Destroy the root of the myth. {FB} | ft. Tamara et Licinia

immobile depuis notre départ, je détachais finalement mon regard du petit hublot pour la première fois. Sous nos pieds, la Méditerranée déployait son tapis d'émeraude alors que nous survolions ses côtes en direction de l'Italie. Je ne comptais plus les missions auxquelles j'avais participé depuis mon entrée au B.E.M mais celle-ci était la première que j'avais à remplir en-dehors du sol Américain. C'est dans des instants comme celui-ci que je mesurais pleinement l'importance de notre cause, et l'impact non pas national mais mondial de celle-ci. Le mal était partout, même dans les recoins les plus retranchés du globe et notre devoir était de le détruire avant qu'il ne prenne racine et ne se développe plus encore. Aucune once d'appréhension sur ce visage fermé que j'arborais jusqu'à présent : je savais ce que j'avais à faire et les objectifs étaient on ne peut plus clairs. Faire table rase.
N'étant pas connue pour être particulièrement loquace, excepté lorsque j'avais quelques commentaires à faire, je gardais le silence en vérifiant mon arme une dernière fois. J'en sortais une balle aux reflets dorés, nouvel alliage récemment découvert par nos collègues de la section recherche, et je l'approchais de mon visage pour l'étudier plus en détail. Ils avaient appelé ça le Bronze céleste, fruit de nombreuses années d'expérimentations diverses et variées. Apparemment, cette petite merveille ferait des ravages chez nos ennemis qui y seraient particulièrement sensibles. C'était en tout cas comme ça qu'on nous les avait vendu pour se faire mousser. Pourquoi pas...tant que ça faisait le job, j'étais prête à tirer avec tout ce qu'ils voudront bien nous donner. Seul le résultat m'importait. Je vérifiais ainsi méticuleusement chaque élément de mon équipement, dans un ordre bien précis qui pouvait au premier abord, sembler bien trop excessif. Cette tendance à la maniaquerie passagère m'avait toujours accompagnée, aussi loin que je m'en souvienne...et si parfois elle suscitait des remarques sarcastiques, je n'avais pourtant jamais changé cette habitude d'avoir chaque chose à sa place. Que ce soit sur le terrain ou dans la vie de tous les jours, il était primordial d'avoir le contrôle sur le moindre détail pour ne plus avoir à s'en soucier et ainsi être en pleine possession de ses moyens, physiques bien-sûr et pour le coup, matériels également.

Puis je fis la même chose pour Shawn, bien qu'en tant qu'agent de communication, son rôle durant cette mission serait tout autre. Une manie qu'il ne commenta pas, maintenant trop habitué à tout ça, que ce soit au sein du B.E.M ou dans l'appartement dans lequel nous venions d'emménager tous les deux. Je crois qu'au fond ça l'amusait, si l'on en croit le petit sourire en coin qu'il affichait encore lorsque je lui rendit ses effets, réglés au millimètre près. Je pris place à côté de lui, m'asseyant sur l'un des deux bancs d'acier à l'arrière de l'avion de largage et je lissais inutilement les plis de mon uniforme avant de mettre ma main dans la sienne pour patienter.
Finalement, je posais mon regard clair sur la femme qui était face à moi. Ma partenaire semble-t-il, de plusieurs années ma cadette. Je la détaillais encore quelques instants avant de briser le silence, plus pour obtenir les réponses à mes questions que pour lui faire la conversation :❝Agent Lond, c'est bien ça ?❞ demandais-je par politesse, sachant pertinemment que j'avais raison. C'était d'ailleurs bien souvent le cas, sans vouloir me vanter. Et ceux qui l'ignoraient encore, s'en rendraient bien vite compte...

Cela faisait maintenant quelques années que j’étais agent de terrain au B.E.M, recrutée alors que j’étais sniper d’élite dans l’armée. Je devais dire que j’avais ensuite gravi les échelons rapidement, faisant mes preuves, et ce travail me plaisait. La seule chose qui me mettait un peu de mauvaise humeur, c’était de devoir collaborer avec des collègues. J’étais de nature assez peu sociable. Avoir un agent de liaison, pas de problème, j’en comprenais sans nul doute l’utilité et l’importance. Mais un binôme sur le terrain… ça, je détestais. Devoir se soucier de quelqu’un d’autre et lui sauver le cul en cas de pépin, non merci. Je préférais ne compter que sur moi, et ne pouvoir m’en prendre qu’à moi-même en cas d’échec. Et les échecs étaient peu nombreux sur ma liste.

Cette fois, on nous envoyait en Europe. J’avais déjà énormément voyagé de par mon ancien boulot, mais avec le B.E.M c’était la première fois. Il fallait dire qu’il y avait déjà pas mal de taf à abattre rien qu’aux Etats-Unis d’Amérique… Je ne comprenais pas pourquoi une cellule européenne n’était pas tout simplement en charge de ces immondices que nous allions nous faire un plaisir de décalquer, mais je me disais que quelque part, tant mieux pour nous. Peut-être aussi que nous aurions des renforts sur place, je n’en savais rien, je m’étais juste concentrée sur la race de ces sous-merdes et leurs capacités, histoire d’être préparée. Des stryges. C’était la première fois que j’allais en voir, et ces saloperies avaient l’air d’être extrêmement dangereuse, ne serait-ce que par leur cri paralysant, leurs ignobles griffes et leur force.

Assise contre le bord latéral de la carlingue de l’avion duquel nous serions bientôt parachutés, je vérifiai une dernière fois mon sac. Mes armes fétiches étaient bien là, chargées à bloc, avec plusieurs chargeurs de secours dont certains déjà accrochés sur moi. Je me munis également de nos protections d’oreilles pour être épargnée par les cris de ces sales bestioles. J’avais eu froid dans le dos en lisant que ces affreuses créatures volaient des enfants pour les dévorer. Des bébés, même ! Nom de dieu, il fallait qu’on les bute. Je sortis de ma check-list mentale en entendant mon nom. Je relevai la tête et vis l’agent Caldwell.

- Agent Caldwell, répondis-je après avoir hoché la tête.

Cette femme était un peu plus âgée que moi, et sans doute l’une des rares agentes de qui je pouvais dire qu’elle m’égalais. Franchement, son style était plutôt cool, loin des gros abrutis bourrés de testostérone qui nous accompagnaient et qui se la racontaient déjà avant même que nous ayons posé le pied sur terre.

- Le prenez pas perso, mais j’ai pas trop l’habitude d’être en binôme sur le terrain, soufflai-je en insérant un chargeur dans mon arme de poing.

On nous annonça enfin la descente, il fallait se tenir prêts à sauter.

- Elles vont jamais nous voir venir, lançai-je en esquissant un sourire.

En moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, il était temps de sauter. Nous étions tous pourvus d’un parachute. Mon tour arriva. Lunettes de protection, mais pas pour la Brume, ça, je n’en avais pas besoin. La descente fut rapide mais pas assez à mon goût. Le soleil brillait. Je jetai un œil derrière moi. Caldwell venait d’atterrir à son tour. Tout un chacun abandonna son parachute, se saisit de son arme et nous pûmes nous diriger à pas de loup en direction des habitations de ces monstruosités. Oreillette enclenchée, nous étions tous à l’écoute de nos agents de liaisons.

Je continuais de détailler la coéquipière que l'on m'avait imposée. Je n'en étais pas mécontente, j'avais assez fait de recherches sur elle en amont pour savoir que c'était quelqu'un de compétent et d'investi. Mais je n'éprouvais rien de particulier la concernant : j'appliquais les ordres, rien de plus. Au moins n'avais-je pas d'avis négatif ou d'aprioris...ce qui était relativement une bonne chose pour elle, car cela signifiait qu'il lui était encore possible de trouver grâce à mes yeux et de faire ses preuves. Une occasion qu'il serait regrettable de laisser passer. Peu de gens pouvaient se vanter d'avoir un peu de mon estime, mais une fois ce privilège acquis, ils pouvaient être sûr que ce soit sans limite de durée.
Je haussais un sourcil alors qu'elle m'avouait n'avoir que très peu œuvré avec un partenaire.❝Rassurez-vous agent Lond, vous n'aurez pas à prendre cette habitude.❞ répondis-je d'un ton neutre, nullement offensée, en sous-entendant qu'au contraire, elle ne devait pas s'imaginer renouveler l'expérience trop souvent avec moi, sauf ordre contraire de la hiérarchie.❝Si nous sommes en binôme aujourd'hui, c'est pour parer à leur supériorité numérique éventuelle. Vous savez, je suis parfaitement capable de me prendre en charge moi-même et de couvrir mes arrières, si c'est ce qui vous inquiète...❞ lançais-je mine de rien, petite pique dont j'avais le secret et qui remettait généralement les choses à leur juste place. D'une nature assez indépendante et autoritaire, j'acceptais de toute façon assez mal d'être assistée, maternée ou toute autre chose qu'il pouvait s'en rapprocher de près ou de loin. Non pas que je ne sache pas travailler en équipe : lorsque que tout le monde savait ce qu'il avait à faire, tout se passait bien. Et je savais que Lond serait de ceux-là. Du moins, je l'espérais. Au B.E.M, ceux qui sortaient négativement du lot étaient rares, et c'était ce qui faisait notre force.

On nous informa de la descente imminente et j'imitais ma collègue et me levais pour me préparer à sauter. Je vérifiais le parachute de Shawn au cas-où il aurait à sauter lui aussi -car je n'avais pas oublié que les créatures pouvaient également investir le ciel- avant de réitérer l'opération pour mon propre matériel. Puis, pour la première fois, j'accordais l'ombre d'un sourire à Lond :❝Je ne suis pas certaine qu'elles seront en mesure de nous voir repartir non plus.❞ répondis-je, déjà certaine de notre succès à venir. Il ne pouvait en être autrement de toute façon, je n'avais encore jamais failli à une mission. Et je ne comptais pas commencer aujourd'hui.
Nous sautâmes de l'appareil, l'une après l'autre, avec nos agents de communication dans nos oreillettes respectives. Comme toujours, la voix de Shawn parvenait à calmer mes tentions, et je me sentais sereine en le sachant à mes côtés pour m'épauler. Je me débarrassais rapidement du harnais, sous le soleil écrasant qui frappait la petite île infestée de ces nuisibles. Un splendide point de chute, où il aurait été agréable de passer un peu de temps, s'il n'y avait pas eu ces colonisatrices indésirables. Arme en main, nous progressions lentement, silhouettes courbées dans les taillis pour éviter de trahir notre position. Je m'arrêtais quelques pas plus loin, posant délicatement la main sur l'avant-bras de Lond pour qu'elle fasse de même. J'étudiais notre plan d'action en silence durant une fraction de seconde et m'adressais à mon fiancé dans l'oreillette :❝Shawn, à combien évaluez-vous leur nombre là-haut ?❞ chuchotais-je, avant toute chose, pour que nous soyons en mesure de décider de la marche à suivre et d'éviter tout risque inutile.❝Elles chercheront sans doute à nous avoir par les airs. Donc, nous devrions plutôt contourner la partie sud de l'île, afin de bénéficier du couvert de la végétation, ce qui rendra notre position moins évidente à repérer. Je ne veux pas leur faciliter la tâche...❞ proposais-je en tentant d'analyser succinctement la situation. Je tournais la tête vers ma partenaire :❝Qu'en pensez-vous ?❞ murmurais-je. Par principe, plus qu'autre chose.

Je m'étais réveillée tôt, en général, après une nuit de chasse, nous dormions tout le jour. Mais cette fois, j'avais ouvert les yeux alors que le soleil brillait encore. M'extirpant avec douceur des ailes de ma mère qui couvraient les miennes, j'avais pris soin de ne réveiller aucune de mes soeurs et cousines tandis que je sortais de la grotte. J'aimais la chaleur du soleil dont les rayons caressaient ma peau, et j'inspirai avec un grand sourire, laissant à mes yeux le temps de s'habituer à la clarté. Je marchais tranquillement, mes pieds nus foulant l'herbe verte jusqu'au petit point d'eau tout proche. Le reflet de mon apparence dedans me laissa voir que j'avais encore des traces de sang sur le visage, aussi me baissai-je pour recueillir un peu de liquide translucide pour me débarbouiller. Je n'aimais pas être sale. Puis, je décidai de marcher un peu, et après une bonne heure, je voulus grimper dans un arbre, aidée de mes griffes et de mon agilité. J'adorais me percher en hauter et observer la nature. Je me laissais ainsi bercer par la douce brise et les bruits environnants des animaux qui vivaient en harmonie avec nous, quand quelque chose attira mon attention. Un bruit dans les airs que je n'avais jamais entendu. Mon regard attentif scruta le ciel et observa une légère fumée en ligne droite, que mes iris suivirent avant de tomber sur un drôle d'oiseau au loin dont s'échappaient plusieurs autres bestioles. Intriguée, je fronçai les sourcils. Quel genre d'animal cela pouvait-il être ? Je décidai de bondir de mon arbre pour essayer d'en savoir plus en partant à la recherche de ce qu'avait laissé tomber le drôle d'oiseau.

Je courus autant que possible mais il était difficile, en coupant par la végétation, de savoir exactement où étaient tombés les petits animaux. J'arrivai finalement sur la plage de l'aitre côté de l'île et trouvai alors d'immenses toiles de tissu laissées à l'abandon. J'étais quasiment sure que cette plage était immaculée la veille encore... Que se passait-il ?

