Serment d'Hippocrate : soulager les souffrances

Comme souvent lorsque Haytham passait l’après-midi à chercher du boulot, Tamara avait emmené sa fille prendre l’air à l’extérieur. Elle voulait qu’elle s’habitue à la ville, voir du monde. Elle en avait profité pour faire du repérage pour qu’ils se trouve un logement. Hors de question de rester squatter la garçonnière de tonton Piñata éternellement, d’autant qu’il venait de rentrer et avait sûrement envie d’avoir son intimité. Tam avait décidé de procéder par quartier, et ce jour-là, elle était dans le Queens. Après une visite d’un appartement pas si mal que ça, elles passèrent à pied devant un parc, le Captain Tilly Park, et comme Eileen avait besoin de se dépenser, une fois le manteau bien ajusté, la belle brune laissa sa petite s’amuser à courir et grimper. Bien entendu, elle ne la lâchait pas du regard. Rapidement, elles trouvèrent une aire de jeux pour enfants, et Tamara encouragea sa fille à aller s’amuser, chose qu’elle se ne fit pas prier pour faire. La fille jouait et s’amusait, et la mère la couvait du regard avec amour. Il n’y avait quasiment aucun enfant, ils étaient sans doute à l’école. Eileen ferait sa rentrée des classes sur le tard mais il leur fallait dans un premier temps se trouver un logement.
Soudain, le sourire de Tamara s’envola en voyant sa fille tomber, ce qui n’était pas le plus grave, mais surtout en entendant le craquement émanant de son bras. Ni une ni deux, elle se précipita vers Eileen pour la remettre sur ses pieds et vit sous la manche de son manteau une bosse, comprenant immédiatement qu’il s’agissait d’une fracture ouverte. La petite ne tarda pas à se mettre à pleurer en criant qu’elle avait mal.

- Je sais chérie, on va aller à l’hôpital, ne t’en fais pas…

Haytham va me tuer, c'est sûr...

Elle la prit délicatement dans ses bras pour éviter de lui faire mal et courut hors du parc aussi vite qu’elle put. Heureusement, ayant vécu à New York un grand nombre d’années et y avoir traqué nombre de créatures, Tamara Lond connaissait la ville. Elle savait que près du parc se trouvait le Queens Hospital Center.
Après une bonne dizaine de minutes de course à pieds, les voila passant la porte des urgences. Eileen pleurait toujours et c’était horrible pour le petit coeur de maman de Tam. Soudain, elle vit une infirmière qui avait un peu trop l’air dans la lune pour elle. Pas question de la laisser s’échapper ailleurs, la fille de 4 ans passerait avant ces abrutis de patients qui venaient chialer pour un nez qui coule.
D’une main, elle lui empoigna le bras avec poigne.

- Mademoiselle, ma fille de 4 ans est tombée d’un module de jeu, elle s’est fracturé le bras, j’ai entendu le craquement et j’ai vu l’excroissance sous sa manche, je pense que c’est une fracture ouverte, je vous en prie, prenez-la tout de suite.

Malgré son stress et son manque de sociabilité, Tamara essayait de faire preuve de calme et de diplomatie. Eileen se montrait courageuse malgré que ce soit son premier vrai gros bobo.
Kyleen Towne x Mélissa Méditrine x Tamara Lond

Ma journée débuta comme toutes les autres depuis que j’avais commencé mon nouveau travail au Queens Hospital Center : les visites. Il s’agissait de faire le tour des patients qui venaient d’être opérés, vérifier leurs constantes et leurs plaies.
Puis voir les patients qui allaient être opérés dans la journée ou le lendemain. Il fallait leur faire passer les derniers examens pour que tout soit parfait pour le bloc opératoire. La routine, les titulaires interrogeant les résidents, les résidents interrogeant les internes.

Comme j’étais nouvelle dans le service, j’assistais les titulaires la plupart du temps et on me testait en m’envoyant faire les basses besognes. Cela ne me dérangeait pas, cela me permettait de mieux connaitre le service et leurs protocoles afin de mieux m’intégrer dans l’équipe.
En début d’après-midi, je m’étais installée tranquillement dans un bureau avec un ordinateur et la pile des dossiers des patients soignés en ce moment dans le service. Cela allait me permettre de me mettre à jour et d’être le plus efficace possible pour les prendre en charge le mieux possible.

