fermant les yeux et je prenais une grande inspiration pour diminuer mon rythme cardiaque qui s’emballait un peu trop rapidement.

- Super soirée garçon ! Manque plus que notre chambre comme avant et je me sentirai comme à quinze ans … Prend ton temps. Je ne compte pas aller bien loin dans les minutes à venir… voir le restant de la nuit. Tu connais un toubib maintenant ? Intéressant. J’espère que c’est une elle et qu’elle est bien roulée ça ferait un parfait antidouleur. Pas que je n’aime pas tes sutures provisoires my patato d’amour, mais la couleur ça a jamais été ton truc.

Je prenais une gorgée d’alcool de la bouteille à ma portée avant de me redresser comme il faut. Moi, qui voulait juste passer la soirée à fanfaronner en discutant de mon dernier voyage et tout ce qui allait avec. Il aurait bien rigoler en plus. J’étais vraiment le pire frère de la création, mais il ne pouvait pas dire que je ne mettais pas d’actions dans sa vie.

- C’était du bronze finalement ou pas ?

Aoutch ...
It's hurt a little bit bro.

L’être humain étant imparfait par définition, il était de ce fait impossible de ne point se trouver des défauts. Pour Angel ce n’était pas son manque de ponctualité ou son attitude un brin « m’en foutiste » que l’on pouvait mettre en avant, mais bien sa propension à s’attirer des ennuis ; qui à un tel niveau relevait presque du don voire de la malédiction. Tout n’étant qu’une question de point de vue. Pour l’heure, Haytham œuvrait à rafistoler son frère non sans le sermonner un tant soit peu. — Il faut, il faut… Je tiens juste à préciser que je ne suis pas médecin. Je vais faire au mieux.  La providence faisant bien les choses, le Marsien espérait avoir un peu plus de chance qu’à l’ordinaire. Dès lors, Angel se mit à grogner ; preuve que ce n’était pas une sinécure. Malgré tout, Hay tâchait de garder le contrôle comme durant chaque situation de crise. Il allait devoir recoudre, mais cela demeurerait du provisoire. Angel devra, par la suite, trouver quelqu’un de plus compétent pour parachever les soins.

Pour une fois, Castellanos se montra docile et prit place tout en retirant non sans mal, sa chemise fétiche. Hay, qui venait de se laver les mains, se permit une petite pique sur le tabagisme de son meilleur ami. « — Peut-être que la malchance t’a à la bonne alors. » Si la légèreté était de mise malgré la sordide situation, dès lors qu’il fut question du BEM, Cassidy se sentit en danger et ne put s’empêcher d’aller vérifier si son frère d’armes n’avait pas été suivi jusqu’ici. — Ne les sous-estime jamais , lâcha-t-il aussitôt en prenant soin de tout fermer sur son passage.  — Ce ne sont pas tous des billes malheureusement.  Il revint sur ses pas et reprit ce qu’il avait entrepris de faire, tout en se servant de l’alcool pour à nouveau se désinfecter les mains, puis la blessure d’Angel ; au grand dam de ce dernier qui ne put s’empêcher de jurer sous la douleur.

— Ah bah oui ça pique ! Maintenant, l’on sert les fesses et l’on prie papounet.  L’humour demeurait la meilleure des alternatives pour évacuer le stress de tout à chacun. Mais puisqu’il fallait se lancer, Haytham s’engagea en tâchant de garder la tête froide et la concentration à son paroxysme. Plus habile de ses mains que par le passé, il parvint à extraire rapidement la balle. — Voilà, maintenant je vais te recoudre ma petite pinata !   Il laissa retomber le projectile dans un verre vide puis se chargea du reste avant de proposer à son frère de rester dormir par pure précaution.

 — Notre chambre avec la pile de magasines porno sous ton lit ?  lança-t-il en débarrassant tout ce qui devait l’être. Il rejoignit sans attendre la cuisine, qu’il redémarra pour préparer un semblant de repas à son frère. Il en profita pour récupérer son portable et prévenir Tamara qu’il ne pourrait pas rentrer ce soir et qu’elle allait devoir faire sans lui avec le petit monstre. Le demi-dieu revint ensuite auprès de son frère, toujours enclin à la légèreté malgré la situation. — Ce n’est pas moi qui connais le toubib en question, mais celle qui t’as fait cracher plusieurs plombs. Et c’est pour te faire soigner hein, pas pour sortir ta nouille mon petit.  Il retourna en cuisine et prépara un basique steak frites ; en somme de quoi ragaillardir l’intrépide monsieur Castellanos. Il en profita pour en faire de même et se prépara une portion moins conséquente.