Et soudain, des bruits sourds se firent entendre, qui me firent sursauter. Aussitôt, le coeur serré, je tournais la tête en direction de l'autre côté de l'île où se trouvait ma horde. Cela ne m'inspirait pas confiance du tout, j'avais un très mauvais pressentiment, même si j'ignorais totalement ce que pouvaient signigier ces bruits. Je me mis alors à courir en sens inverse, aussi vite que possible. Le chemin était long, mais j'avançai à vive allure, du moinsm plus qu'à l'aller. Ce qui augmentait mon angoisse, c'était que plus j'approchais et plus les bruits se faisaient forts. J'entendis aussi hurler les membres de ma horde, elles utilisaient le cri perçant dont nous étions dotées pour paralyser non ennemis. Cela confirmait hélas mes soupçons, ce n'était pas bon du tout. J'accélérai autant que possible le pas avant d'arriver finalement sur notre clairière où je constatai avec horreur les corps sans vie de plusieurs des stryges de ma horde, des stryges que je connaissais bien et que j'aimais. Une vague de colère m'envahit et je n'eus alors plus qu'une idée en têtem retrouver ma mère et mes soeurs. Un humain qui avait en main l'objet bruyant qui semblait fatal pour nous me faisait dos et ne m'avais pas entendu, je l'attrapai alors avec force pour lui faire lâcher son arme avant de le frapper toutes griffes dehors et de finalement arracher ce qui lui servait de protection. Là, je hurlai de mon cri perçantm ce qui le glaça sur le coup, avant de le frapper violemment au visage et de finalement faire rencontrer avec force son crâne et une roche au sol. Il était mort, mais il n'était pas seul. Mes consoeurs couraient et volaientm tâchant de s'enfuir, et moi, je ne voyais pas ma mère ni mes soeurs. Les larmes innondaient mes joues alors que j'avançais au milieu des cadavres de mes amies.

Javais souri à la réflexion de Caldwell. Visiblement, on se ressemblait plus qu'il n'y paraissait. Fin prête, je pus sauter en parachute avec le reste de l'équipe. Un vingtaine d'agents triés sur le volet. Je savais pertinamment que malgré nos armes, malgré le casque de protection pour parer aux cris paralysants de ces saloperies, le B.E.M perdrait des agents. Mais pas moi, j'étais bien décidée à continuer ma carrière le plus longtemps possible pour débarasser la Terre de ces nuisibles mythologiques.

La réponse de Calwell me fit sourire, nous étions aujourd'hui sur la même longueur d'onde. Cette femme était sans doute le moins pire binôme que le B.E.M ait pu me donner et j'étais pour le moment plutôt optimiste, bien que je ne sois pas du genre à mettre la charrue avant les boeufs. Le travail serait sans doute colossal.

La descente fut assez rapide et enfin la terre ferme sous nos pieds, ma partenaire me proposa de contourner par le sud. Je hochai la tête avant de faire signe aux autres gars qui, visiblement, s'en cognaient de faire dans la subtilité. Je soupirai en roulant des yeux. Parfois, mes collègues me semblaient aussi débile et inutiles que les créatures que nous chassions. Je m'engouffrai rapidement avec Caldwell dans la direction qu'elle avait voulu prendre. Pour le coup, je me fichais bien du chemin à emprunter tant qu'on pouvait atteindre notre but. Notre progression ne fut pas bien longue et enfin, le point de rendez-vous fut atteint. J'attendis que tous les gars soient en place avant de faire signe de foncer.

Il y avait comme plusieurs grottes creusées dans la roche et c'était visiblement là que ces saloperies pionçaient. Mais l'analyse du terrain par nos scientifiques avaient montré qu'il n'y avait aucun tunnel. En d'autres termes, une seule entrée, une seule sortie.

- On a juste à attendent qu'elles sortent pour les tirer comme des lapins !

A ces mots, je tirai quelques balles sur le haut de l'une des ouvertures histoire de les réveiller un peu. Puism je dégoupillai une grenade, comptai jusqu'à quatre avant de l'envoyer avec dextérité dans une autre ouverture. La détonation avait dû en blesser plus d'une. En tout cas, ça y étaient, ces monstruosités commençaient à sortir en courant, totalement désorientées. Je me mis aussitôt à tirer, en faisant tomber une, puis deux, puis quatre... C'était presque trop facile. Elles voulaient hurler mais n'avaient pas prévu nos casques atténuant les sons extérieurs. Nous étions bien préparés grâce à notre section de recherche scientifique. Seulement à un moment, elles se mirent à sortir en gros groupe de plusieurs grottes avant de se jeter sur quelques uns de nos coéquipiers. C'est qu'elles comprenaient vite, ces garces. Moi, je les voyais sans lunettes, et je devais reconnaître que c'était terrifiant de voir leurs dents et leurs griffes transpercer les chairs, leurs ailes se déployer pour emporter avec elles leurs victimes. Je tirai dans l'aile de l'une d'elle qui avait embarqué un agent de terrain, ce qui lui permit de lui flanquer un coup de crosse dans la mâchoire avant de la flinguer quand elle fut assez près du sol pour éviter qu'il ne s'éclate comme un oeuf.

Je jetai un oeil à ma coéquipière avant de constater qu'une stryge aux mains pleines de sang s'approchait.

- Caldwell ! hurlai-je dans mon micro pour la prévenir avant de tirer dans la tête de la monstruosité.
Nous avions déjà perdu trois hommes et il était hors de question qu'une personne en bimôme avec moi se fasse descendre.

Ma coéquipière eut l'air d'approuver mon plan et ma façon de faire. En tous les cas, elle ne laissa rien transparaître d'autre, alors que nous attendions, tapies dans l'ombre des feuillages environnants. On identifia un certain nombre de ces créatures, certaines aux abords de la paroi rocheuse de la crique...mais le plus gros de la horde semblait toujours endormie et recluse dans la grotte dont on devinait l'entrée depuis notre point de ralliement. Une très bonne chose, comme le souligna Lond, car il ne nous suffisait effectivement que sur l'entrée et les nuisibles n'auraient alors aucune chance. Aucune fuite possible, aucun repli. Tous réunis dans une mort rapide et soudaine. Une affaire qui serait rondement menée, nous épargnant de longues manœuvres stratégiques. J'esquissais un faible sourire à la remarque de Lond et posa le regard sur la grenade qu'elle s'apprêtait à dégoupiller. ❝A vous l'honneur. Leur grasse matinée a déjà assez duré.❞ déclarais-je en me mettant en position, anticipant la riposte à venir. Ma partenaire lança son projectile, visant vite et bien pile dans l'une des ouvertures de leurs abris.❝Faites de beaux rêves...❞ murmurais-je à l'intention de celles qui ne se réveilleraient plus jamais.