J’étais en plein milieu du plus ennuyeux dossier possible quand mon bipper se mit à sonner. Les urgences, on me demandait pour une consultation. C’était sûrement Keyleen. Chouette, une bonne raison pour aller voir et parler avec ma copine.
Je me rendis aussi vite que possible à la mine et aperçus mon amie infirmière s’occupant d’une jolie jeune fille. Keyleen vint me voir pour me faire un topo sur le dossier de l’enfant.

« Très bien. Bonjour madame, je suis le Docteur Méditrine, je suis chirurgien orthopédique. Je vais ausculter votre fille si vous me le permettez. » Je me tourne vers la petite fille. « Salut toi, je m’appelle Mélissa et je vais regarder ton bras, tu veux bien ? » Je regardai et juste en touchant l’avant-bras, je confirmai les premières impressions de la mère et de mon amie.

« Nous allons faire des radios mais d’après ce que je vois, je vous confirme la fracture ouverte du bras de votre fille. Il y a de fortes chances qu’il faille l’opérer pour stabiliser la fracture. Je vais déjà la réduire ici comme elle est déjà sous protoxyde d’azote. »

Je retournai auprès de la petite puce et fis une manœuvre ou deux pour réaligner les deux bouts de l’os. Je stabilisai le tout avec une écharpe et demandai à un interne d’accompagner la patiente avec sa mère en direction du service de radiologie. Je me devais de parler avec Keyleen pour qu’elle confirma mon ressenti.

« Dis-moi, Keyleen, est-ce que tu penses à la même chose que moi concernant cette petite fille ? La mère n’a pas l’air d’être comme nous, elle le sait pour sa fille et pour le père ? » lui demandai-je.

J’avais eu la drôle sensation que cette petite puce était comme Keyleen et moi, cela voulait dire que c’était un demi-dieu. La question la plus importante était de savoir si la mère était au courant ou non de la véritable nature de sa fille. Nous devions être prudentes sur ce que nous pouvions dire ou non à la maman.

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Tamara tâchait de dissimuler au mieux son angoisse, avant tout pour ne pas affoler sa fille qui devait déjà souffrir suffisamment comme ça. Elle culpabilisait énormément de ne pas avoir su la protéger, commençant à remettre en question sérieusement l’idée d’être revenus vivre à New York alors qu’ils étaient paisibles et à l’abri sur leur île des Maldives.
L’infirmière coopéra – et heureusement pour elle parce que l’agent de terrain n’aurait pas longtemps gardé son sang froid - , et prit en charge Eileen sous le regard inquiet de Tam qui essayait de garder contenance. Rarement elle ne s’était sentie aussi stressée, mais là il s’agissait de sa fille et de son bien-être.

- Merci, souffla-t-elle tandis que que la jeune femme blonde s’occupait de tout.

Elle la laissa donc lui apposer un masque sur le visage. Tamara ne la quittait pas des yeux, observant le moindre geste de Keyleen, quand enfin le médecin arriva et se présenta. L’agent Lond hocha la tête pour bien sûr lui accorder le droit d’ausculter la petite. Eileen s’était calmée grâce au masque fourni par l’infirmière. Bon, au moins elle n’aurait plus mal, c’était déjà ça. La fillette aurait donc besoin d’une radio. Eileen était courageuse, sa mère le savait et sans doute que l’adulte stressait plus que l’enfant. Surtout quand le docteur Méditrine parla d’opération.

- Nom de dieu, souffla Tamara.

Elle écarquilla les yeux en la voyant réduire la fracture. C’était assez impressionnant, même pour une agent de terrain qui avait déjà fait ce genre de manœuvre sur elle-même, mais l’observer sur un enfant qui en plus était le sien était une tout autre affaire.
Ce que personne ne savait encore, c’était que l’os à présent réaligné, était déjà en train de se ressouder grâce aux capacités de la fillette héritées de son père, lui-même fils de Mars. Etant quart-déesse, Eileen aurait moins de puissance ou de capacités, comme sa sœur Maisie, mais elle restait en possession de dons auxquels les humains n’avaient pas accès.

