(FB)Quand Patato rencontre Pinata

- La vie n’est pas facile point si tu veux mon avis. Que l’on soit un demi-dieu ou non. La vie c’est un beau gros bordel et il faut survivre comme l’on peut. On se passe sortie de la merde et au final… Enfin bref … À la tienne mon vieux.

Je portais un toast avec mon breuvage pétillant avant de commencer à manger avec appétit. J’avais une faim de loup comme toujours et j’engloutissais cette pizza. C’était bien meilleur que la bouffe que l’on nous servait et puis le prix était plus que correct ici. Je n’étais pas riche, mais j’appréciais dépenser mon argent judicieusement. Cette pizza était un choix judicieux et Gino avait le don de faire la meilleure en ville tout simplement.

Haytham me parlait des cours de baston et je souriais en coin. C’était ceux que préféraient et qui étaient le plus utile à mon sens. Je me passais une main dans les cheveux avant de lui répondre.

- Se défendre en cas de besoin. Nous sommes comme un genre d’élite. Je te confirme que tu es plus fort que tu en as l’air. C’est peut-être ton don non ? Être fort comme un gros lion !

Je rigolais un peu alors que j’agaçais le cuistot qui me fichait une claque directement. J’adorais embêter les gens. C’était si facile. Haytham entrait même dans mon jeu et agaçait le propriétaire. C’était une bonne chose. C’était comme ça que l’on avait de privilège avec Gino. Il était comme une sorte de père pour les adolescents comme nous. Parfois, il m’offrait même le repas lorsque je n’avais pas le nez dans mon assiette.

- Ouais c’est vraiment un endroit sympa. Gino n’a même pas d’enfant donc quand cet endroit fermera … Ce sera la fin de son savoir et de ces délicieuses pizzas. Rien n’est éternel malheureusement et je crois qu’on le sait tous les deux mon vieux. Je suis persuadé que ma mère est morte dans une ruelle d’une overdose après s’être fait défoncer par un client …

Je continuais de manger. Ce genre de propos, c’était mon quotidien avant. Ma mère qui ramenait des clients à la maison. Les bruits de baises dégueulasses et ensuite les seringues sur le sol. Je devais les ramasser pour éviter de me piquer. Encore heureux que je n’eusse jamais attrapé de saloperies, car je m’étais déjà piqué quelques fois en réalité. Je ne voulais pas être comme elle, aussi, je me refusais de toucher à la drogue. Je pouvais boire, mais jamais je ne me ferais une ligne de cocaïne ou encore un shoot d’héroïne.

- Tu aimerais faire quoi plus tard ? T’as une idée ?

Ils avaient sûrement à peu de chose près le même âge, mais Angel semblait jouir d’une plus grande expérience de la vie que son camarade, qui l’écoutait avec la plus grande des attentions. Lui, pouvait prétendre avoir eu plus de chance dans la vie, du moins jusqu’au retour de la salle bête qui l’avait obligé à quitter l’Irlande avec sa mère, alors qu’il n’était qu’un petit garçon d’à peine cinq ans. Cette même bête qui avait donc réduit à néant la quasi-totalité de son univers et qu’il s’était secrètement juré de réduire en centres quand l’occasion se présentera à nouveau. Pour l’heure il était là, à New York, avec son nouvel ami qui lui offrait sa vision de la vie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son discours ne transpirait pas la joie de vivre.

« - En fait, je pense que je suis plus nuancé, bien que pour l’instant la phase de deuil me donner envie de tout envoyer bouler et de dire « merde » à celles et ceux qui me regardent l’air désolé. Je ne veux pas de leur pitié à ces cons. J’irai mieux à la phase suivante. À ce monde de merde ! » lança-t-il pour trinquer à son tour avant de délester son verre de quelques gorgées de soda pour ensuite venir nourrir sa panse quitte à se faire péter le bide loin des règles et de la bouffe dégueulasse du réfectoire d’Olympum. « - C’est mille fois mieux que ce qu’ils nous servent à la cantine. Gino vient sûrement de gagner un nouveau client. » Effectivement, nous ne pouvions comparer l’incomparable, toujours est-il qu’Haytham n’avait jamais dégusté une pizza aussi riche, pas même à la Nouvelle Orléans, pourtant réputée pour sa cuisine riche. C’était simple, sans trop de fioritures, mais délicieux à s’en damner, si toutefois l’enfer existe.