— Streak frites ça te va ?  lança-t-il de la cuisine, alors que de toute évidence, Angel avait d’autres préoccupations. — Regarde dans le verre, j’y ai déposé le projectile ! Cela dit, je ne suis pas sûr que ça soit du bronze.  Il lui laissa le soin de vérifier avant de revenir sur des pas, avec deux assiettes bien garnies. — Voilà pour toi. Voilà pour moi. Il prit place tout en éloignant la bouteille d’alcool pour ne pas être facilement tenté. — Bon alors à part te faire trouer, quoi de beau ? 

Je connaissais mon frère. Je savais qu’il était inquiet de savoir que je m’étais fait attaquer à un détour alors que j’achetais simplement des bonbons pour sa fille et un paquet de clopes. J’avais un don pour avoir des fissures comme une passoire. Ça ne s’apprenait pas. Je crois que c’était même mon nouveau don tiens : Me retrouver dans la merde à chaque fois et finir avec des sutures et des cicatrices. J’aurais tiré sur l’un d’eux que les choses auraient été différentes, mais non. Je faisais calmement ma vie et PAF je m’en prenais plein la gueule. Je devrais peut-être cesser de fumer ? Oh que non ! Je n’allais certainement pas me priver de se plaisir que j’avais.

- Je vais te faire serrer les fesses moi !

L’humour de mon frère était une chose que j’appréciais bien que je savais qu’il servait surtout à détendre l’atmosphère en ce moment. Je poussais un soupir et je serrais les dents à nouveau un grand calme alors que je regardais ma chemise favorite sur le sol. Putain, je l’aimais celle-là et il me faudrait des années pour en user une neuve. Je me focalisais sur des trucs bidons, je sais, mais ça me permettait de garder le cap pendant que mon frère jouait au docteur dans toute sa finesse. Je rigolais à la mention des magazines porno.

- Les bons vieux Playboy. Je les ai encore dans une boîte à la maison tu sais. Se sauver en douce pour venir bouffer des pizzas ici et piquer des clopes avec un magazine au vieux qui tenait le kiosque à journaux … Ça reste des bons souvenirs pour moi.

Je grognais à la mention de sa femme et de cette histoire de plombages qu’elle m’avait fait sauter. Je me contentais de prendre une autre gorgée d’alcool pour faire passer le tout avant de répliquer dans toute ma splendeur.

- Ouais bah elle a pas réussi à me changer en rat de laboratoire sinon je ne serais pas là en ce moment à faire mumuse avec des sutures. Si la doc est sexy et me fait du charme, je considère que c’est un excellent deux en un de me sortir la nouille. Ça rentre dans les antidouleurs les endorphines bro.

J’allais me prendre une claque derrière la tête. Je rigolais en restant dans ma position. Pas envie de bouger trop et de faire la fiesta. Je grimaçais un peu et mon pouvoir de régénération allait faire son travail tranquillement. Je faisais un signe de main approbatif à mon frère concernant le steak et les frites avant de prendre le verre pour regarder à l’intérieur. Je fronçais les sourcils en regardant le plomb. Trop de sang et j’osais pas toucher le truc pour le plaisir. Foutue cochonnerie. Faudrait le rincer. Je me retrouvais avec une assiette et j’allais prendre la bouteille d’alcool, mais mon frère éloignait mon breuvage favori. Je penchais la tête en le regardant dans les yeux.

- Beaucoup de plombs dans la gueule des ennemis. Pas mal de baises torrides et quelques gueules de bois. Tu sais à quel point j’adore aller en mission pour observer la faune féminine locale. Pourquoi me contenter de magazines porno quand je peux avoir une paire de nichon idem entre les mains ? Blague à part … J’ai ramené une petite robe pour la filleule et un bracelet pour Maisie … Je sais jamais si elle est devenue trop vieille pour ces conneries … Comment ça se passe de ton côté d'ailleurs ?

Sentimentale ? Un peu à ma façon. Ma famille restait ma famille. Je pensais toujours à ceux que j’aimais malgré tout. Ils me permettaient de tenir le coup quand je restais en cache durant des jours ou ce genre de chose. Je mangeais une bouchée de steak chaud et je soupirais de bonheur. Je devrais venir manger avec lui plus souvent , ça ferait changement de mes pâtes sauces marinara que je me faisais en restant seul à la maison.

Aoutch ...
It's hurt a little bit bro.