- OK, OK, je vous en prie, faites vite, ne la laissez pas comme ça…

Sans tarder, mère et fille furent conduites en salle de radiologie. Eileen, qui n’avait plus mal, sembla apprécier la balade en fauteuil roulant tandis que sa mère lui expliquait un peu les choses.

- Bon, tu as de la chance aujourd’hui, tu vas avoir des photos de l’intérieur de ton bras pour qu’on regarde la vilaine fracture qui t’a fait mal, comme ça la gentille docteure que tu as vu va pouvoir te soigner.

La fillette secouait la tête avec un sourire.

- ‘ai plus bobo moi.

- C’est grâce au masque de t’a mis l’infirmière, mon coeur. Elles vont être très gentilles avec toi et te remettre toute neuve.

Tamara détestait les hôpitaux et pouvait compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où elle y avait mis les pieds, hormis quand sa mère était internée en psychiatrie bien sûr. Elle se demanda si elle devait appeler Haytham ou attendre de voir à quelle heure pouvait sortir Eileen. Si elles pouvaient rentrer dans la journée, autant lui parler de tout ça quand il rentrerait...

Kyleen Towne x Mélissa Méditrine x Tamara Lond

Une fois seules Keyleen et moi, nous réfléchîmes à la meilleure tactique à adopter. Il ne fallait surtout pas affoler plus qu’elle ne l’était déjà la mère et en même temps, nous avions besoin de réponses à nos questions concernant notre jeune patiente.

J’allais commencer déjà par attendre le résultat des radiographies qu’était en train de passer la petite Eileen. Selon ce qu’elles donnaient, on aviserait. Ça devrait être à moi de parler, ça devait être à moi de parler à la mère, j’étais le médecin dans le traitement de sa fille, c’était de ma responsabilité.

Quand le moment arriverait, j’étais sûre de pouvoir compter sur le soutien et la présence de ma meilleure amie à mes côtés, et ça, c’était ce qu’il y avait de plus important à mes yeux car sa présence allait me permettre de rester calme et détendue en face de la mère afin d’obtenir une pleine coopération de sa part.

« On va d’abord commencer par essayer d’avoir des infos sur le père pour savoir à quel niveau on se situe, demi-dieu ou enfant de demi-dieu. Ensuite, selon les résultats des radios et de ses réponses, on verra bien… Je sens que dans cette histoire, il va falloir avancer à l’aveugle et je n’aime pas trop ça. » glissai-je discrètement à Keyleen.

Les radios étaient enfin prêtes et je me rendis dans une salle d’examen où un négatoscope me permit ainsi qu’à Keyleen de les regarder. L’interprétation fut rapide et ce que nous avions vu allait dans le sens de ce que nous avions deviné aux premiers abords.

« Oui, j’ai bien vu. On voit encore le trait de fracture, mais il y a déjà un cal osseux qui se forme autour. Tu le vois autour de l’os de part et d’autre de la fracture. On dirait qu’elle est capable de se soigner toute seule, j’ai entendu Chiron parler de ce genre de pouvoir chez certains demi-dieux, c’est la seule explication possible. »

Keyleen alla chercher la jeune fille et sa mère pour les amener dans la salle d’examen où nous avions regardé les radiographies. Nous y serions plus tranquilles et avec moins de risques que des oreilles indiscrètes n’entendirent ce qu’on s’apprêtait à demander.

« Je vous rassure de suite, il s’agit bien d’une fracture du bras mais la bonne nouvelle c’est qu’il n’y aura pas besoin d’opération. Avant de continuer, j’aurais quelques questions à vous poser notamment sur le père de votre fille. Comment dire ? Est-ce qu’il a tendance à guérir très vite quand il se blesse ? »

Je ne savais pas trop comment aborder le sujet. Je trouvais que cette première question était peut-être la moins agressive et la moins intrusive. Je verrai pour les futures questions ce que j’allais pouvoir poser en fonction de la première réponse de la mère de la jeune patiente.