Elles commencèrent à sortir les une après les autres, curiosité malvenue de savoir qui étaient en train de s'en prendre à elle. Une erreur supplémentaire qui leur coûta quelques pertes supplémentaires. Lunettes révélatrices bloquées sur le haut de mon nez, je tirais à plusieurs reprises, laissant des corps sans vie derrière moi à chaque détonation. L'utile et l'agréable, mélange une fois encore au rendez-vous alors que nous nous appliquions à réduire leurs effectifs. L'une d'entre elle avait commencé à embarquer l'un de nos agents, mais elle fut vite stoppée par Lond. Le ciel était d'un bleu limpide et clair, ce qui facilitait grandement nos tirs car nous distinguions aisément leurs silhouettes sombres qui fondaient parfois sur les nôtres. Anges déchus qui s'écrasaient inexorablement au sol.
Je m'étais avancée pour bénéficier d'un meilleur angle de tir. Genou à terre, j'affûtais ma visée quand j'entendis ma binôme hurler mon nom. Par réflexe je me baissais, juste à temps pour éviter sa poigne déjà meurtrière. Une fraction de seconde plus tard, Lond tira et mon assaillant s'écroula, le crâne ensanglanté.
❝A charge de revanche, Lond !❞ criais-je dans sa direction, en guise de remerciement avec un signe de reconnaissance. J'enjambais le cadavre et repérais alors une stryge esseulée¹. Elle venait de littéralement dépecer l'un de nos hommes et errait maintenant sur le champ de bataille, les larmes inondant son visage infâme et contre-nature. Celle-ci était pour moi, que personne ne se mette en travers de mon chemin !
Ni une ni deux, je me jetais sur elle, l'attaquant par-derrière avec toute l'immoralité dont j'étais capable. Elle ne méritait pas que l'on soit juste, ni même que l'on fasse preuve d'intégrité envers elle. Tous les coups étaient permis, et je m'octroyais d'avance tous les droits pour la faire souffrir le plus possible. Sans retenir mes coups, je lui assénais un coup de crosse sur la tempe, destiné à l'assommer avant de la gratifier d'une nouvelle prise qui l'atteignit dans les flancs.❝Tu as raison de pleurer. Maintenant que je m'occupe de toi, voici une bonne raison de le faire.❞ rallais-je à ses oreilles d'une voix doucereuse. La manœuvre suivante nous fit chuter au sol et je roulais sur le dos. Je me repris bien vite, forte de toutes ces années passées dans l'armée et profitant de ma faible corpulence, et basculais sur elle avant de placer mes mains sur sa gorge afin que ce démon n'ait plus jamais l'occasion d'émettre le moindre son. Et mieux encore, de respirer. Je me méfiais cependant, car je savais que bon nombre de ces créatures étaient pourvues de dons prodigieux et il n'était pas rare que certaines d'entre elles soient dotées d'une force surhumaine ou d'autres facultés toutes aussi contre-nature les unes que les autres. Peut-être était-ce le cas pour cette pauvre chouineuse sur laquelle j'étais présentement à califourchon. Je resserrais légèrement ma prise...

¹ : il s'agit de Licinia Alis.

Ce qui se passait dans cette plaine dont j'avais si souvent foulé l'herbe verte désormais rougie par le sang des miennes était tout simplement infâme. J'étais abasourdie par la violence à laquelle j'étais confrontée, c'était la première fois que je voyais autant de Mortels et qui en plus nous attaquaient, et étaient de taille à le faire. J'avais peur, j'étais désorientée par la douleur de voir mes anmies mortes ou sur le point de l'être, je dus me boucher les oreilles en voyant une projectile sortant d'une chose que tenait l'un des Mortels et qui transperça l'une de mes proches. Je hurlai de douleur avant d'être soudain poussée de dos, ce qui me projeta en avant. Au moment où je voulus me retourner, une vive douleur me prit à la tempe, me faisant grimacer et plisser les paupières. Je retroussai mes lèvres laissant apparaître mes dents, prête à mordre quand soudain, une Mortelle se jeta sur moi, nous faisant tomber toutes deux au sol. Elle me frappait et me faisais mal, je devais répliquer malgré cette douleur que je n'avais jamais ressentie. Je n'avais que dix-sept révolutions terrestre autour de l'astre solaire, et jamais l'on ne m'avait frappée et autant malmenée. Les seules fois où j'avais été confrontée à la mort des nôtres, c'était quand une vieille stryge mourait. Sinon, la mort des Mortels, c'était quand nous chassions, mais ce n'était que du gibier, de la nourriture. N'étaient-ils pas simplement en vie pour nous offrir des nourrissons à dévorer et nous aider à nous reproduire ? C'était bien là leur seule utilité, ils ne pouvaient avoir réellement d'âme, de sentiment ou la moindre importance, leur vie ne comptait pas... Et pourtant, aujourd'hui, nous nous faisions décimer.

J'entrepris de me défendre en hurlant et envoyant mes ailes devant moi, essayant ainsi de la faire valser, mais ma tentative dut infructueuse. Je me débattai du mieux que je le pouvais, remuant dans tous les sens, envoyant mes griffes vers mon assaillante qui me proférait des paroles dans une langue barbare que je ne comprenais pas. Je feulai tel un chat aussi fort que possible avant de hurler à nouveau, espérant la paralyser, mais je compris que ce qu'elle portait sur la tête, tout comme celui que j'avais tuer juste avant qu'elle ne m'attaque, la protégeait. Je me sentis soudain suffoquer. En effet, ses petites mains sans griffes enserraient ma gorge, me faisant manquer d'air. Comment des mains si inoffensives d'apparence pouvaient avoir une telle force ? Alors que j'allais presque perdre connaissance, soudain je sentis l'air s'engouffrer dans mes poumons. Mon esprit refit surface et je vis ma mère qui venait de pousser la vilaine Mortelle. Mais mon soulagement fut de courte durée puisqu'un projectile traversa sa tête. J'avais à peine eu le temps d'échanger un regard avec elle et dire "maman" en italien qu'elle s'écroula, décédée. Je poussai alors un cri de rage et de douleur que jamais je n'avais poussé, fonçant sur l'autre Mortelle qui venait d'assassiner l'être le plus important de ma vie. J'étais folle de rage et je crois qu'en cet instant, je faisais fi du danger que ces Mortels représentaient. Je compris qu'elle n'avait plus de projectiles dans l'onjet meurtrier qu'elle tenait car quand je fonçai sur elle, elle avait essayé de m'en envoyer un aussi. Je l'avais chargée tel un buffle, ne laissant que ma colère parler en actionnant mes membres.

CCes bestioles étaient fourbes au possible, mais nous étions bien équipés et tout-à-fait en mesure de riposter et les dézinguer. Le B.E.M avait mis sur le coup ses agents de terrain les meilleurs qui soient, et même si certains de mes collègues ne brillaient pas par leur intelligence, au moins ils visaient bien, ce qui m'assurait de ne pas risquer de me prendre une balle perdue. Et je faisais équipe avec une pointure tout comme moi, ce qui me permit d'un peu moins râler sur le simple fait d'être en binôme.