Puis, curieux malgré la colère qui l’habitait et son envie de mettre les voiles de l’Olympum, car ne se sentant pas à sa place, le demi-dieu évoqua ce qui se résumait trivialement « aux cours de baston. » Une évocation qui fit sourire Angel. « - De toi à moi je ne me suis jamais considéré comme une élite. Pour ce qui est de la force, oui je dois reconnaître que je n’en manque pas. Ma mère m’a souvent répété de faire attention quand j’étais à l’école. Mais donc si comme tu le dis, je suis fort comme un « gros lion » je descends de qui ? » Une question existentielle à laquelle il n’avait malheureusement pas de réponse, sa mère ayant emporté cet ultime secret dans la tombe. Il se savait juste pourvu de capacités surhumaines d’une part et du sang d’un dieu dont il ignorait l’identité. Mais qui selon les dires de feu sa mère, l’avait aimé intensément le temps de leur idylle aussi courte soit-elle.

Et puis voilà que ça riait de bon cœur, faisant oublier au fils d’Eileen, l’espace d’un instant, toute sa tristesse, sa colère et cette multitude de sentiments contradictoires qui vous attirent vers le bas. Haytham se prêta même au jeu, agaçant à son tour le propriétaire des lieux qui se voyait dès lors confronté à deux teignes. « - Endroit sympa est un euphémisme. On n’a plus qu’à espérer que cet endroit ne ferme jamais… » Pour amoindrir la lourdeur de la révélation que venait de faire Angel, Haytham tâcha de détourner l’attention. Un procédé dont il avait tant de fois abusé pour consoler la petite Tamara. « - Hey tu sais quoi ? Je fais le serment de reprendre cet endroit un jour. Comme ça, les comme nous auront toujours un endroit où aller et s’éviteront une intoxication à la cantoche du camp. Qu’est-ce que tu en dis ? Accessoirement ça me permet aussi de rebondir sur ta question d’avenir. Honnêtement, je ne sais pas ce que je ferais plus tard. Le fait d’être un demi-dieu, ça te laisse imaginer que tout un tas de perspectives s’ouvrent à toi, mais en vrai ne sachant pas de qui je tiens, j’ignore ce pour quoi je suis fait. Et toi ? Des projets ? »

Nous avions tous un démon qui nous poursuivait. Le mien était le drogue et la pauvreté. Je savais que si je touchais à la drogue une fois dans ma vie je deviendrais sans doute comme ma mère. C’était dans mes gênes. Aussi, je m’interdisais toute drogue en dehors de la nicotine. Je fumais depuis quelques années déjà. La faute à la vie et le milieu dont j’étais issu. Je regardais Haytham en l’enviant un peu. Il avait eu une mère aimante visiblement. C’était triste qu’elle soit morte, mais il avait reçu un peu d’amour. Moi, j’avais reçu des claques derrière la tête et des coups de pied dans le cul. Finalement, ça avait forgé mon caractère. Je n’étais pas un enfant de choeur et je ne le serais jamais. Sans doute pour ça que Chiron tolérait mes multiples bêtises.

- Gino c’est un putain de génie !

L’italien m’avait entendu et en profitait pour venir me foutre une claque derrière la tête en me disant de surveiller mon langage. Je me mettais à rigoler alors qu’il retournait dans la cuisine pour faire une autre commande. Le sujet déviait sur les cours que je préférais. Les cours physiques qui permettaient de se battre. Je me mettais à réfléchir à la descendance de Haytham et je prenais une gorgée de soda en continuant de réfléchir. J’étais capable d’un peu de réflexion lorsque je le voulais contrairement à ce que l’on pouvait croire. C’était simplement que j’étais nulle en mathématique, en chimie et toutes les conneries du genre. J’étais un type manuel et physique. Pas un gratte-papier en devenir.

- Aucune idée je t’avoue, mais il avait une grosse paire de couilles et il était fort comme un lion.

Je me mettais à rire avec celui qui deviendrait mon demi-frère. Je l’ignorais encore que nous avions le même père, mais notre complicité n’avait rien de laissé au hasard finalement. Nous nous entendions parfaitement et nous avions des traits de caractère un peu similaire. J’étais heureux de le voir se changer les idées et rire. Il devait faire autre chose que de broyer du noir. J’allais lui apprendre à évacuer sa colère en bottant de cul ! J’étais bon dans le domaine en plus.

- Et moi, je fais le serment de te soutenir dans ce super projet de reprendre cet endroit fantastique ! Il faudra que tu passes du temps avec le maître des cuisines ! Tu sais, moi, je me vois mal avoir un point d’ancrage quelque part. J’ai envie de voyager et de botter des culs. Tu crois qu’un demi-dieu agent secret c’est possible ? Je veux voir le monde et me taper des filles toutes plus sexy les unes que les autres. Nous sommes deux facettes d’une même médaille. Oh ! Et je veux une Harley-Davidson avec une Ford Mustang qui fait beaucoup de bruit.

Je me mettais à rigoler. La réalité ne serait pas si loin de ça avec les années. Je continuais de manger en souriant. Je me sentais à l’aise avec le nouveau. Il n’était pas trop chiant et il avait une tête sur les épaules.

- En fait, je veux juste vivre et non plus survivre tout simplement.