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Tamara était follement mal à l’aise dans les hôpitaux, et plus encore aujourd’hui. Son petit trésor avait eu une blessure assez impressionnante, et pourtant la fillette de tout juste quatre ans semblait pleine de courage et finalement, la maman s’inquiétait plus que la petite Eileen qui regardait tout ce qui l’entourait avec des yeux pleins de curiosité, elle qui n’avait jamais été confronté à tant de modernité. Elle sembla même s’amuser de cette pièce étonnante qu’était la salle de radiologie Tam fut au moins soulagée de savoir que sa fille n’entrait pas dans une crise de panique incontrôlable, parce qu’elle ne saurait pas gérer… Eileen avait toujours été une enfant joyeuse.

On la lui rendit et toutes les deux purent patienter avant que l’infirmière ne revienne. Pendant ce temps, la fillette sembla ravie de raconter sa petite aventure de quelques minutes à sa mère qui l’écoutait avec attention, quand Keyleen revint. Tamara se leva, et Eileen sembla préférer profiter encore un peu du fauteuil roulant qui s’apparentait, pour elle, à un jeu. Légèrement stressée, l’agent de terrain obtempéra et vit la jeune médecin dans la pièce indiquée par la blondinette. Le docteur Méditrine reprit alors la parole et Tamara écouta attentivement. Le soulagement fut total lorsqu’elle annonça qu’il n’y aurait pas besoin d’opération, ce qui lui fit lâcher un soupir joyeux avant qu’elle ne lance un regard ravi vers sa fille qui observait tout autour d’elle. Néanmoins, l’attention de Tam se reporta sur la docteure quand elle voulut lui poser des questions.

Eh merde…

- Son père ? Pourquoi ?

Le regard sombre de l’agent de terrain se fit soudain légèrement suspicieux. Et si cette femme était du B.E.M ? S’était-elle doutée de quelque chose ? Eileen ou Haytham étaient-ils en danger. Instinctivement, sans pour autant quitter Melissa du regard, Tamara se rapprocha d’Eileen pour se mettre devant elle.

- Je ne sais pas, il se blesse pas souvent.

« - C’est papa le plus fort ! » lança la fillette.

N’étant de base pas très sociable, Tam ne savait pas comment se défaire de cet interrogatoire sans paraître agressive ou suspecte. Si elles étaient de près ou de loin du B.E.M, et c’était possible vu que, ayant été absente un peu plus de quatre années, l’ancienne agente n’avait pas encore retenu les noms des nouvelles recrues, à présent elles savaient qu’elle avait un enfant. S’il fallait les déglinguer toutes les deux pour sauver sa fille, Tamara n’aurait aucune hésitation.

- Si vous avez fini, on peut y aller ? Je pense qu’Eileen est fatiguée et qu’elle a besoin de se reposer.

Elle lança un regard à l’infirmière, se demandant si elle serait conciliante ou si l’une des deux allait tenter de les empêcher de partir.

Kyleen Towne x Mélissa Méditrine x Tamara Lond

Vu la réaction assez sur la défensive de la mère, je pensai que je m’étais plantée en beauté sur la façon d’attaquer le sujet avec elle. Heureusement, Keyleen rattrapa un peu le coup en demandant si la petite fille avait tendance à se blesser et comment ses blessures évoluaient. « Je suis con vraiment, j’aurais dû commencer par-là, j’aurais dû y penser moi aussi ! » pensai-je.

J’essayai par la suite de rattraper mon erreur, j’allais ramer c’était certain. Il fallait commencer par redonner confiance en nous à la maman. Connaissant les soucis que pouvaient avoir les personnes comme Keyleen et moi dans la vie au milieu des mortels, je ne comprenais que trop bien les réticences et l’attitude défensive de la mère de la jeune fille.

« Calmez-vous s’il vous plait, je suis désolée de vous avoir posé cette question comme cela. Si vous souhaitez partir, nous ne pouvons pas vous retenir.
Mais sachez que tout ce que vous nous direz dans cette pièce n’en sortira jamais, nous sommes toutes les deux soumises au secret médical et nous respectons cette partie de notre métier avec beaucoup de sérieux, croyez-le bien. »

J’espérai qu’avec ce rappel à notre obligation de garder le silence sur les informations personnelles la mère d’Eileen accepterait de rester avec nous afin de continuer cette conversation et sûrement l’informer des capacités non-mortelles de sa fille.
Dans la salle d’examen où nous nous trouvions, il y avait un bureau et des chaises. J’invitai respectueusement la petite famille et je pris également une des chaises restantes. Il fallait que j’expliquai de façon claire et simple le pourquoi du comment de nos questions.
Il fallait que j’informai la patiente et sa mère de ce qu’elles devront faire dans l’avenir si la même situation devait se représenter.