Nous avions encerclé les entrées de leurs grottes et envoyé des grenades pour les faire sortir, et par la même occasion commencer à en descendre. Le coup ne manqua pas, les bestioles sortirent, au début désorientées, elles ne semblaient pas comprendre ce qui leur arrivait, puis soudain, reprirent leurs esprits pour nous attaquer. Elles essayaient de crier mais nos casques avaient été conçus pour y résister. La bataille s'engageait durement mais chacun de nous tenait bon. J'eus l'occasion de venir en aide à Caldwell qui n'avait pu voir une des stryges tenter de l'attaquer par derrière, avant de me concentrer à nouveau sur les autres qui venaient vers moi. Je ne manquai pas à ma réputation d'oeil de lynx. Treize ans en tant que sniper, ce n'était pas rien. Le temps me semblait défiler à des allures différentes, tantôt trop vite, tantôt trop lentement. L'adrénaline pulsait. Je remarquai tout de même que nous perdions quelques effectifs, mais nous parvenions à faire davantage de dégats chez l'ennemi. De temps en temps, je jetai un oeil à ma binome qui était une véritable artiste. Je la vis soudain se jeter sur une jeune stryge qui semblait paumée. Je m'occupai alors d'une autre qui avait tenté de me griffer. Je lui tirai alors en plein thorax après avoir esquivé son coup en une manoeuvre assez jolie ce qui me fit esquisser un sourire. Je voulus voir où en était ma collègue après avoir remarqué qu'un autre agent était tombé, quand soudain, je la vis se faire attaquer alors qu'elle était toujours en train de gérer la plus jeune des deux stryge. Ni une ni deux, je tirai dans la tête de cette anomalie. Ce fut là que la jeunem qui n'était décidément toujours pas morte, se jeta sur moi, car malheureusement mon précieux Smith & Wesson venait de faire entendre le caractéristique "clic" à la pression de la détente qui indiquait un chargeur vide.

- Merde... eu-je à peine le temps de lâcher.

En effet, me voilà à présent aux prises avec cette jeune saloperie aux dents ignoblement pointues. Ce qui me rassurait, c'était qu'elles étaient pratiquement toutes mortes maintenant, tôt ou tard, quelqu'un viendrait à mon aide si je ne parvenais pas à lui faire une clé.

Elle s'était bien défendue, la créature, et j'avais encaissé quelques coups malgré moi. Rien qui ne me vaille de futures blessures de guerre, je pouvais déjà l'affirmer bien que je ne sois pourvue d'aucune compétence en médecine. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire comme on dit. Je tentais de faire fit des lacérations qu'elle parvenait désespérément à m'assener avec ses monstrueuses mains dotées de griffes, taillades régulières sur ma peau. La chose semblait pourvue d'une force au-delà de la normale mais c'était sans compter sur ma volonté de fer de la voir tomber la première. J'en avais vu d'autres, et je ne me laissais pas distraire par la douleur bien qu'elle se révéla de plus en plus vive au fur et à mesure de ses tentatives pour se dérober de mon emprise. Ce qui me permit d'ailleurs d'éviter les ailes imposantes qu'elle avait laissé fondre sur moi dans le but de me faucher. Sale bestiole. Assise à califourchon sur elle, je pressais mes mains autour de sa gorge frêle, sentant l'adrénaline me parcourir comme un délicieux frisson. J'avais l'ascendant sur elle, un constat qui me procurait une agréable sensation de pouvoir et d'arrogance un temps soit peu malsaine. J'esquissais un sourire carnassier : il me fallait plus. Je devais la tuer. Mais avant toute autre chose, je voulais la faire souffrir. La voir souffrir. L'entendre souffrir. Sentir ses spasmes sous mes paumes meurtrières et la voir s'éteindre sans que rien ne puisse plus la retenir. Là était mon intention, et je sentais déjà les tressaillements de l'excitation en la voyant suffoquer.

C'était dans des moments comme celui-là que les valeurs du BEM prenaient tout leur sens, et me permettait de me rappeler pourquoi je les avais rejoins. J'allais la détruire, sans remord, sans état-d 'âme. Elle le méritait. Ils le méritaient tous. Et j'allais m'exécuter avec le plus grand des plaisirs. Mais soudain, je fus projetée sur le côté, laissant échapper un cri de douleur et de surprise. Le souffle coupé, j'atterris quelques mètres plus loin, éjectée de ma position par une stryge plus âgée venue défendre sa consœur et la délivrer de l'asphyxie. Le souffle coupé par la violence de l'impact, je m'accordais quelques secondes pour reprendre contenance. Puis, je me relevais en appuyant sur mes côtes meurtries et vis le cadavre de mon assaillante gisant au sol, le crâne perforé d'une balle qui lui fut sans appel. Juste retour des choses.
La plus jeune, quant à elle, s'était déjà remise et fonçait à présent sur...❝Lond !❞ criais-je inutilement, en dégainant mon arme dans sa direction. Genou à terre, je visais la nuisible et tirai sans retenir mon coup. La balle l'atteignit ¹ dans le dos, transperçant l'une de ses ailes pour s'y loger définitivement. Profitant des quelques secondes de battement qu'avait permis la manœuvre, je me précipitais aux côtés de mon équipière et fit glisser mon arme au sol pour qu'elle puisse la récupérer. J'étais, de toute façon, plus à l'aise au combat rapproché alors qu'à l'inverse elle avait longtemps servi en tant que sniper, d'après son dossier. C'était le plus judicieux. Sans un regard vers elle, je repris mon combat contre mon adversaire précédente, avec son assistance cette fois. Ce qui revenait à dire qu'elle n'avait plus aucune chance désormais.

⎯ Passage sous hide, TW :

Passablement essoufflée, je tentais alors de la maintenir immobile et puisque je peinais à le faire malgré toute l'énergie que j'y mettais, je m'écriais :❝Allez-y Lond, je la tiens. Tirez qu'on en finisse !❞ C'est alors que le grésillement caractéristique de nos oreillettes respectives se fit entendre. La voix de Shawn me détourna immédiatement de ma besogne, alors qu'il nous annonçait que notre ordre de mission venait de changer et que nous devions arrêter le génocide pour finalement en capturer une. Une seule. Mais une vivante, malheureusement.❝On dirait que c'est ton jour de chance...❞ fis-je à l'oreille de la stryge, sans desserrer mon étreinte en continuant de la ceinturer et de la contenir le mieux possible. Son sang colorait mon uniforme et si cela n'avait tenu qu'à moi, sans doute aurait-il tapissé la crique entière de son carmin. Mais les ordres étaient les ordres et nous devions nous y conformer et ce, quelque soit notre avis sur le sujet. Pour faciliter la tâche de Tamara, je levais une dernière fois ma lame, non pas dans le but d'achever ou de blesser davantage, mais pour simplement la placer sous la gorge de l'ennemi. Un message tacite et muet, mais qui avait le mérite d'être universel. J'étais en tout cas certaine que la créature en comprendrait la signification...