J'avais englouti ma pizza comme une goinfre et je me tapais le ventre.

- Si je finis pas obèse à force de manger ici. Je crois que je viens de prendre cinq kilos.

Cet endroit était « normal » et rien que pour ça, Haytham parvenait sans mal à se sentir comme chez lui. Il rejetait la colonie et tout ce qui a trait à l’univers des demi-dieux. Après tout, c’était en partie à cause d’eux si sa mère était morte et que la vie des Lond avait été bouleversée de la plus sordide des façons. Habitué à vivre comme un mortel depuis toujours, le fils du dieu de la guerre se voyait mal faire autrement à présent. De ce fait, il semblait enclin à rejeter ce nouvel univers qui se présentait à lui. Ou peut-être le tolérerait-il si d’aventure, il parvenait à s’échapper plus souvent pour vivre ce genre d’instant en aussi bonne compagnie.

Si l’on s’arrêtait à la première impression, nul doute que ce cher Angel ne dégageait rien de sympathique. Renfrogné, provocateur au possible et rebelle plus que de raison, jamais Haytham n’aurait fréquenté un tel type. Et pourtant, il voyait en lui, la seule personne capable de vraiment le comprendre. Angel ne le jugeait pas et se fichait bien de savoir d’où il venait. Sans réfléchir, il s’était ouvert à lui, mettant à mal l’image peu enviable des premiers instants. Dès lors, Hay dut admettre que ce type lui plaisait bien, assez pour ne pas s’offusquer de passer autant de temps en sa compagnie.

« — Vous devriez tenter le bocal à jurons Gino ! » lança le nouvel arrivant en se souvenant de ce que madame Lond avait mis en place pour que Tam et lui arrêtent de jurer comme des charretiers. Un bocal vite remplit tant les deux intrépides aimaient le langage familier. Le gérant des lieux acquiesça après avoir déposé une petite tape derrière la tête d’Angel. « Je vais y réfléchir ! » lâcha-t-il avant de s’en aller laissant les deux adolescents à nouveau seuls. « — Heureusement que le bocal à jurons n’est pas encore en vigueur. Cela dit, je t’imagine sans mal être la progéniture d’un type burné. Quant à moi, je pencherai plutôt pour un dieu plus pondéré que celui de la guerre. Je ne suis pas quelqu’un de belliqueux de base donc bon… » laissa-t-il en suspens. Il est vrai qu’il s’imaginait mal être le fils de Mars pour bien des raisons, à commencer par le fait qu’il n’était pas un sanguin ni violent par nature. Pour l’heure, il demeurait juste un adolescent paumé et en colère, qui songeait non sans mal à son avenir. « — J’aime cet endroit. » Et pour cause, il s’y sentait bien, il avait l’impression d’être normal. Tellement qu’il se laissa aller à un projet fou, celui d’un jour reprendre cet endroit. Et de toute évidence, Angel était acquis à sa cause.

« — Peut-être qu’on sera associé qui sait ? Et puis à défaut d’avoir un point d’ancrage, tu auras un endroit où bouffer de bonnes pizzas si j’arrive à me faire la main. » Il n’était pas vraiment sérieux et j’imaginais mal à un jour revenir ici pour reprendre les lieux, mais c’était beau de rêver, plus encore lorsque l’on a vécu autant de drames en aussi peu de temps. « — James Bond n’a qu’à bien se tenir si jamais un jour tu deviens agent secret. Mais tu sais, tu peux très bien voyager et botter des culs sans être agent secret. Moi je veux commencer par trouver cette putain de créature qui m’a tout pris et ensuite je me ferais un plaisir de la buter. Le reste je n’en sais rien. Donc pour l’heure, ma vengeance semble être le projet le plus concret que j’ai dans ma besace. Après je ne te cache pas qu’avoir une belle voiture est un projet tout aussi intéressant. » Il se mit à rire de bon cœur lui aussi, avant de reprendre un peu son sérieux.

« - C’est un beau projet de vivre et non survivre. Je suis sûr que tu y parviendras. Alors sans attendre, prends ton destin entre tes mains. Ne me demande pas d’où je sors cette connerie, je l’ignore. Mais sur l’instant, je trouve que ça sonnait plutôt pas mal. » Il lui sourit à nouveau avant de se résoudre à finir sa pizza non sans mal. « — Ce n’est pas une sinécure, mais au moins avec ça on a bouffé pour plusieurs jours. De quoi se faire quelques réserves. Tiens d’ailleurs, vu l’ampleur du chantier, je pense qu’avec moi comme apprenti castagneur, tu risques de ne pas devenir obèse. Je veux que tu m’apprennes tout ce que je dois apprendre pour botter des culs. Et ça n’est pas négociable. J’en ai marre d’être une putain de brindille avec une super force cela dit. »