Welcome back to NYC !

Haytham ne voulait rien laisser paraître pour ne pas accabler sa femme, mais quitter les Maldives pour retrouver le tumulte new-yorkais, ne l’enchantait guère. Lui qui avait pris goût à cette vie paisible, au milieu de nulle part, bercé par le bruit des vagues et les quelques pleurs d’Eileen qui savait aujourd’hui s’exprimer différemment. Mais loin d’être naïf, Haytham Cassidy savait aussi que tôt ou tard, il faudrait retrouver « la terre ferme » et l’abrupte réalité qui allait avec. Tout comme il savait qu’il devrait répondre de ses non-crimes auprès des hautes instances de l’Olympum. Pour l’heure, il fallait encore organiser le départ auprès de la petite Eileen, qui ne connaissait de la vie, rien de désagréable et qui allait sous peu se confronter à un changement considérable, assez pour que ses deux parents aient en amont pris le temps de tout bien lui expliquer, sans rien omettre, surtout pas la température.

Tamara, avec le soutien de sa mère, s’était chargée de l’aspect logistique, à savoir les vêtements. Ce qui n’était pas négligeable au vu de la température actuelle à New-York, sûrement négative, alors qu’ici l’on frôlait encore les trente degrés sans que cela n’offusque personne. Pour le reste, c’est Haytham qui avait œuvré en faisant jouer ses contacts. Il lui fallait un point de chute et qui de mieux qu’Angel pour en être le garant. Cela faisait longtemps (trop) que les deux frères d’armes et de sang ne s’étaient pas. Pour dire vrai, cela remonté au mariage. En soi une éternité pour Patato et Pinata.

La petite famille avait donc abandonné son petit coin de paradis pour l’aéroport où un long vol les attendait, avec en prime une petite escale à Doha. Les heures s’écoulèrent donc, sans que cela n’ébranle la petite Eileen ébahi par tout ce qu’elle découvrait. Mais plus encore par les quelques créatures invisibles sous leur véritable apparence par le commun des mortels. Hay et Tam avaient ainsi usé de patience et de diplomatie pour faire comprendre à la fillette qu’il ne fallait pas pointer du doigt les créatures mythologiques qui devaient rester cachées pour se protéger. Une notion comprise par la petite fille bien décidée dès lors à protéger « les gentils doudous » comme elle se plaisait à les appeler. Eileen avait beau être curieuse de tout, de par l'enseignement de ses parents, elle savait aussi que certaines personnes ignoraient tout de l’existence des demi-dieux et autres créatures du même acabit. Hay et Tam avaient pris le temps de tout lui expliquer, sans rentrer dans les détails il est vrai, du moins pour Hay. La petite devait être au fait de tout ça, pour ne commettre aucun impair, mais aussi et avant tout pour mieux se fondre dans la société.

« - Tu es tellement surprise que tu en viens à invoquer tous les dieux ? » renchérit le fils de Mars à la suite de sa femme surprise par l’excès de sociabilité de la petite Eileen qui s’approchait d’une poussette pour y découvrir son contenu. « - Leen, ne vas pas trop loin ma chérie ! » La fillette hésita l’espace d’un instant, avant de se raviser pour retrouver ses parents. « - Aller on va réembarquer princesse piranha ! » Ce qu’ils firent sans attendre, direction la Grosse Pomme. Un voyage long pour le commun des mortels et interminable pour la petite fille qui termina par s’endormir dans les bras de son papa, loupant au passage leur arrivée. « - Je te laisse gérer les bagages pendant que je gère notre petit monstre ? » Chacun œuvra donc de son côté avant d’enfin parvenir à s’extirper du tumulte des voyageurs pour rejoindre un ailleurs un peu plus propice à la tranquillité.

« Mama… » commença Eileen qui quittait peu à peu Morphée et les bras confortables de son père qui cherchait du regard sa fille aînée. « - Je crois que le petit monstre est sorti de sa longue sieste. Ma puce nous sommes arrivés. On attend Maisie, tu nous aides à la chercher avec les yeux ? » Prévoyant, le demi-dieu envoya également un message à Maisie pour lui faire savoir qu’ils avaient regagné l’extérieur. «  Z’ai froid ! » commença Eileen alors que déjà sa sœur était en approche.

Cela faisait trois ans que je n’avais pas vu mon père et Tamara ainsi que ma demi-sœur. On se faisait quand même des appels en visio, mais ce n’est pas vraiment comparable avec les voir en vrai. Ils avaient décidé de revenir et j’étais vraiment heureuse depuis que j’avais appris cette nouvelle. Mon père m’avait demandé de venir les récupérer à l’aéroport. J’avais donc prit le soin de louer une voiture assez grosse afin que tout le monde soit confortable. J’étais arrivée en avance et j’avais prit le temps d’aller chercher des boissons chaudes car je me doutais qu’ils allaient en avoir besoin.