¹ : résultat des dés.

J'étais folle de rage et de douleur, une douleur mentale qui, je l'ignorais encore à ce moment-là, serait bientôt doublée d'une douleur physique. Ma propre mère venait de mourir sous mes yeux, assassinée par cette Mortel munie d'une arme extêmement dangereuse dont je ne comprenais pas le fonctionnement. Tout ce que je savais en cet instant, c'était que la colère s'était emparée de moi et que je voulais venger ma mère et mes soeurs, mes amies, ma horde dont les membres tombaient, mortes, les unes après les autres, dans des cris de détresse et de défense désespérés.

Je m'étais donc jetée sur la meurtrière de ma mère, essayant de la blesser au maximum pour parvenir à la tuer. Mais ces choses qu'elle portait sur elle la protégeait de mes griffes, alors j'essayai d'attendre son visage donc la protection avait volé, quand soudain, une vive douleur m'assaillit, me faisant hurler comme jamais. Jamais encore je n'avais connu pareille douleur physique, j'en fus presque paralysée pendant une seconde. Je voulus rapidement me retourner, mon aile était touchée, cela voulait dire qu'on m'attaquait par derrière, mais je n'en eus pas le temps qu'une seconde fois, la douleur lancinante me figea, puis une troisième. J'étais quasiment sure que la Mortelle qui avait essayé de m'étrangler venait de me poignarder. Je me retournai malgré tout pour essayer de la frapper, en vain. Elle me retenait, malgré sa force physique moins importante que la mienne, mes blessures et la perte de mon sang m'affaiblissaient encore plus et ma rage me suffisait plus. J'essayais pourtant de toutes mes forces, je tournais dans tous les sens, je tentais de déployer mes ailes pour la pousser et m'envoler malgré la douleur, en vain. J'ignorais encore que suite à cela, je ne pourrais plus jamais les déployer.

Essoufflée, mon regard se posa autour de moi, le coeur battant à tout rompre, tandis que celle qui me maintenait criait dans sa langue quelque chose à sa comparse Mortelle. Je ne comprenais pas leur idiome, mais mon regard croisa celui de l'une de mes soeurs agonisantes qui se fit soudain occire sous mes yeux. Ce fut comme si mon coeur était transpercé et je hurlai de nouveau avant de perdre connaissance.

Ce carnage était magnifique, nous avions une fois encore débarrassé la Terre de ces nuisibles mythologiques, et grâce à nous, ces saloperies ne s'attaqueraient plus jamais à des bébés humains. Ces créatures sanglantes et contre-nature méritaient de mourir, et nous venions de débarrasser l'Italie de sa potentielle principale source de danger mythologique. Un sentiment de fierté m'assaillit malgré l'attaque de la jeune strygem car même si je mourais aujourd'hui, j'aurais au moins servi mon pays et l'Humanité jusqu'au bout. Mais heureusement, alors que je tâchai au mieux de parer ses coups, la bestioles fut contenue par Caldwell qui m'avait fait glisser son arme. Ma binôme était sur le coup à présent, au corps à corps. Je tenais la cible en joue mais ne prenais pas le risque de tirer en risquant de blesser ma collègue, j'attendrais la moment opportun. Soudain, ce moment se présenta, mon index commença à s'engager sur la détente quand une voix dans nos oreillette nous demanda instamment d'en garder une en vie. Je soupirai de déception en relâchant la détente et entendit une détonnation. L'un de nos collègues venait malgré l'ordre d'exécuter sa vermine. Roulant des yeux, je tournais mon regard vers la nôtre qui semblait être la dernière en vie... et elle s'évanouit.

- Putain, me dites pas qu'elle a cané ! nsoufflai-je en me précipitant sur elle pour prendre son pouls.

Je poussai un soupir de soulagement en faisant un signe de tête et un léger sourire à Caldwell. Nous avions réussi, nous avions exterminé toutes les stryges de l'îlem sauf une qu'on nous avait demandé de ramener vivante, et c'était nous qui l'avionsm, Caldwell et moi allions récolter les lauriers de cette prise et surement une prime intéressante de surcroît. Je sortis des menottes en bronze céleste dont j'affblai les poignets de notre prisonnière inconsciente.

- Va falloir solidement la ligoter celle-là.

Les autres agents commencèrent à s'approcher. Nous étions tous couverts de sang et plutôt amochés pour certains. Je me demandais combien des nôtres avaient trouvé la mort aujourd'hui. Même si beaucoup étaient des crétins machos finis, j'avais quand même une pensée compatissante.
Une fois l'espèce de poulet difforme attaché solidement, je la soulevai par une épaule, attendant que ma collègue fasse de même pour que nous la rapatriions vers la zone de repli où nous serions tous évacués.

J'ai été réveillée par ma maman qui m'a demandé de garder le silence. Il y a du bruit en dehors de la grotte... Nous sommes attaquées... Mais nous ne savons pas par qui. Je regarde autour de moi et je vois ma tante et toutes les autres stryges. Les bruits qu'on entend sont étranges. Je n'avais encore jamais entendu cela. Je vois tout le monde sortir au fur et à mesure pour aller voir ce qui se passe. Mes cousines poussent des cris horribles en sortant... Ce ne sont pas les cris que nous poussons pour chasser mais des purs cris de douleurs. Je n'aime pas du tout cela et je commence à être de plus en plus inquiète. D'autant plus que je ne vois pas ma meilleure amie alors que sa mère est encore là...
Ma tante et ma mère se lèvent pour sortir avec les autres. Elles ne veulent pas que je les suive mais je le fais malgré tout. Je reste cependant juste à l'extrémité de la grotte et regarde dehors. C'est un vrai massacre... Tout mon clan est entrain de se faire tuer par des gens qui tiennent des objets bizarres dans la main... Ce sont ces objets qui font des bruits horribles... N'y tenant plus je me mets à crier pour tenter de paralyser mes ennemis mais je n'ai jamais été très douée pour ça... Et avec la peur je n'arrive à rien... Je regarde impuissante ce qui se passe et soudain... Je vois ma mère tomber à terre... Du sang coule de je ne sais où. Personne n'est à côté d'elle... Comment est-ce possible ? Je me précipite vers elle et tente d'arrêter le sang de couler mais elle me repousse en me disant de me cacher. Mais je ne veux pas la laisser... Je ne peux pas... Ma tante m'attrape alors pour me lever et se place devant moi pile au moment où quelque chose entre dans sa chaire. Elle s'effondre devant moi et je pousse un hurlement terrible. Je me précipite vers l'adversaire en face de moi et sors les griffes pour l'égorger. Aucune pitié... Je me jette sur un second en volant légèrement et le griffe au visage avant de le plaquer au sol et de le tuer à coup de griffes. Soudain j'entends un sifflement passé près de mon oreille, je me mets à courir en faisant demi tour et je trébuche sur le corps de ma tante. Je suis revenue à mon point de départ.