« Madame, je me dois de vous informer que votre fille a des capacités, disons, supérieures à la moyenne. Ces capacités sont un peu spéciales et sachez que moi-même j’ai certaines capacités qui ne sont pas données à tout le monde d'avoir… »

J’avais l’impression qu’au lieu de clarifier la situation, je m’emmêlais encore plus dans l’histoire et je ne savais plus comment m’en sortir. Je jetai un rapide coup d’œil vers Keyleen et sur la radio qui était restée sur le négatoscope.
Finalement, la solution la plus simple, c’était de montrer la radio et d’expliquer clairement ce qu’on pouvait y voir. Je me levai et allai allumer l’appareil afin de bien éclairer les radiographies de la jeune fille.

« Voilà la radio que nous avons prise tout à l’heure du bras de votre fille. Si vous voulez vous approcher pour mieux voir, n’hésitez pas. La fracture, c’est ce trait noir que l’on aperçoit juste là. » Je joignis le geste à la parole en montrant avec mon doigt le trait de fracture à la maman qui s’était rapprochée de moi.
« L’espèce de nuage flou que vous voyez autour, c’est ce qu’on appelle un cal osseux. En temps normal, ce cal, même chez des enfants de l’âge de votre fille, n’apparaît pas avant minimum quinze jours voire trois semaines après le traumatisme. » J’eus cru voir dans les yeux de la mère d’Eileen un éclair signifiant qu’elle commençait à comprendre ce que j’étais sur le point de lui annoncer. Elle connaissait donc le statut particulier du père de sa fille et était au courant des éventuels pouvoirs de Dieu ou de demi-dieu.

« Je vous le répète, ce qu’il se dit dans cette pièce ne sortira pas de cette pièce. En tout cas, cela ne viendra pas de notre côté. Votre fille est capable de se soigner toute seule si les os sont dans le bon alignement. Son corps a été capable de se consolider tout seul dès que j’ai réduit la fracture tout à l’heure dans la salle des urgences. »

Maintenant que le diagnostic eut été posé, je regardai la petite famille pour voir un peu la réaction de l’une et de l’autre. Eileen jouait tranquillement avec son doudou et ne prêtait plus attention à ce que nous disions depuis un petit moment déjà.
Pour ce qui était de la maman, il m’était très compliqué de déchiffrer ses réactions car elle ne laissait rien paraître jusque-là. J’espérai qu’elle ne nous prenait pas pour des illuminées ou des folles.

Mais il était important pour moi qu’elle comprenait bien ce que je venais de lui dire et de lui annoncer. Je ne pouvais pas quitter cette pièce sans en être certaine. Je ne la quitterai pas sans en être certaine.

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Tamara ne connaissait que trop bien cette impression d’étau qui se referme, et si elle avait été longtemps cet étau pour les créatures mythologiques et demi-dieux qu’elle pourchassait auparavant pour le compte du B.E.M, elle avait été elle aussi la victime de celui-ci. Là, le sentiment qu’elle ressentait y ressemblait à s’y méprendre, et quand l’infirmière Keyleen commença à être insistante avec ses questions, l’agent de terrain sentit chacun de ses muscle se contracter. Elle ne voulait cependant pas effrayer Eileen en pétant la gueule de deux personnes qui avaient été gentilles et rassurantes avec elle, mais si ce comportement n’avait pour but que de les piéger, il était de son devoir de mère de la protéger.

- Comme je vous l’ai dit, je fais attention à ma famille, ils sont pas du genre à se blesser sans arrêt ! rétorqua-t-elle à Keyleen.

Mélissa reprit la parole. La jeune médecin avait clairement compris les capacités de la fillette. Tamara ne s’était pas attendu à ce que sa fille développe aussi vite les capacités héritées de son père.