Je m’étais ensuite mis un film sur mon téléphone tout en restant dans la voiture. Je captais très bien le wifi et je devais avoué que c’était très pratique. C’était aussi pour essayer de me changer les idées, car depuis que je savais qu’ils allaient revenir, j’avais vraiment du mal à tenir en place. J’espérais qu’il n’allait pas avoir de retard. Avant de venir à l’aéroport, j’étais passée chez la mère de Tamara pour récupérer le plus gros des vêtements afin qu’ils puissent les avoir sous la main dès leur arrivée. Ils éviteraient ainsi de devoir faire les magasins dès le lendemain de leur arrivée.

Je regardais ma montre, ils n’allaient pas tarder à arriver. Mon père m’avait donné le terminal et j’attendais la dernière minute avant d’y aller. Je ne voulais pas faire le pied de grue à l’intérieur. Mon portable vibra et un message de mon père s’afficha. Oh mon Dieu ! Ils étaient là ! Je sautais de ma voiture et je descendais de cette dernière en prenant le soin de la verrouiller. Je partais en courant comme si j’avais le Diable à mes trousses. Je n’avais pas fait l’affront de leur faire une pancarte.

J'avais eu un échange téléphonique avec mon oncle et il m'avait dit où se trouvai le double de la clef de chez lui. J'avais donc pu déjà emmener une bonne partie de leur affaire, préparer la chambre pour ma soeur et aussi, leur remplir le frigo correctement. Ils auraient juste à se reposer et à se détendre.

Je les cherchais du regard et je finis enfin par les voir. Mon père avait la petite dans les bras et Tamara était en train de s’occuper des valises. « Papa ! Je suis là » J’allais vers eux avec un immense sourire sur les lèvres. « Ehhh, coucou petite sœur, tu te réveille de ta sieste ? » Je regardais ensuite mon père. « Vous m’avez tellement manqué ! » Tamara arriva à son tour et j'allai lui faire un câlin. "Tam!"

C’était un réel bonheur, une joie inespérée pour Tamara d’enfin retrouver la civilisation. Non pas qu’elle soit devenue plus sociable et encline à rencontrer du monde, mais avoir une vie active lui avait cruellement manqué, et une vie de Robinson Crusoé version moins naufragé ne lui convenait pas. Elle avait fait l’effort pendant presque quatre ans pour assurer la sécurité de sa famille, mais à présent, cela devenait trop dur et elle savait qu’elle aurait fini par craquer si Hay n’avait pas accepté qu’ils reprennent une vie un peu plus normale. L’excuse qu’Eileen devait aller à l’école pour avoir une vie saine était parfaitement trouvée, puisque d’un côté c’était vrai, mais il fallait reconnaître que ça arrangeait bien sa mère.
Pour s’assurer de passer les frontières sans se faire repérer au cas où le B.E.M ait laissé des avis de recherches sur eux, ils avaient opté pour de faux papiers plus vrais que nature, et c’était passé comme une lettre à la poste.

Après un voyage interminable, les voilà enfin arrivé à New York. Malgré la fatigue, Tam ne pouvait réprimer un sourire tant elle était heureuse. Même devoir se faire bousculer par des idiots de Mortels qui ne voyaient pas que l’agent de surveillance était une sorte de poulpe géant n’avait pas ébranlé sa bonne humeur. A présent, la petite famille en était à chercher la fille aînée d’Haytham. Eileen d’ailleurs venait de se réveiller de sa sieste. Aussitôt, l’entendant dire qu’elle avait froid, Tam sortit le blouson d’hiver qu’elle lui avait commandé sur internet et le lui enfila.

- Allez soldat, la cible à repérer est Maisie, tu nous aides ?

La fillette se mit à rire avant de pointer du doigts une silhouette familière qui venait dans leur direction. Celle-ci s’adressa à son père et le salua tandis que Tamara félicitait sa fille avec un high five. Puis, elle vint serrer Maisie dans ses bras, avec sa poigne légendaire qui ne l’avait pas quittée.

- Salut ma grande ! Ça fait plaisir de te voir en chair et en os ! T’as l’air en forme !

Après des salutations en bonne et due forme, l’ancienne agent de terrain reprit les commandes du chariot à bagages.

- Bon, t’es garée où ? C’est pas que je meurs d’envie de prendre une douche, mais un peu quand même !

Eileen tendait les bras et Tam la prit dans les siens pour l’asseoir sur le guidon du chariot, ce qui amusa grandement la petite fille lors du trajet. Puis, arrivés à la voiture de Maisie, une fois les bagages chargés, ils purent se rendre à l’appartement du frère d’Haytham.

- Il arrive quand, déjà, tonton castagnettes ?

Eileen s’amusa à répéter ce surnom qui la faisait rire. Une fois dans la maison, Tam prit la valise d’Eileen.

- Je vais la doucher et la changer.

Ainsi, Hay et sa fille auraient un peu de temps pour se retrouver. Tam trouva sans mal la salle de bain et prépara sa petite pour, une fois propre, lui enfiler un pyjama d’hiver confortable.

- Eh oui mon petit caporal, il va falloir t’habituer aux manches longues.