Malgré la situation plus que préoccupante, Haytham tâchait de ne rien laisser paraître de son inquiétude. Cependant (et de bonne guerre), il ne se privait pas de lancer quelques piques à celui qu’il considérait comme un frère à part entière ; un camarade pourvu de quelques défauts il est vrai, mais avec tout autant de qualités difficiles à célébrer pour l’heure.

— Laisse-moi te rappeler que tu n’es pas en position de force. Alors si quelqu’un doit serrer les fesses pour l’instant, c’est bien toi. Il n’y avait là aucune animosité malgré la rudesse des propos. Haytham était affairé à jouer les infirmières et prenait son rôle à cœur. Il voulait surtout s’éviter la gestion d’un geyser de sang et plus encore l’aggravation d’une blessure qui, dans l’état, était soignable même pour un non-initié à la médecine, si ce n’est celle de guerre. Ainsi, l’un des fils de Mars mobilisa toute sa concentration tandis que l’autre se focalisait sur des détails pour tenir le coup ; des détails qui devinrent la plus parfaite des excuses pour lancer une conversation un brin passéiste de par la nostalgie qu’elle représentait et pour l’un et pour l’autre.

— Ah parce que maintenant tu les planques dans une boite ? Tu comptes en faire des reliques ? Il esquissa un léger sourire avant de reprendre l’utile séance de torture. — Il y a du playboy, mais il me semble que tu avais une autre collection en fin connaisseur que tu étais. Et ces magazines, du moins leurs pages collaient assez facilement si tu vois ce que je veux dire vil garnement. Il posa un regard furtif sur la bouteille à portée de main et se reconcentra presque aussitôt sur Angel qui continuait à alimenter leur commune nostalgie.

— Tu sais, quand j’ai vu l’établissement à l’abandon, je me suis dis que c’était une évidence. Je ne pouvais me résoudre à laisser cet endroit se perdre dans les méandres de la ville ou devenir je ne sais quel magasin de merde pour les bobos. J’espère que mes pizzas sont aussi bonnes, hein ? Tout comme j’espère que l’on continuera, malgré notre âge avancé, à se faire de bons souvenirs.

Hay évoqua ensuite Tamara et cette légendaire histoire de plombage qui fit presque aussitôt grogner la victime toute désignée de cette mésaventure. — J’ignorais que de sortir sa nouille était à ranger dans la case des antidouleurs. Tu m’auras appris quelque chose, on dirait. Ceci dit, fais attention de ne pas trop la sortir, tu risquerais de prendre froid. Tout en finesse comme toujours, le médecin d’un jour s’éclipsa en cuisine pour préparer un repas digne de ce nom à son meilleur ami qui, quant à lui, savourait la bouteille mise à disposition ; une bouteille qu’Haytham préféra éloigner à son retour en salle, au grand dam d’Angel. Les deux frères se retrouvèrent donc « tranquillement » attablés à déguster un steak-frites alors que la nuit gagnait en intensité dans les rues de New York.

— Pourquoi je pose la question alors que je suis à peu près sûr qu’il sera question de nichons et de baises torrides. Tu vas finir par être prévisible Castellanos même pour la faune féminine. Est-ce qu’un jour le grand explorateur va se décider à cesser d’observer les femmes comme du gibier ? Telle est la question. Quant à ta plus petite filleule, je crois qu’elle est dans sa phase détestation de robes. Elle veut tout faire comme sa mère et je crois que cette dernière a réussi à lui léguer sa haine des attributs vestimentaires féminins. Mais je ne désespère pas. Quant à Maisie, je crois que ça lui fera plaisir d’avoir un joli petit bracelet de son tonton. Il ne manquerait plus que ça soit un truc à croquer et là c’est jackpot. Avec un peu de chance, elle régressera assez pour ne pas me faire penser que j’approche lentement mais surement de la cinquantaine. Il est vrai qu’avec quarante-sept printemps au compteur, le demi-siècle ne lui avait jamais semblait aussi près.

— Je suis content de bosser ici, d’avoir créer ma propre affaire. Ça change des champs de bataille et pas sûr que de là où il est, le vieux cautionne, mais je m’en fous. J’ai envie d’essayer d’avoir un semblant de vie normale, même si j’aimerais que Maisie quitte cette organisation de merde. Elle veut bien faire, mais prend trop de risques. J’aimerais aussi que le camp ne me considère plus comme un traitre. Chiron tente de faire ce qu’il peut pour amoindrir les tensions, mais certains ont la dent dure. Tu les connais fiers comme des paons. Et toi, tu as eu l’occasion d’aller sur place récemment ?