Bordel si j’avais su, je m’en serais chargée…

Le docteur parla de capacités et déclara qu’elle aussi en avait. Bon, peut-être était-elle une demi-déesse alors. Si elle avait été une créature, Tam aurait vu son apparence réelle puisqu’elle pouvait voir à travers la Brume. Eileen aussi.

- Je sais qu’elle est spéciale. C’est juste que… je ne pensais pas que ça… apparaîtrait aussi tôt, répondit-elle en croisant les bras.

Son regard se posa sur sa fille qui jouait sagement. La maman ne put s’empêcher d’esquisser un sourire avant de reporter son attention sur ses deux interlocutrices. Il était difficile pour Tam d’accorder sa confiance. Elle avait été bien trop souvent déçue, mais d’un autre côté, ces deux jeunes femmes avaient l’air d’être inoffensives, et puis elle exerçaient un métier qui avait pour but d’aider les autres. Si elles étaient des demi-déesses, elles travaillaient pour aider les autres, les Mortels, alors que longtemps, la brunette avait cru que tout ce qui appartenait à la mythologie n’avait pour but que de nuire à l’humanité.

- Je suis désolée, je suis sur la défensive, mais je dois la protéger. Vous savez combien cette ville est dangereuse pour les personnes comme elle ? Comme vous ?

Avaient-elles seulement conscience de l’existence du B.E.M ?

- Vous ne devez pas faire confiance à tous les Mortels, vous devez protéger votre secret, il en va de votre vie, vous comprenez ? La vôtre et celle de vos semblables, déclara-t-elle calmement pour les mettre en garde.

Tamara avait été si impatiente de retrouver Neew York, la civilisation, mais depuis qu’elle était revenue, elle se rendait compte que son obsession de vengeance envers le B.E.M pouvait mettre en danger sa fille. Il n’y avait qu’un solution, détruire au plus vite le Bureau. Mais même « vite », cela prendrait du temps. Il lui fallait des alliés solides de l’intérieur.
Elle se tourna vers Keyleen.

- Est-ce que ce serait possible de ne pas enregistrer nos noms ?

Keyleen Towne x Mélissa Méditrine x Tamara Lond

Une fois que j’eus terminé d’expliquer la situation à la maman, celle-ci se détendit légèrement. Elle n’était pas comme nous mais pourtant elle connaissait nos capacités et l’existence de nos pouvoirs. Elle avait l’air de connaître aussi la période à laquelle ces derniers avaient tendance à apparaitre. Elle avait l’air surprise que sa fille les avait développés si vite.

Comment était-ce possible ? Il n’y avait que deux solutions qui se présentaient à mon esprit. La première qui était la moins dangereuse pour Keyleen et moi, c’était qu’elle était une simple mortelle qui était tombée amoureuse d’un dieu ou d’un demi-dieu, ce dernier lui ayant révélé une partie ou la totalité de notre condition et de notre existence.
La seconde, beaucoup plus dangereuse, était qu’elle fut membre ou qu’elle était toujours un membre du maudit Bureau d’Eradication de la Mythologie. C’était à cause de cette institution que nous avions perdu bons nombres de camarades autant demi-dieux que créatures mythologiques lors des deux attaques de notre Académie.

Comment pouvait-elle avoir un enfant avec un des nôtres si elle travaillait pour le BEM ? Avait-elle retourné sa veste ? Etait-ce un plan du BEM pour savoir où se trouvait notre nouveau camp ? Avait-elle fait quelque chose de pire ? Je me posais des tonnes de questions concernant la situation que nous étions en train de vivre ma meilleure amie et moi. Et je n’avais aucune réponse, je n’aimais pas cela, mais pas du tout.

La mère d’Eileen finit par s’excuser de son comportement, elle nous expliqua qu’elle ne voulait que la protéger. C’était tout à fait naturel et compréhensible, une lionne protégeait toujours ses petits, contre vents et marées.
Son comportement changea radicalement et elle commença même à nous donner des conseils. Elle tenait à nous avertir de la dangerosité de la ville de New York pour des gens comme nous. Elle nous mit en garde et nous recommanda de ne pas faire confiance à tous les mortels.