La douche chaude fit du bien à la petite qui n’avait pas l’habitude d’avoir froid. Ce n’était pas faute de lui avoir fait visionner « La reine des neiges ». Tamara avait proposé « Le jour d’après », mais d’après Haytham, ce n’était pas adapté à une petite fille de pas encore quatre ans.

- Eh voilà, tu es prête ! Je suis sure que si tu fais les yeux doux à papa, il sera d’accord pour qu’on se fasse livrer une pizza. Et crois-moi, les pizza de New York, c’est quelque chose !

Eileen, curieuse de ce que pouvait bien être une pizza de New York, sortit en courant pour sauter dans les bras de son père.

« - Papa ! Avec maman on veut une pida de Nou York ».

Pendant ce temps, sa mère en profita pour prendre une bonne douche à son tour.

Pendant que la petite princesse Piranha avait retrouvé son père et sa sœur avec un message non-subliminal pour le dîner, Tamara prit à son tour une bonne douche chaude. C’était un bonheur d’avoir retrouvé la civilisation, les voitures, les humains aussi inconscients soient-ils, et surtout Maisie avec qui Tam s’était toujours très bien entendue, même avant de savoir qu’elle était la fille de son « Penseur ». L’agent Cooper avait eu la gentillesse de venir les chercher et s’occuper de tout, et vraiment, Tam était reconnaissante envers son ancienne collègue. Cette dernière avait déjà fait montre d’un talent inné en terme d’organisation pour le mariage de son cher père voilà trois ans et demi, on ne pouvait retirer à Maisie cette expertise en matière de gestion et élaboration. Cela faisait sans doute aussi partie des talents qui faisaient d’elle un bon agent, et Tam savait qu’elle pourrait compter sur sa belle fille pour son plan secret.

Après la douche, l’ancienne agent de terrain enfila une tenue décontractée et chaude avant d’enfin rejoindre le père et ses deux filles. Elle crut comprendre aux propos de Maisie qu’elle voulait déjà partir.

- Quoi, déjà ? Arrête t’es le seul être humain, hormis ces deux-là, à qui j’ai envie de parler, tu vas pas déjà nous lâcher ? Et puis, on ne dit pas non à une bonne pizza de chez Joe ! Oh dis-moi que la chaîne existe encore ?

Aussitôt, elle dégaina son téléphone portable pour effectuer une recherche qui ne mit pas longtemps à lui tirer un sourire.

- Parfait, choisissez ! dit-elle en posant son smartphone sur la table pour que tout le monde puisse voir la carte.

Elle reprit Eileen dans ses bras et la souleva au-dessus de sa tête.

- Et toi, t’es pas fatiguée mon petit caporal ?

« - Nan pas fatiguée ! » répondit-elle en riant.

- On ferait un tour du monde sans s’arrêter qu’elle serait encore en forme… rétorqua Tamara en reposant sa fille par terre.

Tam avait rejoint son mari, sa fille et sa belle-fille, bien décidée à partager cette première soirée à New York avec cette dernière qui avait été son ancienne collègue et qui le serait à nouveau si le plan se déroulait comme convenu. L’idée des pizzas au dîner sembla faire l’unanimité chez les filles, et le fils de Mars dut bien s’y plier, mais Tamara savait qu’il était toujours partant pour faire plaisir aux femmes de sa vie.
L’ancienne agent de terrain s’empressa de se saisir de son smartphone pour aller sur le site de la chaîne en question afin de commander.

- Quatre saisons pour Maisie, parfait. Une quatre fromages supplément champignon pour Eileen et moi. Et toi ma Guimauve, une hawaïenne c’est ça ? Tiens tu devrais en créer une selon tes goût perso, genre une Maldivienne, ou une Marsienne ! ajouta-t-elle avec un petit rire tout en sélectionnant sur le site.

Eileen était enjouée comme jamais, heureuse d’avoir tout son petit monde autour d’elle. Le paiement en ligne effectué, les adultes purent se poser tranquillement dans la salle à manger d’Angel en attendant l’arrivée du repas. La soirée se déroula au mieux, la petite famille reconstituée put se retrouver, échanger des anecdotes, rire et se détendre. Après manger, Tamara laissa Haytham coucher Eileen et en profita pour discuter par SMS avec Maisie à propos du plan de retour au B.E.M. Pas question de prendre le moindre risque que le demi-dieu n’entende.

Puis, Maisie rentra chez elle tandis que les parents d’Eileen la remerciaient encore chaleureusement pour son aide. Leur nouvelle vie pouvait commencer. Dès le lendemain, Tamara se mit à chercher un appartement. Il était évidemment hors de question de reprendre l’ancien, du moins pas tout de suite, c’était bien trop risqué par rapport au Bureau. Elle savait qu’Haytham serait occupé à chercher son plan de carrière. Sans doute voudrait-il être d’abord salarié quelque part le temps de se faire vraiment la main avant d’ouvrir son restaurant. Et quand Eileen serait enfin à l’école, l’ancienne agent de terrain aurait le temps de peaufiner son plan de réembauche avec Maisie.
En attendant, usés par les heures interminables de voyage et le décalage horaire, les deux parents s’endormirent sans se faire prier.