Je regarde partout autour de moi et je ne vois que des corps... Je cherche ma meilleure amie mais je ne la vois nul part... Par contre je crois apercevoir sa mère... Je comprends donc que je suis entrain de perdre tout mon clan... Les ennemis sont encore trop nombreux et leurs objets sont trop puissants contre nous... Je ne veux pas mourir mais je sais que je ne peux pas me défendre... Je me mets alors à pleurer et en voyant des hommes cruels approcher, je me cache sous le corps de ma tante... J'arrive à me glisser en dessous et cache ma main sous celle de ma mère. Je ne réalise pas encore ce que je suis entrain de faire. J'aimerais pouvoir boucher mes oreilles pour ne plus entendre les cris et les bruits bizarres. Je vis un cauchemar éveillé. C'est juste horrible ce que nous vivons. Comment on-t-il pu nous retrouver ? On a toujours été discrète, on a toujours fait attention en chassant... Nous vivions tranquillement... Je continue de pleurer en silence en fermant les yeux. Je ne veux plus voir ce qui se passe autour de moi. Je suis lâche... Je ne suis pas capable de défendre mon clan, de me battre et de mourir fièrement en tentant de sauver les autres... Mais je sais que je n'y arriverais pas, je n'arrive pas à crier comme il se doit, j'arrive seulement à assommer les enfants ou bébés avec mon cri... Pas les adultes... Et donc à la place je reste cachée sous le corps de ma tante en espérant qu'on ne me verra pas... J'essaie de ne pas penser à la mort de ma mère et ma tante... Je crois que je ne réalise pas encore ce qui est entrain de réellement se passer, que tout le monde est entrain de mourir autour de moi.

Elle se débattait, usant de sa grande carrure ailée pour tenter de se défaire de mon étreinte. De violents soubresauts que je peinais à contenir, ultime rodéo qui retardait l’inévitable de quelques instants encore.  L’énergie du désespoir sans doute, car elle devait bien sentir que son heure était là. Et plus tôt qu’elle ne l’avait prévu. Je la ceinturais de toutes mes forces, du mieux que je le pouvais car ces créatures étaient pourvues d’une force surhumaine qu’il m’était difficile d’égaler. Heureusement, nous l’avions blessée et ce déséquilibre jouait en ma faveur. Lond ne semblait pas trop amochée, nous avions frôlé le pire lorsque la stryge s’était jetée sur elle. Mais nous étions entraînées à ce genre d’éventualité et fort heureusement, avions été en mesure de régir à temps. Ma collègue s’apprêtait à tirer, index sur la détente, lorsque l’ordre était tombé. Voilà qui changeait la donne.
Il semblerait que le piaf ne doive faire le voyage de retour avec nous. J’avais alors placé ma lame sous sa gorge, pour la maintenir sous mon joug. Reste tranquille, sans mouvement brusque. C’est alors que je sentis subitement un poids mort sur moi, qui faillit me faire tombe à la renverse alors que l’ennemi se laissait tomber sur moi, inconsciente. Mais c’est qu’elle était lourde, avec ses grandes ailes imposantes ! J’avais laissé échapper une petite exclamation de surprise, avant de maintenir mon couteau sous sa gorge malgré tout.❝Le coup de la syncope, classique.❞ commentais-je alors que Lond vérifiait ses fonctions vitales. Combien de fois j’avais vu des agents baisser leur garde face à une situation comme celle-là. Un instant d’inattention de trop, avant que la cible ne cesse de feindre l’inconscience et ne riposte par surprise. Je ne suis pas de née de la dernière pluie, sachez-le. Cependant, il s’était avéré que notre captive avait bel et bien perdu connaissance et que ce n’était pas une diversion. Non pas que ça me gênait plus que ça…en vérité, cette option était même plutôt appréciable, car cela m’éviterait de batailler avec elle plus longtemps pour la maintenir sous mon emprise. Des plumes, des crocs, des griffes…j’en avais assez vu et senties pour aujourd’hui ! Mais par contre, elle devenait désormais un véritable fardeau inerte que nous allions devoir transporter à bras le corps jusqu’au point de repli. Peut-être qu’on pourrait simplement la traîner ? Après tout, ils n’ont pas précisé dans quel état ils la voulaient au BEM. Quelques bosses en plus ou en moins…

❝Je suis d’accord. Le voyage de retour sera bien assez mouvementé comme ça : qu’elle reste tranquille.❞ répondis-je à ma collègue qui lui enfilait déjà les menottes en bronze céleste. Je fis de même avec ses chevilles, à défaut de pouvoir immobiliser ses ailes. Quoiqu’elle n’était plus vraiment à-même de s’en servir, au vu des blessures que je lui avais infligé. J’espérais qu’elle puisse au moins tenir jusqu’à destination sans passer l’arme à gauche, sinon ça allait sans doute me retomber dessus. Pour ma défense, je ne savais pas qu’on était censé s’en coltiner une pour revenir…ma mission première était de les décimer. Alors, je n’avais pas retenu mon bras lorsqu’il avait fallu frapper. Peut-être que je devrais tout de même m’assurer de son état avant d’embarquer ? Je pris l’autre épaule, à l’opposée de Lond et nous commençâmes à la déplacer jusqu’à l’avion qui s’était posé pour nous récupérer. Le court trajet ne fut pas de tout repos et l’un des gars encore debout dû nous aider à porter la stryge. Notre stryge, pensais-je non sans un poil de fierté. Notre trophée de guerre. Comme je me l’étais promis, je pris quelques fournitures dans la trousse de secours et fis rapidement le tour des blessures de notre captive, faisant en sorte que son état reste au moins stationnaire sans s’aggraver davantage…du moins jusqu’à ce que l’équipe de recherche ne prenne le relais. Passé ce délai, ce n’était plus mon problème et qu’importe le sort qu’ils lui réserveraient.❝Ils la veulent en vie.❞ dis-je simplement pour me justifier et répondre aux regards interrogateurs.