Je regardai Keyleen, nous étions toutes les deux conscientes des dangers que nous pouvions courir en choisissant de travailler et de vivre parmi les mortels. Mais vu qui étaient nos pères, il aurait été difficile de faire un autre choix que celui-là.

« Je vous remercie pour vos mises en garde. Croyez-moi que nous avons conscience des risques encourus dans cette ville et même n’importe où dans le monde. Nous en prenons bien note en tout cas. »

Keyleen lui expliqua que la raison de ses questions était justement de s’assurer de la sécurité de la petite fille car on avait repéré son statut dès le moment qu’elle fut prise en charge par nos soins. Elle lui confirma que c’était uniquement pour cette raison qu’on lui avait parlé des capacités d’auto-régénération de sa fille.
La mère d’Eileen nous demanda une faveur, celle de ne pas inscrire le nom de sa fille dans les registres de l’établissement, comme si elles n’étaient jamais venues nous voir.

« Je vous promets qu’il n’y aura aucune trace de votre passage dans nos murs. Tenez, prenez ma carte. N’hésitez pas à me contacter si vous voyez que votre fille se fracture à nouveau quelque chose. Son pouvoir d’auto-régénération ne fonctionnera que si les os sont dans le bon alignement. Je vous aiderai sur ce point-là. »

En joignant le geste à la parole, je lui tendis une petite carte de visite sur lequel j’inscrivis mon numéro personnel. Une fois qu’elle avait ma carte dans la main, j’allai vers l’ordinateur posé sur le bureau et fis le nécessaire pour effacer toutes traces de la petite Eileen.

« En retour, je vous demanderais de ne parler de nous deux à personnes. Comme vous l’avez dit tout à l’heure, la ville de New York peut être très dangereuse pour des personnes comme nous. Laissez-nous juste faire notre boulot comme on sait le faire. Je suis fille du Dieu de la Médecine et j’ai fait le Serment d’Hippocrate, aidez-moi à le respecter, s'il vous plaît. »

J'étais presque implorante. Je savais à quel point je venais de me mettre en danger en lui révélant le nom de mon père et en lui donnant mon numéro personnel.
D'un autre côté, mon boulot de médecin m'avait poussé à faire cela car je voulais, moi-aussi dans un sens, protéger la petite puce des dangers de ce monde. Et ils étaient très nombreux.

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La belle infirmière semblait surprise que Tam ait emmené sa fille à l’hôpital en connaissance de cause… mais ce que l’agent de terrain essayait d’expliquer, c’était qu’elle ne savait pas encore qu’Eileen avait ces capacités de régénération. Haytham n’avait développé ses dons que plus tard, pas aussi jeune que ça. En tout cas, l’une comme l’autre étaient rassurantes et elles semblaient savoir de quoi il retournait. Tamara hocha la tête, se disant que sans doute elles avaient perdu des proches lors des attaques, et qu’elle était partiellement responsable, ce qui lui donna mal au coeur. Par contre, elle n’avait aucune idée de ce qui s’était passé pendant les quatre dernières années.

- Je savais qu’un jour elle aurait des capacités spéciales, répondit-elle à Keyleen, mais je ne pensais pas qu’elles s’étaient déjà développées. Normalement c’est bien plus tard. Est-ce que c’est inquiétant ? demanda-t-elle en les regardant tour à tour.

La doctoresse promit qu’il n’y aurait aucune trace de leur passage et que le nom d’Eileen ne figurerait dans aucun registre de l’hôpital, ce qui rassura sa maman qui ne la quittait pas des yeux plus d’une minute.

- Merci, souffla-t-elle.

Le Dr Méditrine proposa même de lui donner ses coordonnées. Tamara était touchée et regrettait encore plus d’avoir été aussi mauvaise pendant treize ans envers les demi-dieux, les mettant tous dans le même panier et pensant avec ferveur qu’ils devaient tous disparaître de la surface de la Terre. Comment pouvait-on se tromper à ce point ?

- Merci, répéta-t-elle en rangeant la carte dans son porte-feuille avec ce sentiment de ne pas mériter cette faveur.

Mais Eileen, elle, n’y était pour rien après tout. Mélissa lui demanda à son tour un service et Tam hocha la tête.

- Oui, bien entendu, c’est promis.

Pourvu que le B.E.M ne me donne pas un jour un dossier sur l’une de ces deux nanas…

Si tel était le cas, Tamara ferait tout pour esquiver et les prévenir.

- Merci encore à toutes les deux. Combien je vous dois pour les soins et les examens ?

Tant qu’elle avait le porte-feuille de sorti, autant en profiter. Haytham allait la tuer quand il saurait qu’Eileen s’était blessée. Mais en la regardant, la fillette avait l’air d’avoir déjà oublié son gros bobo… Peut-être qu’elle pourrait attendre avant d’en parler ? Genre… une décennie ou deux, histoire qu’il y ait prescription ?


Keyleen Towne x Mélissa Méditrine x Tamara Lond

L’atmosphère de la conversation avait vraiment changé du tout au tout à partir du moment où la maman fut mise au courant des capacités extraordinaires de sa petite fille. Elle était beaucoup moins sur la défensive et au contraire elle voulait même nous protéger aussi.
En aucun cas, je regrettais d’avoir donné mon numéro personnel, cela faisait partie de moi, j’avais toujours été impulsive surtout quand il s’agissait de protéger un des miens, quelle que soit la définition que l’on pouvait mettre derrière ces mots.

Pendant que Keyleen assurait à la mère qu’elle n’avait rien à nous payer, je regardais avec beaucoup de bienveillance la petite Eileen. Avait-elle conscience qu’elle n’était pas comme les autres enfants de son âge ? Se doutait-elle de tous les risques qu’il lui faudrait surmonter dans sa vie d’adulte ?
Tant que je le pourrai, je me fis le serment de lui venir en aide de jour comme de nuit. Oui, il était vrai que je m’étais prise d’affection pour la petite puce. Elle me faisait tellement penser à d’autres enfants que j’avais pu croiser à l’académie, pendant tout mon cursus personnel ou par la suite.

« Je vous confirme ce que vient de vous dire ma collègue, vous n’avez rien à nous payer vu qu’il n’y a aucun dossier au nom de votre fille, donc personne à facturer. Et je rejoints également Keyleen en ce qui concerne la promesse qu’elle vous demande de faire.
On vous demande juste des nouvelles de la petite Eileen de temps en temps et surtout que vous n’hésitiez pas à venir nous voir ou nous contacter pour toute question la concernant, ou encore pour tout petit accident comme aujourd’hui. »

Mon bip se fit entendre. J’y jetai un rapide coup d’œil et je vis que c’était à nouveau les urgences qui avaient besoin d’une consultation en orthopédie. Comme j’étais toujours le chirurgien de garde, je ne pouvais pas les faire attendre trop longtemps.
Je saluai la mère avant de me retourner vers la petite fille et lui glisser quelques mots avant de la laisser rentrer chez elle.

« Eh Eileen. Je dois m’en aller pour aller soigner un autre patient. Tu veux bien me faire une promesse ma puce ? » La jeune fille acquiesça de la tête, je poursuivis. « Je voudrais que tu me promettes de faire attention à toi et à ta maman. Et si tu sens qu’il y a quelque chose de bizarre comme ton bras tout à l’heure, tu viens vite me voir ou voir mon amie Keyleen pour qu’on puisse te soigner très très vite.
Tu n’auras qu’à dire à maman que tu veux voir tata Mélissa ou tata Keyleen, elle comprendra. Tu veux bien faire ça pour moi ? » Eileen me regarda avec ses grands yeux plein de malice et d’intelligence, elle acquiesça à nouveau avec sa tête.

Je fis signe à nouveau à la petite famille et les laissai avec Keyleen qui allait montrer le chemin pour éviter les autres membres du personnel des urgences donc les questions qu’on voulait toutes éviter pour notre sécurité à toutes les quatre.
Je savais qu’elle allait aussi lui donner les derniers conseils de prudence qui étaient de rigueur dans ce genre de situation. Je la connaissais par cœur et j’avais toute confiance en elle sur ce sujet.

Codage par Libella sur Graphiorum