Les civières défilaient à nos côtés et les draps s’entassaient près de l’appareil, témoignages de la tragédie qui s’était déroulée sur la petite île. Je serrais les dents, animée par un sentiment de révolte tapis au creux de la poitrine. Sans un mot, je me relevais et marchais à grandes enjambées sans vraiment opter pour une direction précise. L’adrénaline retombait en chute libre, laissant un sentiment de vide et d’impuissance devant cet entassement de corps qui ce matin encore, faisaient partie de l’équipe. Mes pas m’avaient amené jusqu’à l’entrée de la grotte d’où les premières créatures étaient sorties. L’odeur âcre du sang remplissait l’air ambiant et je m’arrêtais pour regarder les dégâts. C’était une maigre consolation de voir que nous avions causé au moins autant de torts que nous avions essuyé de pertes, et je savais que les familles se sentiront plus apaisées de savoir que les responsables gisaient là, carcasses ailées alignées sur le sable blanc. Soudain, j’entendis un petit gémissement et je tournais vivement la tête. La haine profonde que je tentais de calmer se réveilla soudain et j’enjambais les corps de deux stryges déjà mortes (@Stella Moretti) pour rejoindre celle qui ne l’était pas encore tout à fait. Je n’avais qu’une envie : la rouer de coups jusqu’à entendre son dernier soupir, faire en sorte qu’aucun centimètre carré de sa peau ne soit épargné, venger chaque ami tombé au combat aujourd’hui, la faire souffrir. Encore. Que ce soit la dernière chose qu’elle connaisse sur cette Terre.
Je la toisais sentant cette colère froide sur le point de m'envahir, regardant la douleur et la crainte dans ses yeux. J’y décelais aussi une certaine forme de fatalité, mêlée à la résignation. Et étonnamment, cela me suffit. J'eus un rictus, malsain. Satisfait. Elle avait compris que c’était fini, que notre espèce avait eu l’ascendant sur la leur, saloperie mythologique, et qu’avec elle, mourrait sa horde. La mission était remplie, le monde serait plus sûr désormais. Alors, je levais lentement mon bras et achevais la pauvre créature en regardant une dernière fois l’éclat de son regard avant de l’abattre froidement.

C'était enfin terminé. Je mentirais si je disais ne pas avoir pris du plaisir à déglinguer ces bestioles. J'étais sniper, viser et tirer sur des cibles était ma spécialité, et comme tous les agents ici présents, j'avais ce sentiment de servir une cause juste, de protéger des innocents qu ne se doutaient de rien... Certes totalement imbéciles pour la plupart, mais ils étaient des gens de mon espèce, des Mortels.

Avec Calwell, nous avions rapporté notre proie. Toutes les autres étaient mortes, et avec ma binôme, en plus d'avoir excellé, nous étions celles qui ramenions une stryge vivante au quartier général. Le sort qu'ils lui réservaient ? Rien à secouer, j'obéissais aux ordres car c'était la meilleure chose à fairer pour bien faire. Formation militaire oblige. Nous avions menotté, poignets et chevilles, la grosse perruche, et nous voilà en route vers le point de repli. Cette chose était toute en muscle et pesait une tonne, mais l'adrénaline nous faisait encore tenir le coup. Une fois sur place, je laissai ma collègue du jour lui prodiguer quelques soin, non sans écoper des blagues débiles de nos camarades machos. Je flanquai un coup de coude dans les côtes de l'un d'eux tandis que Calwell expliquait que le B.E.M la voulait en vie...

Le retour était fixé à H moins deux. Deux heures pour récupérer les corps de nos camarades fièrement tombés, commencer à soigner nos blessés, se préparer à partir. Les chiffres n'étaient pas si désastreux, même si c'était toujours trop. L'équipe médicale était déjà en place pour soigner nos bobos tandis que d'autres allaient récupérer les corps. En moins d'une heure, nous étions tous là, toute l'équipe, vivants comme morts, ces derniers enveloppés dans un sac mortuaire. Je vis Calwell finalement revenir.

- Est-ce que ça va ?

On nous annonça finalement que comme tout le monde répondait à l'appel - chez les vivants -, nous allions décoller. On rentrait chez nous, enfin. Tout un chacun prit place et boucla sa ceinture. Nous fîmes même une minute de silence pour ces braves gars qui étaient tombés aujourd'hui. Nous étions tous crevés, et je sentis mon corps me faire sentir, moins de deux heures après le décollage, que cette journée avait été intense. Un peu plus de huit heures d'avion, parachutage, baston, porter la stryge... J'avais besoin d'un putain de bain et d'un massage.

Les cris ont disparu... Je n'entends plus que les ennemis se regrouper. Je tremble de peur. J'ai si peur d'être vue... L'angoisse m'a envahie me forçant à me taire et heureusement... Car sinon je crois bien que je serais entrain de hurler... J'aimerais tous les tuer mais si ma horde n'a pas réussi alors moi toute seule... Soudain j'entends un gémissement. Je tourne la tête et je vois une amie. Je fais une grimace en voyant sa souffrance. J'aimerais lui faire signe pour lui dire de se taire mais il ne faut pas que je bouge... Je ne dois pas... Soudain une ombre apparaît juste devant mon visage. Je ferme les yeux pensant que j'ai été repérée mais non, l'ombre se déplace encore. Hélas l'ombre appartient à une ennemie et elle s'arrête devant la stryge encore vivante. Elles sont juste en face de moi... Je n'arrive pas à fermer les yeux... Ce que je lis dans les yeux de mon amie emplie mes yeux de larmes. Je plaque ma main fermée en un poing sur ma bouche et je la mord à sang pour m'empêcher de crier. Elle sait qu'elle va mourir et ne se débat pas... Je lève alors les yeux pour voir qui va mettre fin à ses jours... Je veux me souvenir de ce visage pour un jour me venger. Oui, un jour j'aurais la mort de cette personne. Cette humaine va mourir de mes mains, je vais la torturer et ensuite lui retirer la vie. Quand le bruit revient je sursaute et je me met à trembler. Mais quel est donc cet objet qui tue si vite ?

Et soudain le vacarme recommence. J'arrive à voir qu'il porte le corps des hommes qui ont été tué, ils chargent ma meilleure amie... Morte au combat... Je pleure en silence, mon poing toujours contre ma bouche. Un autre bruit assez fort se fait entendre puis le silence... Il n'y a plus un son... Plus rien. Je ne comprends pas ce qui se passe mais je n'ose pas bouger. Je reste sous le corps de ma tante, à côté de celui de ma mère... Et le temps passe... Au bout d'un très long moment de silence je me lève. L'odeur du sang est partout. Une fois debout je pose mon regard tout autour de moi et je me laisse tomber au sol en hurlant. Je pousse mon cri, un cri strident. Le cri d'un cœur brisé. Elles sont toutes mortes... Je suis la seule survivante... Mais je veux m'en assurer. Je prends mon courage à deux mains et commence à déplacer les corps en vérifiant s'ils sont en vie... Mais non... C'est ainsi que je me retrouve à brûler les corps, cela me prendra le temps qu'il faut mais je m'occuperai de chacune de ces stryges. Elles se sont battues pour essayer de sauver notre horde. Je me dois d'honorer leur corps. Ensuite je pourrais les pleurer... Cela m'aura pris cinq jours... Cinq jours à vivre avec l'odeur de leur corps brûlé, à manger très peu et quasiment pas dormir... Cinq jours de pure torture. Les deux derniers corps ont été ceux de ma tante et ma mère. Et j'ai ensuite pu m'écrouler dans notre grotte. J'ai crié, hurlé encore et encore en frappant le mur de notre demeure désormais vide à jamais. Je suis la dernière stryge... Il ne reste plus que moi. Je n'arrive toujours pas à y croire.